La France a promis, hier, aux insurgés libyens d'intensifier les frappes aériennes contre les forces de Kadhafi, qui poursuivent leurs attaques dans la ville de Misrata, et d'envoyer des officiers de liaison conseiller la rébellion. La Grande-Bretagne a également décidé l'envoi de conseillers militaires auprès du Conseil national de transition (CNT) qui représente les rebelles à Benghazi, dans l'est de la Libye, et l'Italie envisage également de le faire. A Paris, Nicolas Sarkozy a reçu à l'Elysée le président du CNT, l'ancien ministre libyen de la Justice Mustapha Abdeljalil, et lui a assuré que les raids aériens contre les troupes de Kadhafi allaient se multiplier. Dans l'après-midi, la télévision nationale libyenne a rapporté que l'Otan avait mené une attaque contre des «objectifs civils et militaires» dans le secteur de Bir al Ghanam, au sud-ouest de la capitale, Tripoli. L'Elysée a précisé que Nicolas Sarkozy et Mustapa Abdeljalil s'étaient accordés sur le fait que Mouammar Kadhafi n'avait «pas sa place dans l'avenir de la Libye». Le président du CNT a invité le président français à se rendre à Benghazi, bastion de l'insurrection. «Je pense que cela serait extrêmement important pour le moral de la révolution (libyenne)», a-t-il dit à l'issue d'un entretien de trois quarts d'heure avec Nicolas Sarkozy. Sept semaines de combats La France exclut toujours une intervention terrestre, comme l'ont réaffirmé le ministre de la Défense, Gérard Longuet, et le porte-parole du gouvernement, François Baroin. «Ce n'est pas la résolution 1973» du Conseil de sécurité de l'Onu, qui a autorisé les frappes aériennes, a dit le premier après le conseil des ministres, tout en admettant que c'était un sujet «qui mérite une réflexion internationale». «Nous n'envisageons pas de déployer des troupes de combat au sol, en aucune façon et sous aucune forme que ce soit», a pour sa part déclaré François Baroin lors du compte rendu du conseil. «Et nous ne prenons pas d'initiative pour demander une nouvelle résolution du Conseil de sécurité.» Il a cependant confirmé que des pays de la coalition, dont la France, enverraient «un petit nombre d'officiers de liaison auprès du CNT afin d'organiser la protection de la population civile». Il a précisé que le nombre de ces officiers envoyés par la France serait inférieur à dix. Selon une source familière du dossier, les Britanniques auraient aussi dépêché en Libye une vingtaine de membres de leurs forces spéciales et les Français entre dix et quinze, dont plusieurs à Misrata, ce que Paris ne confirme cependant pas. Dans cette ville de Misrata, la troisième de Libye, située à 220 km à l'est de Tripoli, les combats se poursuivent après plus de sept semaines d'affrontements qui ont fait des centaines de morts. La situation humanitaire y est de plus en plus précaire car la population manque de vivres et de médicaments. Les insurgés ont dit avoir enregistré quelques progrès dans les combats qui les opposent aux forces kadhafistes pour le contrôle du principal carrefour de la ville. «Crimes de guerre» à Misrata ? Les forces loyales à Mouammar Kadhafi ont bombardé plusieurs quartiers de la ville côtière mardi, faisant huit morts, en majorité des civils, mais le pilonnage s'est interrompu mercredi, a dit un porte-parole des rebelles. Les combats se poursuivent dans la rue de Tripoli, artère principale qui relie le centre-ville aux faubourgs sud. Les rebelles «contrôlent désormais la moitié de la rue. L'autre moitié est contrôlée par les soldats de Kadhafi et les tireurs embusqués», a précisé le porte-parole des insurgés. Des combats faisaient également rage mercredi rue Nakl el Thequil, qui conduit au port, point de transit pour l'acheminement de la nourriture et de l'aide médicale aux civils. La zone portuaire elle-même était calme mercredi et les bateaux pouvaient accoster normalement. «Un navire turc transportant de l'aide humanitaire est arrivé il y a environ une demi-heure. Deux navires qataris sont arrivés hier. Ils ont évacué 1.500 Africains», a dit le porte-parole. Le recours par l'armée gouvernementale à des bombes à sous-munitions et à des armes lourdes à Misrata a fait un grand nombre de victimes civiles et pourrait être qualifié de crime de guerre en vertu du droit international, estime l'ONU. Navi Pillay, Haut Commissaire des Nations unies pour les droits de l'homme, a appelé à la levée du siège de Misrata. Elle a dans le même temps condamné les attaques menées contre cette ville par les forces kadhafistes, dont le tir d'une bombe à sous-munitions qui a explosé la semaine dernière à quelques centaines de mètres de l'hôpital de la ville. Sur le plan diplomatique, le ministre libyen des Affaires étrangères, Abdoul Ati El-Obeïdi, a proposé la tenue d'élections dans son pays en échange d'un arrêt des bombardements alliés. «Si les raids s'arrêtent, on pourrait organiser six mois après des élections supervisées par les Nations unies», a suggéré le ministre cité par la BBC. Cette proposition a été aussitôt rejetée par le Foreign Office, qui a réclamé «des actes et non des mots». G . T.