A l'écoute de la toute dernière déclaration de Abdallah Khanafou, ministre de la Pêche et des Ressources halieutiques (MPRH), le dossier du thon rouge devient une affaire empoisonnée. A l'écoute de la toute dernière déclaration de Abdallah Khanafou, ministre de la Pêche et des Ressources halieutiques (MPRH), le dossier du thon rouge devient une affaire empoisonnée. Notamment lorsque, très en colère, ce ministre affirme que des poursuites judiciaires ont été engagées à l'encontre des armateurs bénéficiaires de l'aide financière de l'Etat. Il les accuse de n'avoir pas respecté leurs engagements d'acquérir les équipements nécessaires pour transformer leurs embarcations en thoniers. Le scandale dit «affaire turque du thon rouge de Annaba», qui a éclaté début 2009, n'a apparemment pas servi au MPRH pour assurer ses arrières dans ses relations avec les armateurs algériens. C'est dire que la question du thon rouge n'a pas fini de rebondir, de diviser et de bousculer les clivages MPRH/Armateurs. Le quota (1100 tonnes/an en 2009, réduit à 600 t/an en 2010) de thon rouge attribué à l'Algérie par la Commission internationale pour la conservation des thonidés (ICCAT) vient troubler, contre toute attente, la tranquillité des gestionnaires algériens chargés de ce secteur. Après de longs mois d'inertie, les enjeux financiers importants caractérisant la pêche du thon rouge ont repris. Comme si à force de mettre en avant les vertus des aides financières accordées aux armateurs par son institution, Abdallah Khanafou a stimulé les appétits de ceux qui détiennent le monopole des produits de la mer. Encore une fois, le même ministère a appelé à la rescousse la justice. Elle doit statuer sur le sort des armateurs qui ont pris le Trésor public pour leurs propres poches. Ceux-là mêmes qui, en contrepartie de leur engagement de consolider la flotte des thoniers algériens, ont bénéficié d'une aide financière. Versée par le MPRH, elle représente 60% de la facture globale des équipements à acquérir pour chaque embarcation transformée en thonier. Il n'en a été rien. Pas un seul nouveau thonier n'est venu renforcer la flotte existante. Ainsi, la malheureuse expérience de 2009 qui a vu un armateur repris de justice disposer (pour un même engagement) de l'aide de plusieurs dizaines de millions de DA n'a pas suffi. Beaucoup ont gardé en mémoire le scandale du thon d'Annaba. Et pour cause, le flou qui entoure toujours ce dossier où se mêlent incompétence, compromission, corruption et dilapidation du patrimoine public. Ce scandale a permis à des armateurs de se remplir les poches. Autorisation tacite ou arrangée au mieux d'intérêts bien particuliers, ils avaient répercuté leur autorisation de pêcher des 1 100 tonnes de thon rouge au profit d'un armateur turc. Il s'agissait de l'équivalent de 4,40 milliards de DA. Plus de la moitié avait déjà fait l'objet de transaction en haute mer avec virement du montant sur le compte bancaire de l'armateur véreux domicilié dans un pays de la rive nord de la Méditerranée. La poursuite de l'opération avait échoué. Officiellement saisi par le secrétaire général du MPRH et le directeur de la pêche maritime et océanique, le wali de Annaba avait rapidement réagi en dépêchant les garde-côtes. Mais comme pour dissuader à l'avenir toute démarche du genre, les animateurs de la mafia algérienne des activités maritimes s'en prirent aux deux cadres dénonciateurs. Poursuivis, les deux furent condamnés par le tribunal correctionnel de Annaba à une peine de 2 ans de prison ferme assortie d'une forte amende. Dans le remue-ménage qui suivra, les gros bonnets s'empresseront de détruire dans l'œuf toute enquête approfondie. Informée de l'incapacité des Algériens à pêcher eux-mêmes leur quota, l'ICCAT est intervenue pour limiter ce quota à 600 tonnes en 2010. Ce glissement n'a pas été du goût des autorités algériennes. Nonobstant l'affaire du thon rouge de Annaba qui a pris toutes les certitudes de vitesse et multiplié les états d'âme, il a relancé les armateurs. Alors que le ministre espérait, confiant dans la compréhension de ces derniers, participer au développement de la pêche et de l'aquaculture tel que défini par le plan quinquennal 2009/2013, ils sont venus, ont signé tout engagement que le ministère leur a soumis, ont pris l'argent puis, ont disparu. Ils ne sont pas les seuls. De nombreux patrons de pêche sont également de la curée. Haro sur le Trésor public via le grand portail ouvert par le MPRH à travers les aides financières. Il n'y a presque pas eu de contrepartie. Malgré l'importance des soutiens mis en place par l'Etat, l'exploitation de plus de 1 200 km représentant une surface de 9,5 millions d'hectares est encore timide. Avec une trentaine de ports mixtes, de pêche et abris, une flottille de quelque 3 000 embarcations (chalutiers, sardiniers, petits métiers) sous la conduite de plus de 30 000 marins et patrons de pêche, ce secteur reste en deçà des objectifs assignés. Pis encore, si le poisson blanc boude les étals ou, lorsque disponible, il est cédé à des prix inabordables même pour les bourses moyennes, le prix du poisson bleu comme la sardine a dépassé l'entendement. Ce prix est actuellement à 400 DA/kg. Après avoir flirté avec la barre des 5,2 kg/an, la consommation par habitant a chuté pour dépasser actuellement les 3 kg à peine. D'où l'espoir porté par les gestionnaires du secteur sur le développement de la filière de production aquacole. Après avoir connu un réel essor avec l'application du Plan national de développement de l'aquaculture (PNDA), cette filière peine à tracer sa route. Pourtant, au début des années 2000, elle était porteuse de création de plusieurs dizaines de milliers de postes de travail directs et indirects. Quant à l'investissement, il n'a pas suivi. L'on est resté à la quinzaine de sociétés mixtes créées dans le cadre du partenariat et une vingtaine d'autres liées au plan de relance économique avec des partenaires européens, américains et arabes. Fin 2010, le bilan établi n'est pas satisfaisant. La mise en route des différentes politiques lancées dans le cadre du développement durable n'ont pas eu les résultats escomptés. Pourtant, tout avait été étudié pour un réel développement de l'aquaculture, la pêche maritime et océanique, et celle artisanale. Cumulées, ces trois activités devaient permettre d'augmenter la production nationale, le nombre de postes de travail à créer et d'engendrer des recettes appréciables à l'exportation. Apparemment, comme pour la pêche du thon rouge, les gens de la mer ont une toute autre conception de la finalité des aides financières que leur verse l'Etat. Ces aspects et bien d'autres seront certainement abordés par le ministre de la Pêche à l'occasion de sa visite de travail qu'il effectuera le mercredi 4 mai à Annaba. Dans tous les cas, il se prépare à sensibiliser les uns et les autres des gens de la mer sur la nécessité de tout mettre en œuvre pour non seulement participer efficacement au développement de la pêche en Algérie, mais aussi celle du thon rouge. Cette volonté, Abdallah Khanafou l'a déjà mis en relief lorsqu'il a affirmé : «Nous travaillons pour récupérer notre quota annuel du thon rouge. C'est l'objectif que nous nous sommes fixés d'atteindre lors de la prochaine réunion de l'ICCAT prévue le mois de novembre prochain à Istanbul.» A. Djabali