La nouvelle a fait le tour de la planète en l'espace de quelques minutes. C'est le président américain en personne qui s'offrit cet immense privilège de l'annoncer tôt le matin d'hier, l'air triomphal. Le chef historique d'Al Qaïda, Oussama ben Laden a été tué dans la nuit de dimanche à lundi lors d'un assaut des forces spéciales américaines contre une propriété au Pakistan. Sa mort met fin à une traque de quasiment 10 ans menée par les Etats-Unis pour retrouver l'inspirateur des attentats du 11 septembre 2001. Le chef du réseau islamiste Al Qaïda se cachait dans un vaste complexe résidentiel fortement protégé à Abbottabad, une ville aisée située à une soixantaine de kilomètres au nord d'Islamabad, la capitale pakistanaise. D'après des responsables américains, il a été touché mortellement à la tête au cours d'une fusillade. Trois autres hommes ont péri, dont un fils d'Oussama ben Laden, ainsi qu'une femme. «Justice a été faite», a déclaré le président américain Barack Obama annonçant sur le perron de la Maison-Blanche la mort du chef islamiste, dont les partisans ont commis de nombreux attentats meurtriers à travers le monde. Les dirigeants de nombreux pays ont salué la mort d'Oussama ben Laden comme une victoire spectaculaire contre le terrorisme international, tout en appelant à rester vigilants face au risque d'attentats. Les experts des questions de sécurité soulignent aussi que la menace terroriste n'a pas disparu avec la mort du chef d'Al Qaïda, qui n'exerçait plus de contrôle effectif sur un réseau éclaté en groupuscules isolés géographiquement. Lorsque l'annonce de la mort d'Oussama ben Laden s'est répandue, des milliers d'Américains enthousiastes se sont rassemblés à Washington et à New York pour célébrer cet événement et se souvenir des tragiques événements du 11 septembre 2001. Ailleurs, la nouvelle n'a pas suscité le même enthousiasme populaire. Même si nombre de capitales occidentales ont très vite réagi à la nouvelle, exprimant leur «soulagement», après l'élimination d'un chef terroriste redoutable. Curieusement, la nouvelle a été accueillie avec plus d'indifférence dans le monde arabe, où le chef d'Al Qaïda est supposé avoir beaucoup d'adeptes et de sympathisants. Un large secteur de l'opinion arabe estime que Ben Laden et son organisation ont été une création des officines américaines, utilisées pour servir les intérêts stratégiques des Etats-Unis, avant de se retourner contre eux. L'insaisissable instigateur du 11 septembre Défiant la puissance de l'Amérique «infidèle», Oussama ben Laden a organisé les attentats les plus meurtriers de l'histoire avant de passer des années à railler Washington qui ne parvenait pas à le capturer. L'instigateur des opérations suicide du 11 septembre 2001 était devenu un objet d'obsession pour l'ex-président George W. Bush, qui avait juré de le prendre mort ou vif et dont les deux mandats ont été dominés par une «guerre contre le terrorisme» axée sur son réseau islamiste, Al Qaïda. Il s'était également posé en adversaire de Barack Obama, rejetant la branche d'olivier tendue aux musulmans par le nouveau président américain dans son discours du Caire en 2009. On l'a dit terré dans des grottes afghanes, sans plus de contrôle sur son mouvement, mais Ben Laden en est resté la figure de proue alors qu'il se ramifiait de l'Irak à l'Afrique du Nord, pilotait ou inspirait des attaques de Bali à Londres. Avec sa longue barbe grise et son air mélancolique, il était devenu l'un des personnages les plus notoires de la planète. Son visage émacié surgissait périodiquement des vidéos de propagande d'Al Qaïda tandis que les Etats-Unis promettaient 25 puis 50 millions de dollars de récompense pour la capture de cet homme secret à qui d'autres trouvaient du charisme. Dimanche, l'ennemi public numéro un des Etats-Unis a été tué dans une opération conduite au Pakistan par les forces spéciales américaines, ce qui met fin à une chasse à l'homme sans équivalent. Des milliers de soldats américains auront participé à cette traque dans les monts et déserts d'Afghanistan, ainsi que des dizaines de milliers de soldats pakistanais dans les zones tribales frontalières. Exécré comme un terroriste incarnant les crimes de masse et le mal absolu ou traité en icône de musulmans dressés contre l'humiliation, Ben Laden a changé le cours de l'histoire. Cela dit, ces quatre dernières années, la présence de Ben Laden s'est limitée à des interventions télévisées que diffusent régulièrement la chaîne Al Jazeera, pour menacer les intérêts américains et des croisés, en Irak et en Afghanistan. Son retrait a été vite exploité par son lieutenant, l'Egyptien Aymen Al Zawahiri, qui s'est imposé comme l'idéologue de la nébuleuse islamiste. R. I.