L'Etat algérien qui envisage des réformes politiques est-il encore pour le pluralisme démocratique ? Veut-il toujours garantir le pluralisme des idées, la vitalité du débat démocratique mais aussi la qualité des contenus et la spécificité du métier de journaliste ? Certains en doutent au moment où tout le monde convient de la nécessité de sanctuariser la presse. Prévu par la loi 90/70 du 3 avril 1990 relative au Code de l'information, le fonds d'aide de l'Etat est d'abord destiné aux titres privés. Le volet formation n'en est que l'un des aspects. Aussi, force est de constater que ce fonds a été détourné aujourd'hui de sa vocation initiale. En effet, le logement sécuritaire accapare pour l'essentiel ces subsides. Une situation qui profite à l'hébergement des journalistes essentiellement du secteur public. A la décharge des pouvoirs publics, si le fonds d'aide à la presse n'a pas été utilisé comme il se doit, c'est parce que certains titres ont opposé, là aussi, leur veto en qualifiant cette aide de «vulgaire prime à la médiocrité». Une formule lapidaire qui a vite fait de semer le trouble dans l'esprit des responsables du ministère de la Communication qui semblent en avoir développé un véritable complexe. On n'a, ainsi, toujours pas défini le statut de l'entreprise de presse qui reste encore régi à ce jour comme n'importe quelle entreprise économique. Même si l'activité n'a rien à voir avec la production de biens matériels, les journaux sont soumis aux mêmes charges fiscales et parafiscales, au même taux de TVA, etc. D'où l'urgence de repenser le modèle économique de la presse à l'issue des états généraux que prévoit d'organiser prochainement le ministère de la Communication. Il va falloir identifier avec les professionnels les grands enjeux du secteur, notamment avec l'irruption de la révolution numérique en cours. L'Etat algérien se doit, désormais, de prendre le taureau par les cornes et de s'engager davantage en faveur de l'innovation et de l'investissement, grâce notamment à ce fonds d'aide et réfléchir à mettre en place une nouvelle règlementation. Le véritable problème n'est pas tant le montant des aides ou encore leur destination mais l'ambition en faveur d'une démocratie vivante et pluraliste qu'il faut non seulement afficher mais soutenir concrètement sur le terrain par des mesures viables. Le monopole de l'Anep, parlons-en ! A chaque visite d'observateurs étrangers ou à l'occasion de la tenue de forums, on sort l'argument du monopole de l'Anep auquel on prête tous les excès. Ainsi, certains titres ont poussé la coquetterie jusqu'à refuser l'insertion de la publicité de l'agence étatique alors qu'ils en ont, plutôt, largement profité depuis leur avènement sur la scène médiatique nationale. Une position qui n'est pas toujours dénuée d'arrière-pensées politiques tant ce refus est souvent justifié par un prétendu désir d'indépendance du pouvoir politique. Bien sûr, cet argument ne résiste pas à un examen approfondi de la situation. La vraie raison à cette «défection» est que la situation florissante de ces titres et l'importance de leur plan de charges ne leur permettait pas d'honorer toutes les commandes. Une mauvaise foi corroborée par un énième revirement qui consiste à exiger d'être une nouvelle fois servi par l'Anep faute de quoi ces médias se poseront en victimes expiatoires d'un «pouvoir autoritaire». Certains confrères continuent à utiliser cet argument éculé de la mainmise de l'Anep alors que celle-ci ne détient qu'à peine 20% des parts sur le marché publicitaire national. Le reste (80%) revient aux annonceurs privés qui utilisent, eux, les supports de leur choix. Au-delà de cette «contre-vérité», il est vrai que la publicité de l'Anep est institutionnelle et engage, par conséquent, des fonds publics qu'il faut gérer en bon père de famille. Dans tous les pays du monde, cette manne est toujours utilisée comme une aide indirecte à la liberté de la presse. Il faut savoir que chez nous, parmi les raisons qui ont poussé l'Etat à confier cette mission à l'Anep, il y avait la nécessité d'éviter les marchandages dont se sont rendus auteur de nombreux responsables locaux en connivence avec certains médias. Pour preuve du rétrécissement du marché public de la publicité, le plus gros annonceur qui était jusque-là la Sonatrach utilise à présent pour ses appels d'offres son propre support, à savoir le Baosem. Dans le passé, cette publicité avait largement profité à pas moins de cinq journaux bien identifiés. Personne n'avait trouvé à redire. Ce vers quoi nous devons nous projeter aujourd'hui, c'est une intervention de l'Etat qui puisse pleinement jouer son rôle de levier. Ce vers quoi nous devons aller, ce sont des entreprises d'information fortes, indépendantes, capables d'enrichir durablement le débat public. Une manière de garantir la liberté de la presse et assurer sa transition vers un modèle d'avenir en cessant, une fois pour toutes, de surpolitiser le débat. Larbi Balta