C'est un thème qui nous passionne vraiment dans la mesure où il est lié à l'histoire et aujourd'hui à la géopolitique d'un bassin sur lequel des yeux se focalisent pour des questions d'intérêt économique ou stratégique. Nous avons eu le privilège de tomber sur un recueil littéraire écrit par des groupes de professeurs à l'occasion d'un colloque international avec comme thème «La langue française et la Méditerranée». Nous sommes au mois de mai autour d'un bassin méditerranéen et dont les souvenirs les plus vifs pour nous sont ceux qui nous remettent dans les événements du 8 mai 1945 ayant provoqué la mort de 45 000 de nos concitoyens pour des revendications sacrées : la libération du joug colonial pourtant promise par les responsables politiques du gouvernement de la France de l'époque, mais pour la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Notre pensée en ce mois de mai va aussi à notre glorieux Kateb Yacine qui s'est vu exclu du lycée pour avoir pris une part active à ces manifestations du 8 mai 1945 à Kherrata, Sétif, Constantine, et pour lesquelles, il a consacré une belle tragédie «Le cadavre encerclé» qui va perpétuer la mémoire de ceux qui ont donné leur vie pour les droits légitimes des Algériens. Des auteurs méditerranéens qui ont servi les colonisateurs Ceux qui ont fait le colloque ont fait une sélection des textes qui ne donne pas une image exacte des buts recherchés par les écrivains français du XIXe comme Guy de Maupassant qui n'a pas aimé l'Algérie pour les beaux yeux des Algériens. Ce nouvelliste a accordé une large place aux trois pays maghrébins qui ont connu le même colonisateur. Nous avons eu la chance de lire avec beaucoup d'attention son reportage étalé sur des mois, au profit d'un journal de son pays où très souvent il s'est beaucoup attardé sur la beauté des paysages algériens, tunisiens ainsi que sur les vestiges de l'occupation romaine en faisant abstraction de la population opprimée, pour donner l'envie de faire partie des colonisateurs. Nous avons eu l'occasion de lire un ouvrage que Pierre Loti (journal du 14 mai 1880), choisi pour les besoins d'un colloque sur la Méditerranée : «Tout ce qui touche de près ou de loin à l'Islam m'attire, exerce sur moi un charme, et réciproquement aussi les musulmans de tous les pays semblent m'accepter et m'accueillir autrement qu'un autre comme si un peu j'étais des leurs.» Une représentation de la Méditerranée, mais pas dans un souci d'objectivité Les écrivains, qui ont tenu ce colloque en 2009, ont eu le mérite de reconstituer toute la littérature de langue française fondée sur une thématique bien précise : l'Algérie et les pays voisins, l'actualité politique, la description des paysages afin de donner aux métropolitains l'envie de venir sur les lieux pour faire partie des occupants coloniaux. Pierre Loti avait fait, à la faveur des voyages qu'il avait effectués, des articles de journaux à la manière de Guy Maupassant. Il raconte que le bateau - le Formidable -, venant de Tunisie, avait fait une escale à Béjaïa, toujours au mois de mai, du samedi 16 au mardi 19 mai 1891 : «L'unique notation marquante qu'en conserve le journal de Pierre Loti est une scène bucolique en compagnie d'une jeune Arabe de quinze ans parmi les grandes herbes folles du fossé, et les arbres faisant au- dessus de nous leur nuit verte, pleine de chants d'oiseaux qui se couchaient», rapporte le professeur participant au colloque. Il y eut une rencontre remarquable au cours de cette escale, celle du lieutenant de vaisseau Julien Viaud et de Salah Ben Cheikh Aziz, fils du cheikh Aziz el Haddad, condamné à la déportation en Nouvelle-Calédonie en vertu d'une sentence prononcée par le tribunal de Constantine, à la suite du soulèvement en Kabylie auquel avait pris part cheikh el Haddad. Il y eut deux condamnés, fils du chef de la confrérie Mohamed Abdelaziz et Haddad, a avoir été envoyés au bagne à ciel ouvert, en plein océan Pacifique où se situe la Nouvelle-Calédonie. La rencontre de 1891 eut lieu entre le lieutenant de vaisseau et le petit-fils du cheikh, qui, par l'intermédiaire de Pierre Loti demanda que ses parents déportés fussent bien traités dans le bagne. Ce à quoi l'auteur du texte rapporte ce passage : «Dans sa réponse du 23 novembre, Salah Ben Aziz El Haddad, qui appelle désormais Loti «Monsieur et cher Protecteur», lui déclare avoir adressé au moins vingt pétitions demandant une amélioration à notre situation, qui furent toutes rejetées. C'est ainsi qu'après dix ans d'études au lycée d'Alger, je me trouve aujourd'hui sans emploi». C'est sous cet angle que nous considérons comme intéressante cette rencontre méditerranéenne dans la mesure où elle nous apporte un plus d'informations sur la période coloniale. Boumediene Abed La langue française et la Méditerranée, association des professeurs de lettres, actes d'un colloque 2009.