PROJET D�UNION POUR LA M�DITERRAN�E, UTOPIE OU R�ALIT� ? Un regard alg�rien 5 Questions aux experts arabes KHALIFA CHATER (*) : R�habiliter les acteurs du Sud� CH�RIF CHOUBACHY (*) : �Les conflits seront �lud�s� RACHID EL HOUDA�GUI (*) : �Nous serons � Paris en ordre dispers� SAMIR EL KHADEM (*) : �L�UPM est l�affaire de tous�
PROJET D�UNION POUR LA M�DITERRAN�E, UTOPIE OU R�ALIT� ? Un regard alg�rien Dossier r�alis� par Mohamed Chafik Mesbah (*) Il serait, sans doute, superf�tatoire de s�attarder sur les caract�ristiques physiques, humaines, �conomiques, culturelles et historiques de l�espace m�diterran�en. La question est, largement, �voqu�e dans ce num�ro sp�cial de la revue fran�aise Politique de D�fense nationale mais elle fait l�objet, ailleurs, dans la multitude de travaux documentaires produits par d��minents sp�cialistes, de d�veloppements bien plus circonstanci�s. Ce qui doit requ�rir notre attention, au titre de la probl�matique qui nous interpelle, c�est de d�terminer si l�espace m�diterran�en par son ancrage historique, son champ civilisationnel et son potentiel �conomique pr�sente un int�r�t strat�gique �tabli. La th�se est r�currente, en effet, que le centre du monde se d�place, de plus en plus rapidement, vers ce �nouveau monde�, avec son potentiel d��nergie et de croissance impressionnant, constitu� par les pays asiatiques �mergents dans le p�rim�tre g�ographique que borde le Pacifique. Il en r�sulte la conclusion implicite que l�espace m�diterran�en, au plan strat�gique, est devenu obsol�te. La r�alit� n�est gu�re aussi simple. L�espace m�diterran�en continue, nolens volens, de repr�senter un int�r�t essentiel pour les relations internationales, lesquelles ne sauraient se r�duire, tant s�en faut, � une guerre �conomique et commerciale ou � une guerre navale qui n�aura pas lieu. Malgr� l�effondrement du bloc communiste et la fin de la guerre froide, l�espace m�diterran�en continue de requ�rir l�attention du monde. Il constitue le lieu, par excellence, o� se donne � lire la fracture entre le monde d�velopp� et le Tiers-Monde � travers un conflit de civilisation qui ne se r�sorbe pas et un antagonisme de soci�t�s caract�ris� par la juxtaposition de la richesse ostentatoire dans la rive nord de la M�diterran�e et l�extr�me pauvret� qui s�vit sur la rive sud. Nonobstant l�aspect strictement militaire, l�espace m�diterran�en constitue bien un lieu de passage oblig� pour l�essentiel de l�approvisionnement �nerg�tique de l�Europe et alimentaire de la rive sud de la M�diterran�e. Au surplus, sur un plan op�rationnel, il ne cesse pas de constituer un th��tre d�op�rations privil�gi� dans l�hypoth�se, qui n�est pas improbable, o� l�Otan serait en guerre avec l�Iran et son environnement proche. La r�flexion � engager autour de ce nouveau projet d�Union pour la M�diterran�e doit, � cet �gard, sous peine d�occulter une part importante de la r�alit�, envisager les effets qui en r�sulteront pour les puissances traditionnelles, la Russie notamment, et les puissances �mergentes, l�Inde et la Chine en Asie, tout particuli�rement. Il est normal que cet espace pr�sente un int�r�t strat�gique diff�rent, selon qu�il s�agisse de la France, de l�Union Europ�enne ou des Etats-Unis. Pour la France, en effet, il repr�sente, � l��vidence, une profondeur strat�gique d�int�r�t essentiel. Pour la France, l�int�r�t diplomatique justifie la pertinence strat�gique de l�espace m�diterran�en, autant que la culture, le commerce, l��nergie et la s�curit�. Ce n�est pas sans raison que les dirigeants historiques de ce pays ont, toujours, consid�r� que la strat�gie de puissance fran�aise devait reposer, notamment, sur une politique arabe et m�diterran�enne audacieuse et autonome. C�est, du moins, ce que le g�n�ral de Gaulle pensait, lui qui a m�me consid�r� que lib�rer son pays du poids colonial, constituait une condition indispensable pour nouer des rapports d�ambition historique avec le monde arabe. L�Union europ�enne a pu consid�rer, une p�riode donn�e, que l�espace m�diterran�en se r�duisait � un march� commercial, � un gisement d��nergie et � une source de menace potentielle pour la stabilit� du continent europ�en. L�Union europ�enne a bien fini par prendre conscience de la pertinence strat�gique de ce lieu singulier de la mondialisation. Il est remarquable, le processus d��largissement de l�Union europ�enne � l�Est achev�, que les dirigeants allemands focalisent leur attention sur ce �monde oubli�. Cet int�r�t semble proc�der, moins comme le sugg�rent les id�es re�ues, d�une volont� primaire de concurrencer la France dans un espace �conomique et commercial porteur, que d�un souci profond de garantir, alentour des fronti�res de l�Union europ�enne, un espace de stabilit�, pour pr�server la croissance � laquelle l�Allemagne r�unifi�e est parvenue. Les menaces provenant du Sud sont, apparemment, prises au s�rieux et appr�hend�es, enfin, dans le sens d�une redistribution plus �quitables des richesses �conomiques. L�int�r�t port� par l�Allemagne au projet d�Union pour la M�diterran�e semble si r�solu que certains experts, s�appuyant sur le savoir-faire et la d�termination germaniques, concluent que c�est cette implication, paradoxalement, qui en fait, d�sormais, un projet viable. S�agissant des Etats- Unis, c�est presque une tautologie que d��voquer en quoi tient leur int�r�t pour cet espace m�diterran�en, �nergie, s�curit� et int�r�ts de puissance. Les Etats-Unis veulent contr�ler, � travers l�espace m�diterran�en, l�approvisionnement �nerg�tique du monde, r�duire, � la source, les causes potentielles de la violence, r�guler l��volution future de la r�gion, en fonction de deux imp�ratifs intimement li�s � la politique de puissance am�ricaine, l�adh�sion de la Turquie � l�Union europ�enne et la normalisation des rapports d�Isra�l avec ses voisins arabes. La nature diff�rente de l�int�r�t strat�gique port�, par la France, l�Union europ�enne et les Etats-Unis, � l�espace m�diterran�en conduit, naturellement, � l�adoption de politiques m�diterran�ennes diff�rentes. La France souhaite, en r�alit�, renouer avec sa politique arabe et m�diterran�enne traditionnelle qui fait d�elle un acteur essentiel dans l�espace consid�r�. Ce n�eut �t� les contraintes de fonctionnement solidaire de l�Union europ�enne et la pr�sence physique incontournable des Etats-Unis dans le th��tre d�op�rations projet�, la France aurait, volontiers, fond� le projet d�union m�diterran�enne sur une relation privil�gi�e entre les seuls pays europ�ens riverains de la M�diterran�e, la France exer�ant un leadership de fait, et ceux de la rive sud de la M�diterran�e, avec pour partenaire strat�gique, le Maghreb ou un pays d�termin� du Maghreb, le Maroc ou l�Alg�rie. Cette vision qui se justifie par la r�f�rence � l�histoire est battue en br�che, cependant, par la diversit� des espaces m�diterran�ens, � commencer par la M�diterran�e orientale, pr��minente dans les desseins strat�giques des Etats- Unis et de leurs alli�s occidentaux. C�est, au demeurant, ce que nous pourrions appeler une �vision atlantiste � de l�Union m�diterran�enne qui semble avoir pr�valu � Bruxelles. Il est clair que le processus de Barcelone et m�me la Politique europ�enne de bon voisinage o� il s�inscrit, constituent le pendant parfait du dialogue m�diterran�en engag� par l�OTAN. L�ensemble des processus se recoupent dans un cercle commun o� les int�r�ts am�ricains sont pr�serv�s, en tout �tat de cause. Les pays de la rive sud de la M�diterran�e, pour leur part, confront�s d�j� � tous les processus euro-m�diterran�ens ou m�me atlantistes, c�est-�-dire am�ricanom�diterran�ens, n�ont pas pu, � ce jour, d�gager une vision strat�gique de leur avenir projet� � l�Europe tant soit peu homog�ne, coh�rente et r�aliste. Force est de constater, � cet �gard, que la nature des syst�mes politiques en place dans la plupart de ces pays de la rive sud de la M�diterran�e sont des syst�mes autoritaristes, et pour certains autoritaristes parce que rentiers. Ce mode de gouvernance aggrave les fractures internes dans des soci�t�s d�j� fragilis�es et compromet, forc�ment, la croissance et le d�veloppement �conomiques. Les archa�smes h�rit�s contribuent, en outre, � entretenir, sur la rive sud de la M�diterran�e, des sources de tension latentes ou av�r�es et � p�renniser de nombreux conflits localis�s qui rendent imperceptibles les axes de solidarit� tant internes qu�externes. Nous venons, implicitement, de d�finir, � partir de la rive sud de la M�diterran�e, les obstacles potentiels � la r�alisation de ce projet d�Union pour la M�diterran�e. Comment surmonter des conflits localis�s, d�int�r�t strat�gique fondamental pour certains, le conflit isra�lo-palestinien, et d�int�r�t secondaire pour les autres, le conflit du Sahara occidental ? Comment lever les hypoth�ques qui p�sent, d�embl�e, sur la d�marche m�diterran�enne projet�e alors que l�adh�sion de la Turquie � l�Union europ�enne envenime les rapports intra-europ�ens tandis que m�me la situation au Kosovo les mets � rude �preuve ? Comment concilier les imp�ratifs de bonne gouvernance qui s�attachent aux objectifs de cod�veloppement envisag�s par le projet avec ce d�ficit d�mocratique av�r� dans les pays de la rive sud de la M�diterran�e ? Il faut �tre niais pour imaginer que le projet d�Union pour la M�diterran�e puisse, sans peine, venir � bout d��cueils, quasiment, insurmontables. L�exp�rience met en relief l��chec, plus ou moins prononc�, des tentatives d�j� men�es jusqu�� ce jour. Qu�il s�agisse du processus de Barcelone ou de la Politique europ�enne de voisinage, les objectifs vis�s en mati�re de dialogue politique, de d�veloppement �conomique et social, de r�gulation des flux migratoires, de promotion des �changes culturels ou m�me de s�curit�, aucune r�alisation majeure ne peut �tre inscrite au bilan de ces d�marches mises en �uvre. Sur le plan politique ainsi que celui des �changes humains, l��chec est patent. C�est, � peine, si des r�sultats mitig�s peuvent �tre port�s au compte du dialogue des 5+5 et, de mani�re plus �tablie, de celui du dialogue m�diterran�en engag� par l�Otan. Encore faut-il souligner que le dialogue des 5+5 autant que le Dialogue m�diterran�en visent des objectifs d�int�r�t concret se rapportant, essentiellement � la concertation en mati�re de politique s�curitaire avec �change d�informations et, en sus pour le second, l�organisation de man�uvres op�rationnelles conjointes pour s�curiser la circulation maritime dans la M�diterran�e. Ce tableau qui ne pousse pas � l�optimisme indique la difficult� de la t�che, si tant est que l�Union europ�enne, � travers ce projet d�Union pour la M�diterran�e inspir� par la France, aspire, vraiment, � relancer dans une d�marche innovante, les processus actuellement en panne. Les nombreuses expertises r�alis�es pour �valuer les d�marches euro-m�diterran�ennes ont mis en �vidence la forte r�sistance des r�gimes de la rive sud de la M�diterran�e qui refusent de payer le prix du cod�veloppement, � travers la mise � niveau en mati�re de bonne gouvernance, c'est-�-dire la transparence dans la gestion des affaires de la cit� et l�organisation d�mocratique de leur syst�me institutionnel. Les partenaires europ�ens ont beau jeu, alors, de manifester toute leur duplicit� en invoquant cette r�sistance comme pr�texte � leurs propres manquements � la politique de coop�ration mutuellement profitable qui �tait envisag�e. La question fondamentale qui s�impose au niveau actuel de maturation du projet d�Union pour la M�diterran�e porte, justement, sur les intentions r�elles de l�Union europ�enne. S�agit-il, pour l�Union europ�enne, de prospecter de nouvelles pistes qui garantissent, v�ritablement, le cod�veloppement de mani�re � pr�venir le choc frontal qui va r�sulter, fatalement, de cette fracture grandissante entre soci�t�s d�velopp�es de la rive nord de la M�diterran�e et soci�t�s pr�caires de la rive sud de la M�diterran�e ? S�agit-il, pour l�Union europ�enne, d�anticiper l��cart effroyable qui va s�parer les niveaux de croissance et les conditions de vie entre les deux rives de la M�diterran�e au moment o� les courbes d�mographiques projettent, � �ch�ance moyenne, l��mergence, c�t� sud, d�une population impressionnante par le nombre et par l��ge ? S�agitil, pour l�Union europ�enne, de cr�er sur la rive sud de la M�diterran�e de la croissance et du d�veloppement pour fixer, dans des conditions d�centes, les populations qui, autrement, d�ferleraient sur la rive nord de la M�diterran�e ? S�agit-il, pour l�Union europ�enne, seulement de disposer d��tats vassaux sur la rive sud de la M�diterran�e qui seraient de v�ritables auxiliaires de police ayant pour charge la protection des sources d�approvisionnement en �nergie, l�entretien, � disposition, d�un march� captif pour les produits finis europ�ens et la garde, sur leur territoire, de populations, potentiellement, candidates � l��migration ? R�cusons, tout de suite, cette derni�re hypoth�se qui rendrait l�exercice inutile. Il est vrai que l�Union europ�enne adopte, souvent, une forme de c�cit� face au potentiel de perturbation que rec�le la situation dans la rive sud de la M�diterran�e. Mais, accordons aux concepteurs de ce nouveau projet d�Union pour la M�diterran�e, le b�n�fice de la bonne foi. Nous allons retenir l�hypoth�se o� l�Union europ�enne, impr�gn�e du danger que repr�sentent les antagonismes entre les deux mondes, soci�t�s europ�ennes d�velopp�es et soci�t�s m�diterran�ennes pr�caires, visent � promouvoir un espace de d�veloppement plus harmonieux et plus �quitable. Quelles seraient, alors, les pr�cautions � envisager pour �viter de succomber aux m�mes erreurs que celles commises lors des tentatives pr�c�dentes ? Quelques principes de bon sens devraient, en tout �tat de cause, guider la d�marche. Sur le plan de l�architecture institutionnelle, le principe de la cogestion semble avoir d�j� �t� retenu. Il est indispensable que cette cogestion soit r�elle, non point virtuelle. Le projet ne peut r�ussir que si les partenaires de la rive Sud de la M�diterran�e adh�rent � la d�marche, non pas comme des assist�s, mais comme des partenaires � part enti�re. Il s�agit de questions organisationnelles au second niveau, seulement. Il faut, d�abord, que les pays de la rive sud fassent, sur eux-m�mes, la mutation qui leur permette de se hisser au rang d�acteurs de l�histoire pas d�objets. L�efficacit� du projet tient aussi au rejet de la gestion bureaucratique. A l��vidence, la mise en place de structures op�rationnelles all�g�es, r�parties � parit� entre pays de la rive sud et de la rive nord de la M�diterran�e mais impliquant, n�cessairement, les soci�t�s civiles dans toute la diversit� de leurs filiations politiques, est une disposition de raison. S�agissant des objectifs de l�Union pour la M�diterran�e, il serait pr�somptueux de viser, d�embl�e, des objectifs politiques majeurs. Le conflit isra�lo-palestinien ne sera pas r�gl� dans le cadre de cette d�marche et il est illusoire pour l�Etat d�Isra�l de penser qu�il pourra s�imposer par effraction dans l�espace m�diterran�en. La normalisation des rapports des pays arabes avec Isra�l suppose, au pr�alable, un accord �quitable avec le peuple palestinien. Or, Isra�l, pour le moment, a plus peur de la paix que de la guerre. De m�me croire que l�Europe ou les Etats-Unis pourront se substituer aux instances nationales au Maghreb pour d�cider du d�nouement du conflit du Sahara occidental rel�ve de l�infantilisme. C�est � l��chelle maghr�bine, entre Maghr�bins, que le conflit doit se d�nouer m�me si ce sera en application des r�solutions onusiennes. Il nous faut avoir le courage d�assumer cette �vidence. Ceci �tant, la formule �l�Union pour la M�diterran�e est une union de projets� peut para�tre situer l�objectif � un niveau subalterne. Le p�re fondateur de l�Union europ�enne, Jean Monnet, a bien commenc� par des petits pas qui, se suivant les uns les autres, ont fini par d�gager une piste, puis une politique. Quels sont les axes d�effort essentiels sur lesquels pourrait s�articuler la d�marche initiale de ce projet euro-m�diterran�en ? Pour l�heure ce sont des projets d�int�r�t futile, du moins pour les pays de la rive sud de la M�diterran�e, qui semblent avoir �t� retenus l� ou il aurait fallu �voquer de vrais �chantiers communs�, comme l��nergie (�tant entendu que la contrepartie de l�approvisionnement de l�Union europ�enne ce serait des investissements directs au sud de la M�diterran�e au profit de projets cr�ateurs d�emploi, comme le savoir (avec la d�localisation d�universit�s performantes vers le Sud et l�acc�s franc des �lites du sud de la M�diterran�e au niveau du savoir europ�en), comme l�agriculture (avec la mise � niveau des agricultures des pays de la rive sud de la M�diterran�e et le d�veloppement de productions compl�mentaires � celles des agricultures europ�ennes), comme l�eau (par le d�veloppement des capacit�s d�emmagasinage et l�am�lioration des conditions d�utilisation ), comme l�environnement (� travers, tout particuli�rement ,la r�alisation du projet de d�pollution de la M�diterran�e d�j� identifi� au titre du processus de Barcelone). Cette constellation de chantiers exige un �difice pour le soutien logistique, notamment, une banque m�diterran�enne, destin�e � financer la mise en place d�un v�ritable r�seau de petites et moyennes entreprises qui serait cr�� pour promouvoir toutes les activit�s de d�veloppement �conomique et de production du savoir se rattachant au projet de l�Union pour la M�diterran�e. La possibilit� de r�ussite de ce projet existe. Il faudrait, pour cela, prospecter, plus s�rieusement, de nouvelles formes de coop�ration entre pays d�velopp�s et pays en sous-d�veloppement. Tout est affaire de conditions objectives mais aussi subjectives. Les opportunit�s physiques et les moyens financiers et mat�riels sont n�cessaires mais insuffisants en l�absence d�une volont� politique puissante, fond�e sur une ambition historique, qui permet de transcender, au besoin, les obstacles de parcours. Il faut rendre gr�ce, � cet �gard, au pr�sident de la R�publique fran�aise dont la propension � l�action est connue puisque c�est lui qui a permis au processus m�diterran�en, presque en d�route, de sortir de sa torpeur. C�est, pour l�heure, le seul vrai point positif � inscrire, r�ellement, � l�actif de la France. Hasardons-nous, cependant, � �mettre quelques propositions m�thodologiques que pourraient examiner les nombreux centres de r�flexion qui s�int�ressent, d�sormais, � ce projet, au-del� m�me des strictes probl�matiques m�diterran�ennes. D�s lors que l�int�r�t strat�gique de la M�diterran�e est, de nouveau, reconnu par les partenaires occidentaux, pourquoi ne pas donner au projet adopt� le temps d�une plus grande maturation, celle-ci n�ayant pu, de toute �vidence, se d�rouler, normalement, au cours de cette premi�re phase de lancement? Effacer les traces de la pr�cipitation avec, sous le sceau de l�urgence, le manque de consultation parfait avec toutes les parties concern�es, c�est l�occasion de mettre en selle, loin des c�nacles bureaucratiques de l�Union europ�enne, un �comit� des sages�, compos� � parit� entre les deux rives de la M�diterran�e mais anim�, principalement, par des personnalit�s �minentes de la soci�t� civile, une premi�re mesure de bon sens adapt�e aux attentes de la rive sud de la M�diterran�e. Pour bien marquer, d�ailleurs, que les vertus d�mocratiques sont au c�ur de cette d�marche m�diterran�enne, pourquoi ne pas confier aussi la pr�sidence de ce comit� des sages � l�ancien pr�sident mauritanien Ould Mohamed Elly Vall, ce militaire qui a contribu� � restaurer la d�mocratie dans son pays ? Il est tout aussi souhaitable d�acc�l�rer, parall�lement, la mise en place du Coll�ge d��tudes strat�giques m�diterran�en envisag� dans le cadre du dialogue des 5+5. Il y aurait, naturellement, un �change permanent entre ce coll�ge, ce comit� des sages et les instances gouvernementales en charge du projet d�Union pour la M�diterran�e afin que celui-ci soit dot� de substance et prenne corps de la mani�re la plus rationnelle. Avant m�me qu�il ne prenne son envol, le projet d�Union pour la M�diterran�e a permis, cependant, de tirer quelques enseignements essentiels qui doivent �tre pr�sents � l�esprit pour chaque �tape dans la progression de la d�marche engag�e. Le premier enseignement se rapporte � la pr��minence du principe d�action collective au sein de l�Union europ�enne, puisque la France rappel�e � l�ordre s�est vu signifier l�obligation de privil�gier la solidarit� europ�enne en renon�ant � toute vell�it� d�autonomie dans la formulation de sa politique ext�rieure. Le deuxi�me enseignement se rapporte � la n�cessit� pour les pays europ�ens, chaque fois qu�ils sont tenus de concilier, leurs int�r�ts sp�cifiques, ce conc�der de leur souverainet�. Le troisi�me enseignement se rapporte, enfin, � la pr�pond�rance de l�influence am�ricaine dans les relations internationales, y compris dans l�espace m�diterran�en. Les Etats-Unis ne s�opposent pas au projet d�Union pour la M�diterran�e tant qu�il n�est pas en contradiction avec leurs int�r�ts de puissance : le contr�le militaire de la mer M�diterran�e qu�ils assurent en propre gr�ce � la VIe flotte, la poursuite du processus d�adh�sion de la Turquie � l�Union europ�enne qu�ils finiront par imposer et, enfin, la normalisation des rapports d�Isra�l avec ses voisins arabes, notamment m�diterran�ens, qu�ils s�attellent � promouvoir. En filigrane, se dessine ce qui constituera un drame corn�lien pour les Fran�ais qui se nourrissent, encore de gaullisme, car ils seront confront�s, fatalement, � l�obligation de se d�terminer par rapport � l�infl�chissement atlantiste de la politique �trang�re et de d�fenses fran�aise. Il reste, alors, � d�finir les conditions minimales de concertation entre les pays de la rive sud de la M�diterran�e s�ils veulent s�engager, en position de force, dans un processus qui va d�terminer, en partie, leur destin. La condition sine qua non de la r�ussite du projet envisag� tient � l�adh�sion des populations qui ne peut proc�der que par l�engagement des soci�t�s civiles et des �lites nationales. Si l�Union europ�enne continue de manifester la m�me duplicit� qu�auparavant face aux carences en mati�re de bonne gouvernance et au d�ficit d�mocratique dans les �tats de la rive sud de la M�diterran�e, le projet est, par avance, vou� � l��chec. L�Union europ�enne, autant que les gouvernements des pays de la rive sud de la M�diterran�e, doivent comprendre que la mondialisation en cours rend d�risoire la volont� de r�primer ou d��touffer les aspirations populaires � la justice, au progr�s et au savoir. Le projet d�Union pour la M�diterran�e ne fait sens que si tous les partenaires admettent que les valeurs d�mocratiques sont un patrimoine universel, non un butin de guerre de l�Occident. C�est � ce prix que l�espace m�diterran�en pourra devenir un espace de prosp�rit� commune. Dans l�imm�diat, il est indispensable de proc�der � mobilisation des comp�tences nationales pour r�fl�chir, de mani�re plus attentive, au projet d�Union pour la M�diterran�e afin de d�terminer en quoi il peut contribuer � favoriser l�essor des pays de la rive Sud de la M�diterran�e, s�par�ment et solidairement. La r�gle vaut, encore plus, pour l�Alg�rie et le Maghreb. Si cet effort d�anticipation strat�gique n�est pas effectu�, il y a fort � parier que l�Alg�rie, devra, in�vitablement, mettre le pied � l��trier sans avoir eu le temps de bien identifier son int�r�t national. La politique de la chaise vide est peu recommandable, la politique du suivisme encore moins. Aucune formule ne r�sume mieux la n�cessit� de porter son avenir en t�te que celle que nous a l�gu� S�n�que : �Il n�est pas de vent favorable pour celui qui ne sait o� il va.� Sous r�serve que soient lev�es les hypoth�ques �voqu�es au titre de cette contribution, notamment la garantie de l�implication sur un pied d��galit� des �tats de la rive sud de la M�diterran�e ainsi que l�adh�sion volontaire des populations � travers l�engagement des soci�t�s civiles et des �lites nationales, il est permis d��mettre le v�u que le projet d�Union pour la M�diterran�e cesse d��tre une utopie pour devenir r�alit�. Il appartient au g�nie de l�homme de prouver que ces mythes fondateurs sont � port�e de mains. Alger le 12 juillet 2008 (*) Docteur d�Etat en sciences politiques et dipl�m� du Royal College of Defence Studies de Londres, Mohamed Chafik Mesbah est un ancien officier de l�Arm�e nationale populaire. Il se consacre, actuellement, � des activit�s de recherche acad�mique. Cet article est repris d�une contribution initiale publi�e dans un num�ro sp�cial de la revue fran�aise Politique de D�fense nationale en mai 2008. UN OFFICIEL DU D�PARTEMENT D��TAT AM�RICAIN �Renforcer la stabilit�, la s�curit� et le d�veloppement de la r�gion� A la faveur d�une vid�o-conf�rence organis�e, tout r�cemment, par l�ambassade des Etats-Unis d�Am�rique � Alger, vous venez de d�clarer que le projet �Processus de Barcelone : Union pour la M�diterran�e� n�avait pas vocation � entrer en conflit avec les int�r�ts am�ricains. Peut-on consid�rer que cela constitue, en soi, une position officielle am�ricaine � propos de ce projet ? Oui. Nous avons d�j� dit, aussi bien officiellement qu�officieusement, que nous soutenions les objectifs du Processus de Barcelone, � savoir : renforcer la stabilit�, la s�curit� et le d�veloppement � travers la r�gion m�diterran�enne. De mani�re plus concr�te, trois questions essentielles devraient concerner les Etats-Unis dans la matrice de ce projet. La normalisation des relations d�Isra�l avec les pays arabes, le processus d�adh�sion de la Turquie � l�Union europ�enne et, enfin, la pr�servation des int�r�ts vitaux de la puissance am�ricaine en M�diterran�e. Sur ces trois points essentiels, le projet euro-m�diterran�en co�ncide avec les int�r�ts am�ricains ou plut�t s�oppose � eux ? Nous sommes en faveur de la normalisation des relations entre Isra�l et le monde arabe et de l�int�gration de la Turquie au sein de l�Union europ�enne. Maintenant, est-ce que les efforts que l�UE investit dans le projet euro-m�diterran�en vont servir ces fins ? Cela d�pendra de la mani�re sp�cifique avec laquelle ses programmes sont appliqu�s. Comme nous l�avons soulign� plus haut, nos int�r�ts vitaux dans la M�diterran�e incluent, prioritairement, le renforcement de la stabilit� de la r�gion, sa s�curit� et son d�veloppement. Le projet euro-m�diterran�en co�ncide s�rement avec ces int�r�ts. Le dialogue m�diterran�en engag� par l�OTAN avec un certain nombre de pays m�diterran�ens, dont l�Alg�rie, est-il compl�mentaire du projet �Union pour la M�diterran�e� ? Le dialogue m�diterran�en engag� par l�OTAN et le Processus de Barcelone parrain� par l�UE partagent un certain de nombre d�objectifs, mais il s�agit de programmes totalement distincts. Nous sommes directement engag�s dans le premier et nous soutenons, seulement verbalement, le second.
5 Questions aux experts arabes 1 De quelle mani�re est per�u, dans votre pays, le projet �Processus de Barcelone : Union pour la M�diterran�e�, � la fois par l�opinion publique et par les autorit�s officielles ? 2 Consid�rez-vous que ce projet est en mesure, v�ritablement, d�apporter du nouveau � la probl�matique et aux m�thodes envisag�es lors des initiatives similaires pr�c�dentes, notamment le processus de Barcelone ? 3 L�Union pour la M�diterran�e sera, fatalement, confront�e aux conflits qui essaiment dans la r�gion, conflit du Sahara occidental, conflit de Chypre, conflit isra�lo-palestinien. L�Union doit-elle aborder ces conflits ou, plut�t, les contourner ? 4 Quels sont les chantiers majeurs que peut ouvrir le projet �l�Union pour la M�diterran�e� ? Quelles mesures de sauvegarde envisager pour s�assurer que la d�marche profite �quitablement � toutes les parties au projet ? 5 Dans le m�me esprit, quelles sont les conditions � r�unir pour garantir une �quit� parfaite dans la gestion institutionnelle de l�Union pour la M�diterran�e ? KHALIFA CHATER (*) : �R�habiliter les acteurs du Sud� R�ponse 1 : L�opinion publique et les autorit�s ont bien accueilli le projet. On souhaite que ce projet r�ponde aux enjeux et aux d�fis de l�aire par la constitution d�une communaut� fond�e sur la paix, la solidarit� et la prosp�rit�. Une participation active aux instances pr�paratoires et � la r�union du 13 juillet permettrait, je l�esp�re, l�appropriation collective du projet et son enrichissement, par la prise en compte des priorit�s des pays sud-m�diterran�ens. Il s�agit de construire le compromis fondateur, condition sine qua non de sa r�ussite. Pour la jeunesse tunisienne, la r�alisation d�un tel partenariat et l�ouverture de l�horizon qu�il implique semblent r�pondre aux attentes. R�ve ou utopie, elle met en avant la n�cessit� de la libre circulation des personnes et la suppression du mur m�diterran�en. R�ponse 2 : Le projet se fonde sur une appr�ciation lucide des r�sultats modestes du processus de Barcelone, de l�abandon de son approche multilat�rale dans �la politique de voisinage� et de l�occultation des dimensions socio�conomiques, g�opolitiques et culturelles du partenariat. Ce diagnostic originel, qui r�habilite les partenaires du Sud et �voque, en cons�quence, une redynamisation des processus de solidarit�, a suscit� de l�int�r�t et de l�enthousiasme. La d�finition collective des enjeux et des objectifs au cours d�un sommet fondateur, � un postulat faisant valoir la multipolarit� � doit prendre en compte les exigences citoyennes de tous. Esp�rons cependant que les concessions de la gen�se : recherche co�te que co�te du compromis, �largissement du p�rim�tre, exclusion des questions d�actualit�, ne r�duisent pas les enjeux et les ambitions de ce projet historique. Sachons garantir cette mue du r�ve en r�alit�, fut-elle le r�sultat d�un processus progressif. R�ponse 3 : On ne peut occulter la donne politique dans un projet de cette envergure. Comment cr�er une communaut� de prosp�rit�, de coop�ration et de solidarit� sans assurer un climat de paix. Il faudrait peut-�tre inaugurer la mise sur pied de ce processus par la cr�ation, dans le cadre de ce partenariat, d�un comit� ad hoc pour faire valoir des solutions aux conflits et diff�rends, traiter les questions graves de l�aire telles que la question palestinienne. Faut-il n�gliger cette conditionnalit� de la r�ussite ? R�ponse 4 : L��largissement du projet � il rassemblerait d�sormais 44 pays riverains de la M�diterran�e et de l'Adriatique � peut assurer la r�ussite du processus. Il permettrait � l�Union europ�enne de le doter d�importants financements communautaires, tout en sauvegardant sa direction paritaire Nord/Sud. Notons cependant que l�Union europ�enne fait d�fection, en mati�re de financement. �Les projets r�gionaux ne peuvent �tre mis en �uvre au d�triment de nos budgets existants�, a insist� la commissaire de l�UE, souhaitant privil�gier le recours � des fonds priv�s, des fonds d'Etats, membres ou non de l'Union, ou encore aux institutions financi�res internationales. Les partisans d�un plan Marshal europ�en, dans le cadre d�une solidarit� communautaire ne peuvent qu��tre d��us. D�autre part, la formulation des projets phares de l�UPM, par l�UE : Autoroute du Maghreb, d�pollution de la M�diterran�e, d�veloppement de l'�nergie solaire, coop�ration en mati�re de protection civile contre les catastrophes montre l�int�r�t qu�elle porte au projet. Mais n�aurait-il pas fallu associer les pays sud-m�diterran�ens � la formulation des projets prioritaires ? Notons d�autre part, que ces projets n�ont pas l�ambition de participer au traitement de la question pr�occupante de l�emploi, � la fracture socio�conomique m�diterran�enne, � l��change in�gal et qu�ils occultent toute politique de cod�veloppement. R�ponse 5 : La d�finition des projets g�n�riques de l�UPM et la vell�it� de remise en cause du si�ge dans un pays du Sud, par l�installation parall�le d�un �comit� de direction�, bas� � Bruxelles, attestent une volont� de l�UE de sauvegarder sa pr�dominance dans les m�canismes de prise de d�cision et de gestion. Il faut tirer les enseignements de l�exp�rience de Barcelone, r�habiliter les acteurs du Sud, faire valoir les normes d�une coll�gialit� r�elle, pour assurer les conditions de r�ussite du compromis fondateur de l�Union pour la M�diterran�e. Ne serait-il pas plus conforme � l�esprit de ce partenariat nouveau, de pr�senter les vues de l�UE comme des propositions et non des d�cisions et reformuler les termes de r�f�rences en tenant compte des attentes des pays sudm�diterran�ens ? A plus ou moins longs termes, il faudrait r�aliser la mutation progressive de l�UPM d�une union de projets � un projet d�union. M. C. M. * Professeur �m�rite d'histoire contemporaine � la Facult� des sciences humaines et sociales de Tunis, Khalifa Chater est vice-pr�sident de l�Association tunisienne des �tudes internationales. CH�RIF CHOUBACHY (*) : �Les conflits seront �lud�s� R�ponse 1 : L'Union pour la M�diterran�e est per�ue positivement au niveau officiel qui juge que l'entente avec l'Europe est une priorit�. Le fait que l'�gypte sera copr�sidente pendant deux ans est encourageant. Au niveau de l'opinion publique, quelques nuances s'imposent. Comment traiter avec Isra�l au sein de cette union alors qu'il continue sa politique agressive � l'�gard du peuple palestinien. En outre, cette Union sera-t-elle profitable � l'�gypte sur le plan �conomique ou bien les Europ�ens vont-ils tirer les plus grands profits. R�ponse 2 : Le processus de Barcelone a �chou� malgr� certains acquis mineurs. La formule actuelle est vague et �lastique car elle veut mettre � l'�cart les raisons de l'�chec de Barcelone. Je ne vois pas de nouveau ni dans la vision ni dans la conception. R�ponse 3 : Suivant la formule europ�enne, les conflits seront �lud�s. La conception europ�enne est qu'il est n�cessaire pour les Arabes de normaliser avec Isra�l pour faire avancer le processus. La vision arabe, � l'oppos�, est que la paix est la meilleure garantie de succ�s au projet d'union. M�me opposition de vues � l'�gard du Sahara et de Chypre. R�ponse 4 : Le probl�me est qu'il existe un grand flou au sujet des financements des projets. Gouvernemental, priv� ou mixte Des projets s�par�s ne sont pas � mon avis la solution id�ale. Il est tr�s difficile d'assurer un profit mutuel �quitable �tant donn� la diff�rence de potentiel des deux c�t�s de la M�diterran�e. Les Arabes devraient peser de tout leur poids en oubliant leurs conflits d'int�r�t. R�ponse 5 : Le lancement du processus n'est pas de bon augure � ce sujet. Tous les documents ont �t� mis au point � Paris et � Bruxelles et les Arabes n'ont pas eu leur mot � dire. Le d�s�quilibre entre les deux parties donnera toujours un avantage au Nord. Les Arabes devront unir leurs efforts pour avoir voix au chapitre et ne pas subir le diktat des Europ�ens. Il est d�ailleurs dans l'int�r�t de l'Union d'avoir des relations �quilibr�es. M. C. M. * Pr�c�demment vice-ministre �gyptien de la culture charg� des affaires ext�rieures, ancien directeur d' Al-Ahram � Paris, Ch�rif Choubachy est �crivain et journaliste. RACHID EL HOUDA�GUI (*) : �Nous serons � Paris en ordre dispers� R�ponse 1 : Tout le monde s�accorde aujourd�hui que la force de l�UPM r�side, d�une part, dans la consolidation des acquis du processus de Barcelone et de la PEV et d�autre part, dans la d�marche concr�te et cibl�e qu�elle entend adopter dans le choix et la r�alisation des projets. Beaucoup de partenaires insistent sur le fait que l�UPM ne doit en aucun cas remettre en cause les acquis de leur relation bilat�rale avec l�UE : le Maroc par exemple a exprim� sa volont� de s�associer � ce projet en rappelant que cela n�alt�re pas les n�gociations avec l�UE pour le �statut avanc�. Cet engagement est d�pourvu de tout opportunisme g�opolitique, il fait partie des constantes de la politique �trang�re du Maroc faisant de la M�diterran�e un espace de convergence des bonnes volont�s. Le Maroc tient conjointement � la concertation entre les dirigeants maghr�bins et arabes pour d�gager une position commune autour de l�Union pour la M�diterran�e. Le soutien au projet est support� par la soci�t� civile comme le d�montre la participation des associations, des �tablissements universitaires et des centres de recherche au processus d�appropriation du projet par le citoyen marocain. R�ponse 2 : Pour l�instant, le seul succ�s � mettre � l�acquis du projet UPM est qu�il a permis de relancer le d�bat et � recentrer l�agenda de l�Union europ�enne sur la M�diterran�e. Nous assistons depuis des mois � un d�bat contradictoire, riche et r�v�lateur d�un espace o� se m�lent le r�ve et la r�alit�, la conviction et l�incertitude. Parall�lement, la Commission europ�enne a vite r�agi en s�appropriant le projet sous l�appellation : Processus de Barcelone : Union pour la M�diterran�e, toute en acceptant qu�il soit dot� de structures (pr�sidence bic�phale, secr�tariat) et d�une d�marche r�gionale ax�e sur des projets concrets de cod�veloppement et d�infrastructures. Il me para�t pr�matur� de se prononcer sur l�apport suppos� b�n�fique de l�UPM car nous sommes encore au stade des d�clarations d�intention et de l�appropriation de l�id�e du moins du c�t� sud de la M�diterran�e. A ce propos on regrette encore une fois les embrouillements qui caract�risent les entretiens des pays arabes de la M�diterran�e ; entre la d�claration du Caire relativement favorable � une position commune sur l�UPM et le rejet en bloc du projet par le chef de l�Etat libyen, M. Kadhafi, au sommet de Tripoli, la troisi�me voie sera celle de l�action unilat�rale et �go�ste ; nous arriverons donc � Paris en ordre dispers� avec un argumentaire obsol�te d�pourvu de sens politique face � une Europe confiante et forte malgr� le couac irlandais Cela �tant dit la valeur ajout�e de l�UPM serait acquise si seulement si les architectes dudit projet ins�rent dans leur sch�ma de travail les trois r�alit�s suivantes : les partenaires devraient s�engager � d�passer les enjeux g�opolitiques � g�om�trie variables qui fa�onnent la M�diterran�e afin d�asseoir un v�ritable mod�le de management multilat�ral pour la concr�tisation des projets d�envergure r�gionales ; l�Union europ�enne, notamment la Commission europ�enne, serait amen�e � trouver rapidement un arrangement institutionnel efficace entre les structures qui g�rent l�Euromed et les instances autonomes de l�UPM ; l�UPM doit se doter d�instruments de travail transparents et de m�canismes financiers fluides. R�ponse 3 : Permettez-moi tout d�abord de souligner que l�affaire du Sahara occidental ne constitue en aucun cas un facteur de blocage des relations Euromed ; jamais un pays n�a conditionn� sa participation � tel ou tel programme r�gional au r�glement de cette affaire. Pourquoi ? d�une part, cette affaire rel�ve d�un processus onusien de r�glement des conflits qui est en cours � travers les n�gociations de Manhasset, d�autre part, cette affaire est en quelque sorte l�arbre qui cache la for�t, c'est-�-dire le r�v�lateur d�une rivalit� alg�ro-marocaine dont l�enjeu et le contr�le strat�gique du Maghreb. Or, nous savons tous que ni l�un ni l�autre n�ont les moyens et les capacit�s pour jouer au ma�tre de la r�gion particuli�rement � un moment o� les contraintes de la mondialisation et les projets g�opolitiques europ�ens et am�ricains pour la r�gion exigent de nous une veille strat�gique commune et une r�ponse concert�e. Par contre, le conflit isra�lo-arabe continuera � structurer les relations Euromed et � fa�onner nos perceptions mutuelles. Nos amis europ�ens devraient comprendre que la cause palestinienne fait partie de nos fondamentaux et que l�opinion publique arabe n�acceptera pas que la participation aux projets soit un raccourci pour la normalisation avec Isra�l. De toute fa�on l�UPM ne devrait pas avoir des pr�tentions d�mesur�es. Je veux dire par l� qu�il faut �viter de r�p�ter les erreurs d�appr�ciation du processus de Barcelone et pr�tendre par exemple que l�UPM pourrait r�soudre le conflit isra�lo-arabe ; la d�claration de Barcelone a �t� adopt�e au lendemain des accords d�Oslo qui ont lanc� une dynamique de paix, stopp�e par les contradictions du comportement isra�lien apr�s l�assassinat d�Isaak Rabin. Aujourd�hui la situation s�est tellement d�t�rior�e que les opinions publiques d�sesp�r�es et d��ues ne sont plus en mesure d�accepter des solutions de compromis. Que faut-il faire, alors ? A mon avis, l�UPM devrait adopter une m�thode de travail qui contournerait ce conflit sans pour autant exclure les acteurs directs de la crise. Je prendrai le risque de proposer la fragmentation ou segmentation des champs d�action de l�UPM comme piste de r�flexion. Dans cette perspective l�UPM se dotera d�un programme indicatif r�gional unique qui se d�clinera en plans d�actions th�matiques et identiques r�partis entre deux espaces : la M�diterran�e occidentale (UPM+UMA) et la M�diterran�e orientale (d�une part UPM + Isra�l et d�autre part UPM + la Syrie, le Liban, la Jordanie, l�Autorit� palestinienne et l��gypte). Il est vrai que ces deux sous-r�gions partagent les m�mes besoins et insuffisances sauf que certains probl�mes n�ont pas la m�me nature, la m�me forme ou la m�me intensit� selon qu�on est au Maghreb ou au Proche-Orient : la question de l�eau par exemple se pose au Maghreb dans sa relation avec la s�cheresse donc avec la raret� et la g�n�ralisation de la distribution alors qu�au Proche-Orient, cette question se pose particuli�rement en termes de partage des ressources hydriques transfrontali�res. Un facteur de risque d�instabilit� de plus dans une r�gion d�j� sous tension g�opolitique. R�ponse 4 : Parmi les projets privil�gi�s qui ont �t� mis en avant par les initiateurs de l�UPM, on cite la d�pollution de la M�diterran�e � l�horizon 2020, la gouvernance �conomique, la mise en place d�une autoroute maritime. La construction d�un espace scientifique m�diterran�en pour mettre en r�seau les p�les d�excellence, la r�alisation d�une autoroute transmaghr�bine ainsi que des projets agricoles sont �galement au programme. Mais faut-il souligner que la plupart de ces projets existent d�j� sous forme de programme Euromed : dans le domaine de l�environnement, il existe un programme appel� SMAP en plus la Commission europ�enne a d�voil�, jeudi 10 avril � Bruxelles, une strat�gie destin�e � assainir d'ici � 2020 la rive sud de la mer. Ensuite dans le domaine du transport maritime, un programme intitul� �les autoroutes de la mer�, destin�es � moderniser les liaisons maritimes en M�diterran�e, est en cours, alors que la recherche scientifique fait objet de plusieurs programmes de recherche comme par exemple l�Euromesco, la FEMIP, etc. Cela dit, la r�alisation de ces projets dans le cadre l�UPM doit prendre comme point de d�part les acquis de l�Euromed et s�appuyer sur des moyens financiers cons�quents. Mais dans tous les cas, il faudrait pr�voir un accord-cadre mentionnant les principes qui guideront la gestion des projets : appropriation commune, identification commune des projets, l�engagement de la responsabilit� des �tats dans la p�rennisation des projets ind�pendamment de la conjoncture g�opolitique ; la d�marche participative en associant la soci�t� civile aussi bien dans l��laboration des d�cisions que dans l�accompagnement et la r�alisation des projets. R�ponse 5 : Les principes que je viens de citer font partie du paquet de mesures � adopter pour garantir la stabilit� des futures institutions de l�UPM. Dans le m�me sens, l�alternance et la repr�sentation g�ographique �quitable devraient �tre le socle de la l�gitimit� politique et institutionnelle de cette union. L��quipe qui aura la responsabilit� de lancer l�UPM devra trouver une r�ponse ad�quate � la question suivante : quelle interaction efficiente entre le cadre institutionnel de l�UPM et les structures du partenariat Euromed. Pour surmonter ce d�fi et pour assurer les conditions favorables pour sa r�ussite de cette union, il faudrait � notre avis instituer quatre passerelles entre celle-ci et le volet r�gional du partenariat Euromed, une sorte de mariage de raison entre l�UPM et l�Euromed : 1- faire glisser dans le giron de l�UPM les r�unions minist�rielles sectorielles ad hoc selon les priorit�s sectorielles arr�t�es par les partenaires ; 2- �laborer conjointement un programme indicatif r�gional unique pour �viter le chevauchement des programmes ; 3- faire glisser dans le giron de l�UPM les programmes d�j� existants qui rel�vent des volets d�veloppement durable et �changes dans le domaine social et humain laissant � l�Euromed le volet s�curitaire et la macro�conomie ; 4- transmettre � l�UPM le volet financier r�gional de l�IEVP � condition bien s�r de revoir � la hausse le budget consacr� � ces programmes, qui est aujourd�hui d�environ 330 millions d�Euros ; 5- faire du principe de cofinancement un levier de la participation de la rive sud � la mobilisation des fonds y compris en monnaie locale � travers l�utilisation des instruments financiers modernes (bourses, capital risque�). Pour terminer, beaucoup reste � faire aussi bien sur le plan politique que financier avant le sommet du 13 juillet � Paris. Les bonnes volont�s s�activent pour surmonter ces difficult�s mais il est peu probable que l�on arrive, � court terme, � une convergence des vues globale et g�n�rale. M. C. M. * Rachid El Houda�gui est professeur-chercheur � la facult� des sciences juridiques, �conomiques et sociales de l�Universit� Abdelmalek Essa�di � Tanger � Maroc. Il est l�auteur d�articles et d�ouvrages consacr�s � la politique �trang�re et aux instruments de s�curit� en M�diterran�e. Monsieur El Houda�gui est directeur de la revue Paix et s�curit� en internationales.
SAMIR EL KHADEM (*) : �L�UPM est l�affaire de tous� R�ponse 1 : Le projet �processus de Barcelone : Union pour la M�diterran�e� n'est pas vraiment populaire � l'�chelon de la masse, pourtant l'�lite que ce soit dans la communaut� chr�tienne et la communaut� musulmane appr�cie beaucoup l�UPM, surtout dans le domaine culturel et artistique. Les autorit�s officielles sont en faveur de ce projet important. R�ponse 2 : Oui et sans r�serve. Maintenant le rapprochement est diff�rent ; c'est une continuit� am�lior�e du processus de Barcelone ; c'est un projet global et apporte au moins pour nous en Orient des points positifs dans les domaines de la culture, l'art, l'�conomie, la s�curit�, les communications et l'environnement. R�ponse 3 : Oui, effectivement ; l�UPM doit aborder ces conflits surtout le conflit arabo-isra�lien et aider � faciliter l'impl�mentation d'une solution convenable ; sinon l�UPM aura sa partie orientale mise � l'�cart et par cons�quent l�UPM sera un circuit brise qui ne fonctionne pas que dans sa partie occidentale. R�ponse 4 : Les chantiers majeurs sont la culture, l'art, l'�ducation, la sant�, l'�conomie, la s�curit�, les communications, les transports et l'environnement. Pour r�ussir il faut �tre �quitable, tol�rant et g�n�reux. C�est un projet a deux voies : il faut �changer donner et prendre. R�ponse 5 : Il faut faire savoir que l�UPM est l'affaire de tout le monde, donc la participation surtout dans la gestion institutionnelle est �quitable; tous les partisans participent et � pied d'�galit� ; il n'y a pas des ma�tres et des serviteurs, nous sommes tous des partenaires. M. C. M. * Samir El Khadem, officier de marine libanais, il a assum� diff�rentes responsabilit�s militaires, dont celle de commandant des forces navales. Admis � la retraite, il anime un think thank libanais dont l�activit� est d�di�e aux questions strat�giques.