Quelques semaines à peine après la délibération de la chambre d'accusation du tribunal correctionnel de Annaba, l'affaire des 16 cadres dirigeants de l'entreprise publique économique Société des travaux maritimes de l'Est (Sotramest) reviendra au devant de l'actualité nationale le 2 juin prochain. C'est la date retenue pour la tenue du procès. Dans ce dossier, il y a les conclusions de la longue enquête judiciaire effectuée par les éléments du Centre territorial de recherches et d'investigations (CTRI). Elles ont débouché sur ce que, dans leur arrêt de renvoi, les magistrats de la chambre d'accusation n°1 de ce même tribunal ont qualifié de passation de marchés publics non conformes à la législation, dilapidation et détournement des deniers publics. De par la qualité des mis en cause, majoritairement des cadres dirigeants dont le directeur général de l'entreprise, et l'évaluation du préjudice qui se chiffre à des centaines de millions de DA, l'affaire est importante. Ce qui explique le pourquoi de la décision des magistrats d'appliquer à l'encontre de la plupart des personnes impliquées la procédure de contrôle judiciaire. Certains d'entre elles auraient craqué dès les premiers interrogatoires. Elles auraient révélé les dessous d'une multitude d'opérations d'acquisition de matériel à l'importation, de marchés portant réalisation à fonds perdus de travaux portuaires dans différentes régions côtières de l'est du pays et de factures injustifiées. Après bien des vicissitudes, et un énorme travail judiciaire sur terrain et dans les locaux de l'entreprise, les enquêteurs du CTRI ont conclu à une mise à sac des deniers de la République via les caisses de cette entreprise publique économique. L'une des rares entités économiques à actionnariat étatique encore en activité dans le pays. Pour l'élaboration de leurs conclusions à transmettre au parquet de Annaba, les enquêteurs ont, durant des mois, interrogé des témoins dans le milieu des cadres et travailleurs de l'entreprise, des fournisseurs locaux et nationaux et les représentants des institutions comme les directions des travaux publics de différentes wilayas. Ils ont également compulsé et vérifier à ne plus en finir des documents comptables et administratifs établis pour l'acquisition d'équipements et de matériels à l'importation. Le dossier ficelé a été transmis au début de cette année à la justice. Il a abouti à la convocation par le juge d'instruction de tous les cadres dirigeants de Sotramest impliqués de près ou de loin. Rendue publique, l'affaire fait l'objet de conversations bruyantes dans le milieu économique local. Les gens de la mer, les services des Douanes et de la police maritime, les transitaires et les armateurs s'y intéressent. Il y a de quoi quand on sait que le dernier projet de l'extension du port de la grenouillère ou «3e bassin» à Annaba réalisé par cet EPE est fermement critiqué. Tout autant que les deux sloops et les réfections du quai à proximité de la capitainerie de Annaba. «Il n'y a pas eu d'accident à ce jour grâce à la compétence des commandants des navires, mais ça ne saurait tarder. La réalisation du 3e bassin représente un véritable goulot à l'entrée du port de Annaba. C'est très dangereux. L'on a déboursé des dizaines de milliards en pure perte. C'est aussi le cas en ce qui concerne le port d'El-Kala. Initialement confiés à Sotramest, les travaux ont été réalisés par une société italienne sous-traitante. «Je le dis et j'assume, le nouveau port d'El-Kala ne résistera pas longtemps à la mer. Il n'y a qu'à voir les blocs de béton utilisés. Ils ne sont pas conformes à ce qu'ils devraient être», a indiqué Mohamed Bouali, un vieux loup de mer, armateur et membre de la Chambre des pêcheurs de Annaba. Le dossier du «port d'El-Kala» pourrait être un autre scandale à inscrire sur le registre des actes de gestion de Sotramest Annaba dont les compétences territoriales s'étendent sur plusieurs régions côtières. Il devrait grossir celui très volumineux en charge des magistrats de Annaba. A quelques jours de la tenue du procès qui, sans nul doute, ressemblera fort à celui des cadres Sider et ceux du ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques impliqués dans l'affaire du thon, le débat sur l'affaire Sotramest n'est pas clos. Au contraire, il s'est davantage animé à l'écoute des auditions des témoins à charge et à décharge. Dans ce dossier, il est question de l'implication d'anciens gestionnaires de Sotramest limogés pour des fautes graves. Les langues se délient chaque jour un peu plus. Ceux qui «savent» croient en l'innocence de la majorité des cadres. D'autres se prononcent pour leur culpabilité. Certains sont convaincus que ce procès pourrait déboucher sur une erreur judiciaire. A ce stade de l'évolution de l'affaire, le doute semble peser sur les consciences et les rumeurs sur des biens mal acquis de cadres dirigeants refont surface. Du côté de la vingtaine d'avocats de la défense, l'on a la certitude que cette affaire est cousue de fil blanc. D'autant, précise un des hommes à la robe noire, que «s'agissant d'une entreprise à gestion autonome, pourquoi parler de passations de marchés publics non conformes ?» Bon nombre de ces avocats ont quitté la toge quelque peu élimée du ministère public ou d'une administration de l'Etat pour la robe plus élégante du défenseur. Leur fonction, nouvelle pour certains, de longue date pour d'autres, les change tout entiers. Vitupérant l'Etat, leur ancien employeur, et ses abus de pouvoir, ces hommes du prétoire se préparent à l'offensive pour, diront-ils, «faire éclater la vérité et décrocher l'acquittement de nos clients». A. Djabali