Kaddour M'hamsadji, connu pour sa belle plume et ses récits merveilleux, nous raconte à la manière des grands écrivains, au soir de leur vie, des souvenirs vifs d'une enfance qu'il semble avoir vécue intensément. Son écriture nous rappelle celle de Féraoun, de Dib dont les œuvres romanesques restent extrêmement enrichissantes du point de vue littéraire, historique, social. Incontestablement, ils ont peint la société algérienne telle qu'ils l'ont vue et connue en tant qu'acteurs et témoins authentiques d'un temps. Un livre, fruit de décennies d'expérience L'auteur n'a pas à prouver ses qualités de grand écrivain de la vieille génération . Ses premiers écrits ont été merveilleusement composés dans une langue qui n'avait plus de secrets pour lui. Quand on a fini de lire « Le silence des cendres », « Le coq du bûcheron », ou « La gazelle » pour ne citer que quelques-unes de ses œuvres marquantes, on a le sentiment d'avoir retenu beaucoup de choses sur nos traditions culturelles, nos coutumes, notre histoire, avec cette impression de frustration. D'ailleurs, les titres en disent long sur les images qu'il donne du milieu social algérien : « Sultan Dzaïr », « Jeu de la boqâla », « Fleurs de Novembre », « El Qasba zman ». On a là l'exemple de genres littéraire s'inspirant de notre passé, ce qui est merveilleux pour la jeunesse, surtout, qui a besoin de se ressourcer dans un monde qui les éloigne de jour en jour de leur histoire dont elle ne connaît rien de la culture des ancêtres qu'elle déprécie pour des considérations indépendantes de leur volonté. L'auteur a même touché à d'autres genres culturels comme le cinéma. « Le silence des cendres », roman édité en 1959 comme « La Gazelle », feuilleton en huit épisodes ont été adaptés comme scénarios pour des films qu'on n'a pas eu la chance de voir sur nos écrans. Le Petit café de mon père ou le titre évocateur. Contrairement à ce que l'on peut penser, il ne s'agit pas uniquement de café maure dans la pure tradition algérienne, mais d'un vécu collectif reconstitué pour qu'il ne se perde pas dans l'oubli, de la même façon que des milliers de récits merveilleux et véhiculés par l'oralité que le peuple d'aujourd'hui ignore totalement faute de n'avoir pas été sauvés par l'écriture. Les peuples avancés qui ont inventé la télévision, le portable et l'internet continuent de lire. Leurs jeunes lisent quotidiennement, s'imprègnent au quotidien de leur réalité sociale par les livres, ce que dit M'hamsadji doit donner à réfléchir. « Le café de mon père » a existé et il a été tenu par le père de l'auteur à Sour El Ghozlane, ville ancienne et porteuse comme toutes les vieilles villes d'Algérie de marque d'une longue histoire. La famille de M'hamsadji était d'Alger et elle est venue s'installer à « Sour » au lendemain de l'occupation coloniale. Dans le premier récit intitulé « Au temps des dernières voitures », il dit : « Savez-vous comment autrefois venant d'Alger, arrivait-on à mon beau village natal, Sour El Ghouzlane, dont la colonisation avait fait Aumale et que tous les natifs appellent familièrement « Sour » ? Ce qu'il y a de beau dans ce livre, c'est le fait qu'il soit constitué de récits inspirés du vécu collectif et façonné dans un style accessible à tous les publics de lecteurs. Le local ancien abrite le même commerce, mais ce n'est plus le café maure de jadis, il est à présent équipé d'une machine à café moderne ». L'auteur raconte comment, dans un silence religieux, il a été accompagné par son père pour entrer à l'école coranique de Sour. Chaque village, ville, douar avait ses écoles coraniques et l'apprentissage du livre sacré sous l'œil vigilant d'un maître était obligatoire, car cela donnait des hommes à la forte personnalité et mentalement équilibrés. Ces récits populaires rappellent ceux de Mostefa Lacheraf racontant ses souvenirs d'une enfance difficile au cours de laquelle il était accompagné de son père lorsqu'il se rendait au marché de Sidi Aissa dont il est originaire. « Un marché en plein air » publié dans l'hebdomadaire de Tahar Djaout. Quelle écriture ! Quels souvenirs merveilleux ! « Le petit caté de mon père », récits au passé éd. OPU, 2011, 309 pages, de Kaddour M'hamsadji