Ceux qui ont quitté Miliana et sont revenus cet été afin d'évacuer le stress et oublier les soucis ont été vite déçus. Au petit matin, le marché central, la grande poste, les cafés s'animent jusqu'à midi, puis plus rien. Les gens restent chez eux et les rues deviennent désertes. La nouvelle piscine qui faisait la joie des enfants de tous les quartiers est à l'abandon. La locomotive qui se dresse à l'entrée de la ville nous rappelle l'épopée des activités des mines du Zaccar qui employaient plus de 400 ouvriers. Assis sur un banc, un vieux milianais nous parle des fêtes et des réjouissances qui faisaient la renommée de Miliana. «Ecoutez monsieur, la grande fête des cerises qui drainait une foule considérable et qui durait sept jours et sep nuits est un lointain souvenir. Actuellement, on n'ose plus en parler, car les cerises se font rares, faute de relève. Les quelques étalages vous offrent ces fruits à peine mûrs et chétifs à des prix exorbitants». Certes, l'APC avec la collaboration de la direction des services agricoles a entrepris un vaste plan de rénovation qui représente 1 500 plants de cerises à travers les zones de Zougala, Hamama et les hauteurs de Sidi Madjhed. Qui dirait qu'un jour la ville aux 24 sources manquerait d'eau ? Zougala et ses vergers en étages qui approvisionnaient en fruits et légumes toutes les régions avoisinantes ne sont plus que des terres défraîchies envahies par le béton. Même certains espaces ont disparu comme le citron doux, les petites poires odorantes appelées communément «blanquettes», des variétés très recherchées de prunes (Bersiana, Melaissa, etc). Tout l'été, la zone dirigée par cheikh Brazi animait absolument toutes les fêtes, El-Hadj El-Anka, Guerrouabi, Amar El-Achab aimaient particulièrement Miliana et se rencontraient souvent au célèbre café El-Hachemi. Les groupes folkloriques, comme ceux de Relizane et de Sidi El-Ghobrini de Cherchell, qui se succédaient pour rendre visite au mausolée de Sidi Ahmed Ben Youcef, patron de la ville, ont cessé leur pèlerinage. Aujourd'hui, le seul hôtel classé 3 étoiles est très mal entretenu et ne reçoit que de très rares passagers. Les structures d'accueil qui encourageraient la visite de nombreux touristes au vu de ses sites, comme le musée Emir Abdelkader et sa demeure, la Manufacture d'armes, le premier poste télégraphe qui date de 1891, les célèbres guettes où s'est déroulée la célèbre bataille contre les paras de Bigeard, où 400 hommes ont péri. Pour cette saison chaude, la vie ne reprend qu'en fin d'après-midi et des familles entières se rendent après le souper à la place Ali-Amar pour veiller jusqu'à des heures tardives de la nuit en dégustant des crèmes glacées ou des pâtes feuilletées fourrées aux amandes. A présent, avec l'arrivée du mois de Ramadhan, c'est la course folle aux achats, nous dira un vieux retraité. 2h du matin, seule la grande horloge de la place Emir Abdelkader semble défier le temps et les hommes et veiller sur la ville endormie…