Il est unanimement admis par les analystes sérieux, privilégiant uniquement les intérêts supérieurs de l'Algérie — nous ne parlons pas des intellectuels organiques aux ordres en contrepartie de la distribution de la rente des hydrocarbures — qu'un changement de lois n'apporterait rien de nouveau si l'on maintient le cap de l'actuelle gouvernance politique et économique . Cela explique le peu d'impacts sur la société, incapable de mobiliser et de sensibiliser (non crédible), laissant lors d'émeutes les citoyens face aux services de sécurité. Sans intermédiation crédible de réseaux sociaux, combinée avec la panne économique où tout est irrigué par les hydrocarbures, 98 % des exportations et important 75 % des besoins des entreprises et ménages, donnant des taux de croissance et de taux de chômage fictifs, cela ne peut que conduire à une déflagration sociale à terme. L'Algérie ne saurait invoquer sa spécificité face au printemps démocratique qui secoue le monde arabe et devrait méditer les nouvelles mutations politiques. Pour éviter les réformes du régime, certains dirigeants arabes, se réfugiant dernière l'islamisme radical, le combat contre le terrorisme et invoquant la main de l'extérieur comme facteur de déstabilisation. Or ce sont des combats d'arrière-garde, les Occidentaux les ayant abandonnés malgré leur servitude — dans la politique il n'existe pas de sentiments mais des intérêts — à l'instar des anciens dirigeants tunisiens, égyptiens, libyens et des actuels dirigeants yéménites et syriens. Avec l'avènement d'Internet qui modèle l'opinion et l'entrée des sociétés civiles, ces discours ne portent plus, ce qui préfigure d'ailleurs une reconfiguration des nouvelles relations internationales prenant en compte les exigences de dignité et de liberté au niveau des populations du Sud. Certes, le danger extrémiste, source d'intolérance, est réel, mais les grandes puissances ont fait comprendre aux dirigeants arabes, et à certains dirigeants d'Afrique, qui deviendront, à terme, de plus en plus minoritaires, se réfugiant derrière le statut quo par le frein à la démocratisation avec une répartition inégalitaire des richesses et la corruption d'une certaine caste, que leurs comportements favorisent le terrorisme et l'islamisme radical et qu'ils en sont en grande partie responsables. Ce n'est pas par philanthropie mais certes mus par des intérêts économiques et voulant éviter que des milliers de jeunes qui rêvent de s'enfuir aux Etats-Unis, au Canada et en Europe viennent alourdir leur taux de chômage. Encore que l'exode massif de cerveaux des pays arabes et d'Afrique est souvent voulue par certains dirigeants arabes malgré certains discours de propagande à usage de consommation intérieure envers la diaspora alors qu'ils ne font presque rien pour retenir ce qui reste, vidant la substance de leurs pays. C'est que l'élite ne peut s'assimiler à un tube digestif mais aspire à conquérir des espaces de liberté par la participation à la gestion de la Cité. III) Les conditions de l'amélioration sociale en Algérie On a l'impression que le pouvoir actuel face aux bouleversements mondiaux et des tensions qui touchent tous les secteurs en même temps est tétanisé et en panne d'imagination. L'urgence d'approfondir la réforme globale en Algérie du fait de rapports de force contradictoires au sommet du pouvoir qui se neutralisent, renvoyant au partage de la rente, doit reposer sur le travail et l'intelligence afin de redonner une lueur d'espoir, surtout à une jeunesse désabusée en conciliant l'efficacité économique par plus de rigueur budgétaire et la justice sociale. La réussite est avant tout non celle d'une femme ou homme seul — il n'existe plus de femmes et d'hommes providentiels et selon l'adage militaire nul n'est indispensable —, mais celle d'une équipe compétente soudée, de véritables managers sachant gérer et être à l'écoute des populations, animée d'une profonde moralité avec une lettre de mission à exécuter dans les délais et avec des coûts internationaux les projets mis en œuvre. C'est que la situation actuelle en Algérie montre clairement, sauf à ceux qui vont dans l'autosatisfaction car déconnectés des réalités sociales, une très forte démobilisation populaire due à ces signes extérieurs de richesses souvent non justifiées, la détérioration du niveau et du genre de vie de la majorité de la population malgré des réserves de change dépassant 175 milliards de dollars à la fin de juin 2011 dont 154 milliards placés à l'étranger à des taux d'intérêts nuls, pondérés par l'inflation mondiale. Pourquoi donc continuer à épuiser la ressource éphémère que sont les hydrocarbures si les capacités d'absorption sont limitées. Ces réserves de change ne sont pas un signe de développement, elles sont dues non au travail mais à des facteurs exogènes à la différence de la Chine, pouvant conduire le pays au syndrome hollandais avec une corruption généralisée, des dépenses non proportionnelles aux impacts, les rapports internationaux montrant que l'Algérie dépense deux fois plus pour avoir deux fois de résultats moindres par rapport à des pays similaires. Et comme le démontre les moins de 2 % des exportations hors hydrocarbures entre 2006 et 2011, un taux de croissance relativement faible tiré essentiellement par les dépenses publiques en récession — plus de 5 % entre 2004 et 2005, 1,8 % en 2006¸ moins de 3 % en 2007 et moins de 4 % entre 2008 et 2011, et le FMI prévoit 3 % en 2012 —, les 80 % des segments hors hydrocarbures étant eux-mêmes tirés par la dépense publique. Le programme de soutien à la relance économique est passé de 55 milliards de dollars en 2004, à 100 milliards à la fin de 2005, à 140 à la fin de 2006, à 200 à la fin de 2009 et sur les 286 milliards de dollars programmé entre 2010 et 2014, 130 sont des restes à réaliser du programme 2004-2009 (mauvaise gestion, corruption, projets mal ciblés...). C'est une suite logique de la mauvaise gestion et de la corruption qui s'est socialisée et des tensions sociales que l'on essaie de tempérer à travers une redistribution désordonnée de la rente des hydrocarbures, des salaires versés sans contreparties productives pour calmer transitoirement le front social, mais avec le risque d'une hyperinflation à terme, que l‘on comprime artificiellement par des subventions mal gérées et mal ciblées. Cela ne peut durer indéfiniment quitte à conduire le pays à la dérive. La condition de l'amélioration sociale passe par un retour à la croissance hors hydrocarbures qui reste tributaire de deux conditions complémentaires : - la réhabilitation de l'entreprise, la levée des contraintes d'investissement passant par la refonte urgente du système financier, fiscal, douanier et domanial (foncier) et une détermination plus grande par une vision plus cohérente de la réalisation du programme des réformes ; - sur le plan sociopolitique déterminant, cela passe par la refonte de l'Etat, une véritable décentralisation, la production d'une culture politique participative, une communication institutionnelle efficiente et l'élaboration d'un nouveau consensus social et politique, ce qui ne signifie aucunement unanimisme, signe de la décadence de toute société, permettant de dégager une majorité significative dans le corps social autour d'un véritable projet de société. L'Algérie doit réorienter sa politique socio-économique, l'actuelle étant ruineuse pour le pays avec la dominance de la dépense publique dans les infrastructures (70 %) souvent mal faites alors quelle n'est qu'un moyen du développement et des rentes aux dépens du travail. Il s‘agit d'assurer un minimum de cohésion sociale tant spatiale qu'entre les catégories socioprofessionnelles — cette injustice criarde, un Etat riche mais une population de plus en plus pauvre — et s'adapter aux enjeux de la mondialisation, l'espace euroméditerranéen et arabo-africain étant notre espace naturel, surtout que la crise mondiale actuelle préfigure d'un bouleversement géo-stratégique et économique. (Suite et fin)