Cinq trafiquants de devises viennent de tomber dans les filets de la gendarmerie à Alger dont le réputé M. de Salembier et les frères B. de Hydra. En effet, 17 personnes dont les barons, deux inspecteurs des impôts et un employé de Turkish Airlines ont été présentées hier devant le procureur de la République de Bir-Mourad Raïs pour, entre autres, association de malfaiteurs, infraction à la réglementation de change de devises et transfert de capitaux, change illégal, fraude fiscale, blanchiment d'argent, etc. L'enquête a été entamée par les éléments de la section de recherche de la gendarmerie d'Alger au début du mois en cours suite à des renseignements indiquant l'existence d'une activité massive de bureaux clandestins de change de devises dans trois quartiers de la capitale. Lieux repérés, les gendarmes ont lancé une surveillance des suspects avant de décider des assauts simultanés dans une supérette à la rue Zekar à Hydra, un magasin de produits cosmétique à la rue Arab-si-Ahmed à Birkhadem et le restaurant «Toufik» à la rue Hassane Ichrafi à El-Madania (ex-Salembier). Selon les services de sécurité en charge de cette affaire, le 3 octobre, à 17h, les groupes d'intervention mobilisés au niveau des trois quartiers ont reçu l'ordre d'intervenir afin d'arrêter les malfaiteurs, leurs clients et leurs complices, et de saisir les quantités d'argent se trouvant sur les lieux. Au niveau de la supérette de Hydra, deux frères ont été arrêtés sur place, un client dénommé B. S. en possession de 2 000 euros et un employé de la compagnie aérienne turque à Alger en possession de 2 000 dollars américains. Dans le local commercial, on trouva également 2 500 dirhams marocains, 555 dinars tunisiens, 2 326 riyals saoudiens, 1 520 francs suisses, 2 300 livres sterling, 1 395 dollars canadiens, 2 955 dollars américains, 10 080 euros et 420 millions de centimes en monnaie algérienne. Le troisième membre de la famille finit par être arrêté à son tour pour qu'au cours des interrogatoires, les mis en cause affirme que l'argent en question est utilisé pour le paiement des marchandises venant de l'étranger ainsi que dans des transactions commerciales. Or, l'enquête a permis de dévoiler qu'en plus des sommes douteuses saisies, d'autres biens de valeur importante ne sont pas justifiés dont 52 véhicules importés entre 2006 et 2011 au nom de l'un des frères, trois villas à Bir Mourad Raïs et Draria, quatre locaux commerciaux à Sidi Yahia (Hydra) et des comptes bancaires à Alger et en France. Afin de justifier ces richesses, les mis en cause avaient créé trois entreprises qui se sont avérées inactives et que seulement une spécialisée dans l'import-export compte cinq opérations depuis l'année 2009. Autrement dit, les barons de la devise blanchissaient l'argent gagné dans cette activité illicite. Sont impliqués dans cette affaire deux inspecteurs des services des impôts ayant fait bénéficier les trafiquant de diminution et d'exonération illégales contre des pots-de-vin. A noter que le frère ainé est un repris de justice impliqué dans l'affaire scandaleuse de l'autoroute Est-Ouest qui lui a coûté 13 mois de prison avant d'avoir bénéficié d'une liberté conditionnelle. La seconde intervention des gendarmes a concerné un local de vente de produits cosmétiques sis à Birkhadem où d'autres sommes d'argent en différentes devises ont été saisies. L'enquête a dévoilé que ce «box de change» illicite n'est qu'une «annexe» pour celui de Hydra avec échange de clients et de services. Par ailleurs, l'intervention des gendarmes à El-Madania a fait beaucoup parler d'elle au sein de la population d'Alger qui n'ont pas imaginé le «doyen» du marché noir de la devise tomber un jour. En effet, B. S., connu sous le nom de Messaoud Djidjli (42 ans) et son frère B. T. (27 ans) ont été arrêtés le 3 octobre dans leur restaurant à Salembier où se trouvaient des gendarmes en civil pour surveiller les mouvements suspects du frère ainé. Ce dernier a été interpellé en flagrant délit en train d'opérer des transactions douteuses et des changes illicites d'importantes sommes de devises. En effet, la perquisition de son local, notamment au niveau du grenier (sedda), a permis la saisie de 7 970 euros, 9 560 livres sterling, 14 862 dollars américains, 340 dollars canadiens, 730 francs suisses, 80 dinars tunisiens et un milliard et 52 millions de centimes en devise nationale, et ce, en une journée. Sept clients en possession de différentes devises ont été également interpellés lors de l'intervention. Le mis en cause était propriétaire de plusieurs locaux commerciaux à Meissonier, Bir-Mourad Raïs et Draria, à Alger, et à Milia à Jijel, un appartement aux Annassers, une villa au quartier Les Sources, et était détenteur de comptes banquaires en Algérie et en France. Des biens qui ne correspondent pas à ses revenus. Grâce à des complicités au sein de l'administration, le trafiquant ne payait que 26 000 DA d'impôt par trimestre pour son commerce seul (sans infraction) qui pourtant lui procurait 12 milliards par an. Son commerce illicite de devise lui a permis d'atteindre près de 30 milliards de revenus par an. Messaoud Djidjli aurait affirmé lors de son interrogatoire qu'il exerce son «métier» depuis dix années !