Faudra-t-il rappeler aujourd'hui l'Otan pour protéger les populations civiles contre ses protégés d'hier ? La furie vengeresse des rebelles libyens ne s'est pas arrêtée à la capture et à l'exécution atroce de Mouammar Kadhafi, le 20 octobre dernier, devant les télévisions du monde entier et dans l'impunité totale. Même si, à vrai dire, les exactions des bandes armées du CNT contre les présumés fidèles à l'ancien régime avaient commencé dès les premiers combats aux portes de Tripoli, puis au cours de l'ultime bataille, à Syrte, ville natale de l'ancien guide libyen et où étaient concentrés ses partisans. Des centaines de familles ont été forcées à évacuer leurs maisons sous la menace des assaillants qui s'étaient livrés à des actes de pillage et de massacres, et qui continuent d'ailleurs toujours. Après l'annonce de la libération du pays, au lendemain de l'assassinat de Kadhafi, des appels à la «réconciliation» ont été lancés par certains dirigeants du CNT, dont le chef, Mustapha Abdeljalil, comme pour se donner bonne conscience. Mais cela ne semble avoir eu aucun effet sur le terrain pour freiner les élans nihilistes de ces groupes armés hétéroclites qui se considèrent au-dessus de la loi. Et ce qui va certainement compliquer la tâche, à supposer que le nouveau pouvoir mette en œuvre son engagement : l'annonce d'un retrait imminent et intégral des forces internationales, lesquels, doit-on le rappeler, avaient motivé leur intervention par l'impératif de protéger les populations civiles assaillies par les troupes de Kadhafi au printemps dernier. En effet, les échos recueillis par certaines organisations internationales comme Human Rights Watch, font état d'uns situation dramatique dans le pays et relèvent des exactions et des actes de vengeance quotidiens ciblant des présumés partisans de Kadhafi. L'ONG évoque le cas des habitants de la ville de Tawergha, réputés fidèle au colonel Kadhafi, qui sont les cibles de violences et menaces de la part de milices originaires de Misrata, leur ordonnant de quitter la région et de ne jamais revenir. Ces milices terrorisent leurs concitoyens originaires de la ville voisine de Tawergha, les accusant d'avoir commis des atrocités avec les forces de Kadhafi à Misrata, a déclaré Human Rights Watch dans son communiqué rendu public lundi dernier. Dans son enquête, Human Rights Watch relève des arrestations massives et arbitraire, des détenus torturés parfois à mort. L'impunité garantie Face à l'ampleur de ces actes de vengeance et la guerre tribale qui s'annonce, la direction du CNT semble complètement dépassée, et paraît en tout cas pour l'instant incapable d'envisager une solution de justice à tous ces cas. Loin de pouvoir dissuader les combattants «victorieux» de cesser leurs exactions criminelles, le CNT ne fait qu'encourager et couvrir ainsi l'impunité. Human Rights Watch a appelé les nouveaux dirigeants à mener une enquête immédiate et transparente sur ce qui s'apparente à des exécutions en masse et à traduire tout individu responsable en justice. «Si le CNT s'abstenait d'enquêter sur ces crimes, il donnerait ainsi le signal que tous ceux qui ont lutté contre Kadhafi peuvent tout se permettre sans crainte d'être poursuivis devant la justice», a observé Peter Bouckaert. Autre massacre relevé par l'ONG, cette semaine, celui de l'exécution de 53 partisans de Kadhafi, dont les corps ont été retrouvés dans un hôtel de Syrte utilisé par des combattants anti-Kadhafi, orginaires de Misrata. «Certaines victimes avaient les mains ligotées derrière le dos quand elles ont été abattues», a indiqué un porte-parole de Human Rights Watch. Il est un fait établi que les actes de violence, et en particulier les meurtres, commis lors d'un conflit armé à l'encontre de combattants ayant déposé les armes ou faits prisonniers, constituent des crimes de guerre. La Cour pénale internationale (CPI) a compétence en Libye pour tous les crimes commis dans le cadre de son mandat depuis le 15 février 2011. En vertu de ce traité, la responsabilité pénale s'applique à la fois aux individus qui ont physiquement commis des crimes, et à leurs supérieurs hiérarchiques, notamment les donneurs d'ordres et les commandants qui auraient dû avoir connaissance des exactions, qui ne les ont pas empêchés ou signalés, en vue d'engager des poursuites contre les auteurs des crimes. Mais, ladite cour, aux dernières nouvelles, semble plus préoccupée par le sort de Seïf El Islam dont elle négocierait la reddition. Faudrait-il alors, dans ce cas, rappeler l'OTAN pour protéger les populations civiles contre ses protégés d'hier ? Y aura-t-il une fin à cette guerre en Libye ?.