C'est avec en toile de fond une multitude de scandales portant atteinte à l'économie nationale qu'interviendra dès ce matin le Conseil extraordinaire de la Fédération nationale des travailleurs des Douanes. Il se tiendra au siège de la direction générale des Douanes (DGD). Son importance est mise en relief par la décision de Abdelmadjid Sidi Saïd, le secrétaire général de l'UGTA, d'y participer. Il sera aux côtés de Belkacem Charafa, le président de la fédération dont ce sera certainement la dernière réunion puisqu'il est appelé à jouir de sa retraite dès décembre 2011. C'est pourquoi bon nombre de cadres douaniers n'écartent pas l'éventualité d'un baroud d'honneur de ce syndicaliste. Mais ira-t-il jusqu'à confirmer la teneur de la correspondance de dénonciation des méfaits de douaniers, adressée par les 13 membres de la coordination nationale syndicale aux services de la Présidence et de la chefferie du gouvernement ? Et comme la liste des faits et méfaits révélés dans cette correspondance n'a apparemment pas suffi, une autre est intervenue. Elle émane de la Cellule de traitement du renseignement financier (CTRF). Présidée par un magistrat de la Cour suprême de justice, elle est animée par, entre autres, le représentant du gouverneur de la Banque d'Algérie, du ministère des Finances, de la direction générale de la Sûreté nationale et de la Gendarmerie. La création de cette cellule résulte de la convention signée par l'Algérie pour adhérer au «Groupe Action Financière Intergouvernemental» (Gafi), spécialisé dans la lutte contre le blanchiment d'argent à l'échelle mondiale. C'est dans ce cadre qu'est intervenue la CTRF sur de grosses affaires portant atteinte à l'économie nationale. Ce qui lui a permis de mettre au jour l'affaire des équipements importés et censés être destinés à la réalisation d'une unité de production textile à Blida. Les auteurs sont de prétendus investisseurs jordaniens et syriens derrières lesquels il y a des israéliens propriétaires de sociétés off-shore. Des complices dans le rang des Douanes algériennes leur ont permis de faire entrer en Algérie des équipements de confection bons pour la casse. Plus de 190 millions de dollars ont pu ainsi être transférés sur les comptes bancaires de ces mêmes sociétés ayant siège à Chypre, Malte, Dubaï et le Liban. D'autres affaires sont venues se greffer à ce qui ressemble à une mise à sac de nos finances. Celles qui impliquent les douaniers de la haute voltige ont particulièrement intéressé les membres du CTRF. Notamment le dossier des 170 containeurs disparus du port de Annaba ces quatre derniers mois. Selon nos sources, leur contenu, des équipements de climatisation industrielle à l'état de ferraille, a pour objectif de justifier le transfert de 30 millions de dollars vers une banque française via l'agence de cette dernière à Constantine. Pour ce faire, de vrais registres de commerce ont été établis aux noms de malades mentaux, personnes âgées et femmes en difficultés sociales. Avec la complicité de douaniers, des importateurs domiciliés à Sétif et Aïn Defla ont procédé clandestinement à leur enlèvement. La disparition de ces containeurs s'ajoute à celle des 190 autres (révélée dans ces mêmes colonnes il y a quelques mois) qu'un opérateur économique Tunisien a réussi à faire sortir du même port d'Annaba sans payer les droits et taxes. Passoires par la force des dinars, dollars et de douaniers véreux, nos frontières terrestres, maritimes et aériennes le sont. Ils sont pour beaucoup dans les quelques 10 000 fausses déclarations de douanes dont 2 350 à Alger, 1 480 à Oran, 1 750 à Béjaïa, 1 110 à Skikda, 980 à Ghazouat, 900 à Annaba, recensées par la CTRF. Elles ont servi au blanchiment de l'équivalent de 120 millions de dollars versés dans des comptes bancaires ouverts dans divers pays d'Europe. La plupart des auteurs et leurs complices douaniers ont été identifiés sur la base d'indiscrétions signalant la présence de ceux que l'on qualifie de parrains du trafic et de la contrebande à nos frontières. Tout au long de leurs investigations, les enquêteurs ont été sidérés par le niveau de vie de certains petits opérateurs et de douaniers à différents niveaux de la hiérarchie. A l'image de ce gérant d'un petit kiosque de tabac à Constantine qui est impliqué dans une grosse affaire de blanchiment de l'équivalent de 25 millions de dollars. Il est depuis quelques jours sur le collimateur de la Gendarmerie nationale. Les membres du CTRF se sont posés des questions sur la mission réelle impartie à la direction de la lutte contre la fraude au niveau de la direction générale des Douanes à Alger. «Vous devriez examiner les comptes bancaires de certains officiers de douanes et le patrimoine en leur nom ou celui de leurs proches. Vous auriez des surprises», les syndicalistes à l'origine des dénonciations n'ont pas voulu en dire davantage aux enquêteurs qui ont saisi le message. Pendant qu'au niveau des régions, particulièrement celles frontalières d'Est en Ouest et du Nord au Sud, les éléments des services de sécurité locale (police et gendarmerie) enquêtent, leurs homologues du CTRF ont mis au jour le scandale de la mutuelle des Douanes. Les activités de cette institution sociale des douaniers sont, inexplicablement, mises en veilleuse depuis une année. Une affaire de 17 milliards de dinars destinés à établir des assurances-vie des douaniers en serait la cause. Un assureur privé de la wilaya de Chlef aurait raflé le contrat. D'où les questionnements des uns et des autres douaniers sur la procédure mise en application pour la passation de ce marché. Pour débloquer la situation, le président de la mutuelle a demandé à sa tutelle de désigner un administrateur. Vainement puisque quatre mois après, ni Tayeb Louh, le ministre du Travail, ni celui des Finances n'ont répondu. Toutes ces affaires n'ont pas usé Abdou Mohamed Bouabdallah ,le directeur général des Douanes. Bien au contraire, puisque lui aussi a convoqué les membres de son Conseil pour une réunion de mise à plat de l'ensemble des problèmes qui secouent depuis des mois son institution. Connu pour sa droiture et son tempérament de meneurs d'hommes, il est certain qu'il arrivera à donner le coup de balai nécessaire pour redonner aux douanes algériennes toute son efficacité.