L'administration douanière s'est impliquée directement pour opérer une purge au sein d'une organisation syndicale et installer une nouvelle direction. L'opération a été menée par le directeur général des Douanes, Sid Ali Lebib, lors d'une assemblée générale extraordinaire du Syndicat national des Douanes (SND), tenue au siège même du ministère des Finances, en présence du ministre Mourad Medelci, du secrétaire général de l'UGTA Abdelmadjid Sidi Saïd et de deux secrétaires nationaux, Salah Djounhat et Boualem Bouzidi. C'est le ministre des Finances qui a ouvert les travaux de cette assemblée syndicale, pour déclarer par anticipation qu'elle « aura des résultats positifs aussi bien sur la performance économique que sur l'administration des Douanes ». Sid Ali Lebib, directeur général, dans un long discours, sans cesse applaudi par les conférenciers, a quant à lui exprimé son soutien à cette assemblée, en la qualifiant d'« élan positif ». Cette initiative, a-t-il noté, « reste animée par la volonté d'organiser les affaires internes du syndicat et dénote de sa conviction quant à aller vers un changement positif, la restructuration de l'action syndicale dans le cadre de la loi et de l'esprit syndical loin du clientélisme et de la politisation ». Pour lui, l'assemblée extraordinaire n'est en fait que le résultat d'« un mouvement de redressement qui complète la série d'opérations d'assainissement et de rétablissement entamées par les pouvoirs publics, à leur tête le président de la République, à tous les niveaux, et qui reflètent avec force la présence effective de la liberté syndicale ». Le patron des Douanes n'y est pas allé avec le dos de la cuillère en parlant de l'ancienne direction du SND, en disant que durant ce mandat, « il a été enregistré des comportements indignes de certains douaniers syndicalistes qui ont porté dangereusement atteinte à la crédibilité et à l'image du syndicat des Douanes ». Pour lui, cette situation « a failli se détériorer, n'étaient les décisions courageuses prises par le secrétariat national de l'UGTA afin de sauver la mise comme elle nous a habitués à le faire à chaque fois qu'elle est interpellée pour le faire ». Ces propos expliquent clairement les dessous de cette assemblée extraordinaire qui, pour reprendre les propos de Sid Ali Lebib, n'est autre qu'un « mouvement de redressement » destiné à éjecter les voix contestataires en violant toutes les règles qui régissent l'organisation syndicale. La première violation a été la tenue de cette conférence en l'absence de la Fédération des finances (FNTF), à laquelle appartient le SND qui, le 29 mars dernier, a saisi par écrit le secrétaire général chargé de l'organique au niveau de l'UGTA pour lui faire part de sa volonté de ne pas cautionner une telle démarche. Celle-ci est, a-t-il écrit, « en contradiction avec les décisions que nous avons arrêtées conjointement, notamment celles relatives à la prise en charge par la fédération des conférences nationales des syndicats d'entreprise ». Le secrétaire général de la fédération a donc estimé préférable de surseoir à la conférence, conformément au statut interne de l'UGTA. Ce texte a, faut-il le préciser, été violé par les organisateurs de cette conférence dans la mesure où ce règlement conditionne la tenue de la conférence à la présence de la fédération et à celle de la majorité des sections syndicales. Une entorse que Sidi Saïd a laissé faire. Lors de son intervention devant les douaniers, Sidi Saïd a expliqué sa décision par cette peur virtuelle d'une éventuelle dissolution du SND. « L'intention de dissoudre le syndicat des Douanes ne date pas de ce jour, eu égard aux problèmes que cet organisme a rencontrés, mais nous avons toujours défendu son maintien. » Après ces discours dignes des années de plomb, les officiels ont quitté la salle pour laisser place à l'élection d'un nouveau bureau national dont les noms étaient déjà connus bien avant. Ainsi, il a été procédé à l'élection d'un nouveau conseil national composé de 45 sièges, d'un bureau national constitué de 9 membres pour un mandat de quatre ans. Le nouveau secrétaire général, M. Charfa, occupait le poste de secrétaire général de la section syndicale de l'aéroport. Quant à l'ancien secrétaire général, Ahmed Badaoui, il a été interdit d'accès à cette assemblée. Il avait été suspendu de ses fonctions par son administration, puis de sa qualité de secrétaire général du SND par le secrétariat national de l'UGTA pour ses activités syndicales au sein de la coordination des syndicats des entreprises portuaires. Ahmed Badaoui avait appelé à une plus grande démocratisation de la centrale syndicale et à un audit de la gestion de l'administration douanière, ce qui n'a pas été du goût de ses responsables. Un mouvement de « redressement » né à l'intérieur même de la direction générale des douanes a appelé à son départ. Les initiateurs de ce mouvement ont finalement eu raison de lui, mais également de la liberté syndicale, puisque la nouvelle direction reste une création de l'administration et non de la base.