Au deuxième jour des élections générales en Egypte, les premières depuis la chute du régime de Hosni Moubarak, les avis restent mitigés sur l'issue de ce scrutin décisif pour l'avenir du pays, après le cycle de violences dans lequel il était plongé jusqu'à la veille même du vote. Si aucun résultat officiel n'est encore annoncé –le scrutin se déroulera en trois étapes qui vont s'étaler jusqu'à janvier prochain, la hantise d'une victoire écrasante des Frères musulmans et des partis politiques qui lui sont affiliés demeure au centre de toutes les analyses des médias locaux et internationaux, tous les indices accréditent l'option d'une déferlante de fondamentalistes. Les islamistes étaient très présents lors des dernières manifestations qui réclamaient un gouvernement de transition et le départ des militaires, au pouvoir depuis la démission de Moubarek. Les observateurs prévoient donc la victoire des islamistes qu'ils décrivent comme une fatalité, dans une conjoncture régionale marquée par une montée fulgurante de cette mouvance au moins dans deux pays de l'Afrique du Nord : la Tunisie et le Maroc à l'issue de scrutins largement salués par la communauté internationale. L'autre préoccupation a trait à l'instabilité politique et à la violence qui caractérisent cette transition. Pour nombre d'observateurs, la tenue d'élections régulières est susceptible de calmer la rue et de rétablir la stabilité et d'offrir une nouvelle légitimité aux autorités. La grande affluence des électeurs est révélatrice de cette prise de conscience des citoyens égyptiens qui veulent mettre un terme à une situation intenable. Pour les capitales occidentales, le succès de cette expérience les conforterait dans leur position très controversée en faveur des révolutions arabes. Mais, pour leur allié israélien, la situation se présenterait autrement. Pour Tel-Aviv, la situation trouble en Egypte conforte les doutes des dirigeants israéliens quant à la capacité du maréchal Hussein Tantaoui de contrôler la situation et de juguler la subversion anti-israélienne venant notamment de la bande de Ghaza. L'avènement d'un pouvoir islamiste au Caire compliquerait encore davantage cette relation et risque de conduire à une rupture des rapports privilégiés entre les deux pays, scellés par un pacte historique, -les accords de Camp David-, signé en 1978. Cela dit, pour les Egyptiens, un basculement dans l'islamisme risque, d'abord, de plonger le pays dans un cycle de régression et remettre en cause tous les acquis de progrès et de modernité qui ont fait de l'Egypte la locomotive du monde arabe dans les domaines notamment de la création culturelle. Il faut donc attendre le mois prochain pour voir se dessiner l'avenir de l'Egypte. Mais d'ici là beaucoup d'eau va couler sous les ponts. Car tout est encore fragile et rien n'est véritablement acquis.