Vingt-quatre heures séparent les égyptiens de leurs premières élections législatives après la chute de Moubarek. Un rendez-vous qui aurait pu être festif mais le développement de la situation et la reprise des manifestations ont en décidé autrement. C'est dans un climat de très haute tension, que se déroulera ce scrutin important. Maintenu par le pouvoir militaire, malgré les manifestations qui secouent le pays depuis plus d'une semaine, le scrutin du 28 novembre risque d'être émaillé de violences à travers le pays. Avec le décès d'un nouveau manifestant hier, le divorce semble être consommé entre les irréductibles de la mythique place Tahrir et le pouvoir militaire. Les manifestants refusent de négocier tout autre point que le transfert immédiat du pouvoir vers des civils. Les militaires en place, qui se disent garants de la laïcité de l'Etat, affirment qu'il est encore trop tôt pour faire cette passation. Jeudi, l'armée égyptienne avait écarté une nouvelle fois l'hypothèse d'un départ immédiat du pouvoir, des hauts gradés assurant que cela reviendrait à «trahir le peuple». Le CSFA qui dirige le pays depuis la chute de Hosni Moubarak a assuré à plusieurs reprises que le scrutin se tiendrait à la date prévue. Vendredi, le CSFA a nommé Kamal El-Ganzouri comme nouveau Premier ministre en remplacement d'Essam Charaf, démissionnaire. Mais le choix de cet ancien chef du gouvernement sous Hosni Moubarak a immédiatement été rejeté par les manifestants. Le pouvoir militaire va-t-il recourir à d'autres outsiders pour calmer les esprits ? Tout porte à le croire. La concertation entre le chef de l'armée avec Mohamed El Baradei et Amr Moussa, deux personnalités dont les noms sont évoqués par les manifestants de Tahrir pour diriger un gouvernement de «salut national», semble s'inscrire dans cette synergie. Le maréchal Tantaoui a, rappelons-le, annoncé mardi une présidentielle avant fin juin, qui permettra à l'armée de remettre le pouvoir exécutif à un chef d'Etat élu, mais les manifestants estiment cette annonce insuffisante. La chef de la diplomatie de l'Union Européenne, Catherine Ashton a demandé hier, que les violences cessent en Egypte et que la primauté du droit soit maintenue avant le début du vote lundi, au lendemain d'un appel de Washington à un «transfert complet de pouvoir à un gouvernement civil». Plus de 100 000 Egyptiens de l'étranger, privés du droit de vote sous le régime Moubarak, auraient déjà voté dans le cadre des législatives étalées sur trois tours et pour lesquelles quelque 40 millions d'électeurs sont appelés à voter, selon le gouvernement. Ils doivent élire 498 membres de l'Assemblée du peuple (Chambre des députés), tandis que 10 autres seront nommés par le maréchal Tantaoui. Force politique la mieux organisée du pays, la confrérie des Frères musulmans, qui boycotte les manifestations à Tahrir, semble être en pole position dans ce scrutin. G. H.