Transparency International, dans son rapport du 1er décembre pour l'indice annuel de perception de la corruption, rétrograde l'Algérie de sept places. Sur les 183 pays classés, l'Algérie arrive à la 112e place, avec une note de 2,9 sur 10, en précisant que, selon les critères retenus, une note inférieure à 3 sur 10 indique que le pays connaît un haut niveau de corruption au sein des institutions de l'Etat. 4- L'intégration de la sphère informelle selon une vision cohérente, dont la délivrance facile des titres de propriété, doit aller de pair avec une participation plus citoyenne de la société civile et devrait favoriser la légitimité de tout Etat du fait qu'elle permettra à la fois de diminuer le poids de la corruption à travers les réseaux diffus et le paiement des impôts directs qui constituent le signe évident d'une plus grande citoyenneté. II- Les deux éléments fondamentaux caractérisant le fonctionnement de l'Etat de droit et l'économie de marché concurrentielle Premier élément : la confiance est à la base des échanges : des interviews précises réalisées par De Soto, un des plus grand spécialistes dans ce domaine, montrent qu'à une question en Suède : «Est-ce que vous faites confiance aux autres Suédois?», la réponse est que 65% des Suédois disent oui, je fais confiance à un autre Suédois». Aux Etats-Unis, presque 54% des Américains disent oui, je fais confiance aux autres Nord-Américains. Quand on arrive au Brésil, c'est seulement 8% qui font confiance aux autres Brésiliens. Au Pérou, c'est 6%, et les Argentins, entre 1 et 2%. Qu'en est-il en Algérie où le cash prédomine dans toutes les transactions internes ? Dans les pays développés, la carte de crédit donne un droit de transaction alors que dans la plupart des pays en voie de développement, est exigé souvent le liquide avec une intermédiation informelle qui traduit la faiblesse de toute politique monétaire interne de l'Etat. Et là, on revient à la confiance. Le deuxième élément est la relation dialectique entre économie de marché, Etat de droit et l'existence des titres de propriété. La question qu'il y a lieu de se poser est la suivante : s'il y a des actifs immatériels et physiques en Algérie, combien de ceux-là ont un titre reconnu par l'Etat ? C'est toute la problématique de la construction de l'économie de marché et, d'une manière générale, la construction de l'Etat qui est posée. Là aussi les enquêtes de Hernando De Soto peuvent être des indicateurs importants pour réorienter la politique économique et sociale algérienne. En Egypte, objet d'enquêtes précises de l'auteur pour le gouvernement de ce pays, de la période de Nasser à 2004, les entrepreneurs ont créé quatre millions sept cent mille bâtiments sur des terrains agricoles illégalement. Donc, ces 4 700 000 bâtiments sans titre sont du capital mort bien qu'ils représentent une valeur estimée par l'auteur à 50 milliards de dollars de 2004, sans pouvoir les hypothéquer ni les utiliser comme garantie, sans que les banquiers sachent à qui ils peuvent prêter. Selon les estimations de l'auteur, 92% de la construction en Egypte est hors la loi, et 88% de la production industrielle se trouve dans la sphère informelle, avec un capital mort estimé à environ 245 milliards de dollars US. C'est 55 fois plus grand que tout l'investissement privé de toute l'Egypte depuis l'époque de Napoléon, y compris le canal de Suez et le barrage de Aswan, 30 fois plus grand que la Bourse de valeur du Caire. Cela a des incidences sur la gestion de l'Etat qui ne sait plus planifier les besoins en eau potable, en électricité, gaz, téléphone, conduite d'évacuation et autres prestations de services. Autre élément significatif des enquêtes de l'auteur : combien de temps cela prend-il si vous voulez acheter les droits, c'est-à-dire la délivrance de titres de propriété? Si vous devez respecter le cheminement de tous les circuits (à cela s'ajoutent la faiblesse de la culture économique et politique du simple citoyen ainsi que l'amoncellement de tous les dossiers en litige au niveau des institutions du pays qui souvent ne sont pas informatisées), l'ensemble des démarches (longs circuits) pour avoir un titre légal prend 17 années en Egypte, 21 ans au Pérou et pour les Philippines 25 ans. Il y a lieu, également, de mesurer le temps pris en moyenne pour éviter la destruction et donc marchander avec la bureaucratie (corruption). Ainsi, un Egyptien passe entre 3 et 6 années de sa vie dans ce marchandage. Il serait intéressant que nos sociologues fassent une enquête pour le cas algérien. En conclusion, il faut éviter toute vision illusionniste. Car réformer le droit de propriété n'est pas une question de registre foncier. 5- Il faut intégrer toutes les procédures, y compris celles du droit coutumier, car existant des codifications au sein de cette sphère informelle. Dans la plupart des pays, ce sont des notables qui établissent des actes non reconnus, certes, par l'Etat, mais qui ont valeur de transaction au sein de cette sphère informelle. On peut émettre l'hypothèse que c'est l'Etat qui est en retard par rapport à la société qui enfante des règles qui lui permettent de fonctionner. En fait, l'importance de cette sphère informelle pose tout un problème politique. Où est la crédibilité d'un Etat qui ne contrôle que 30 à 40% des activités économiques ? Cela n'explique-t-il pas la difficulté de construire un Etat de droit? Cela ne signifie pas à travers les expériences historiques qu'il ne peut y avoir d'économie de marché sans démocratie. En effet nous avons assisté à une économie de marché très forte en Amérique latine, notamment celle du Chili, venue à travers Pinochet, et actuellement en Chine. Il en est de même en Asie - à Singapour ou en Corée du Sud. Mais dans la plupart des cas, cela été l'échec en raison notamment de la corruption généralisée du fait de la faiblesse des contrepoids démocratiques. Aussi la majorité des pays (avec des variantes options libérales ou social-démocrates et régimes présidentiels ou parlementaires) a opté pour des régimes démocratiques, avec une participation plus active de la femme, comme l'Occident, l'Asie, récemment la plupart des pays de l'ex-camp soviétique et depuis une décennie la plupart des pays d'Amérique latine, les pays arabes et surtout d'Afrique étant les plus en retard, (la Chine étant une exception allant vers une libéralisation progressive maîtrisée). Ainsi je reste persuadé à travers les expériences historiques que la vision autoritaire n'est pas soutenable sans la démocratie. Car avec le temps, et du fait des mutations mondiales, la dynamique socioéconomique engendrera de nouvelles forces sociales avec de nouvelles exigences, donc plus de liberté et de participation à la gestion de la Cité. (Suite et fin)