Les violentes ruptures politiques qui sont survenues en Tunisie puis en Libye et au Maroc ont profondément changé la carte géopolitique du monde arabe. D'aucuns trouveront paradoxal qu'au Maghreb, seule l'Algérie parvient à garder son calme et sa stabilité. Il n'y a pas de secret car depuis longtemps, ce pays a dépassé son étape sanglante et son peuple connaît parfaitement le montant de la facture payée. Tout en évaluant la valeur des dividendes qui lui sont revenus. C'est peu dire qu'ils ont été nettement en deçà des espoirs nourris tout au long d'une décennie. D'ailleurs, ses plus hauts responsables politiques affichent leur détermination à ne laisser subsister aucune faille. Comme l'a récemment souligné le président Abdelaziz Bouteflika, «il n'est plus possible de revenir aux expériences que nous avons vécues il y a des décennies». Cela sans pour autant croire que ce stratégique maillon du Maghreb n'est pas soucieux des événements qui ont secoué ou qui secouent encore son environnement politique. La Tunisie et le Royaume du Maroc s'installent doucement dans une stabilité qui donne beaucoup d'espoirs mais, ce n'est malheureusement pas le cas de la Libye, à laquelle le Président semblait faire allusion. «L'Algérie est forcément influencée par ce qui se passe autour d'elle mais elle peut aussi influencer les autres.» Il y a lieu de remarquer que les événements qui se déroulent en Egypte et en Syrie sont presque totalement exclus du discours politique dans les quatre pays du Maghreb. Nos réflexions sont donc plus orientées vers une relance de l'Union du Maghreb. Un objectif fondamental qui permettra sans doute d'aspirer à une meilleure stabilité sur les plans politique, économique et sécuritaire. Tout de suite après la victoire du mouvement Ennahda en Tunisie, la première sortie de Rached Ghannouchi a été sa visite en Algérie. Une occasion d'affirmer les fortes intentions de son pays de renforcer ses liens fraternels avec l'Algérie mais aussi les autres pays de la région. Il sera imité par le nouveau Premier ministre marocain, Abdelillah Benkirane. Juste après sa nomination au poste de Premier ministre, le 29 novembre dernier par le roi Mohamed VI. Ce dernier est allé plus loin en ouvrant le sujet tabou du Sahara occidental auquel il estime possible de trouver des solutions. Ses déclarations semblent avoir été fortement appréciées en Algérie puisque le ministre des Affaires étrangères de ce pays ne tardera pas à encourager en mettant l'accent sur le fait que l'Union du Maghreb est l'espoir même des peuples de la région. «C'est l'espoir de tous les Maghrébins sans exception, peuples et gouvernements.» Sans la moindre nuance, le diplomate algérien a même émis un message portant sur la réalité qui veut que les relations de son pays avec le Maroc «sont le fondement de la politique horizontale et stratégique, même si les problèmes de ces dernières années ont ralenti la coopération entre les deux pays.» Est-ce donc le dégel tant attendu ? La question semble déjà résolue. Il reste cependant à désamorcer cette mine du Sahara occidental qu'il est temps de traiter loin des pressions exogènes tout comme le problème de la sécurité de toute la région. Ce à quoi pense peut-être le président Bouteflika quand il dit que le peuple algérien fera ce qu'il décidera lui-même tout en soulignant que ce peuple a arraché son indépendance de haute lutte et qu'il n'acceptera pas de marchander cette indépendance. Un rappel très significatif au moment où le pays s'est nettement impliqué en déclenchant une offensive sur les plans diplomatiques et militaires avec les pays sud-sahariens, à savoir le Mali, la Mauritanie et le Niger. Il va sans dire qu'il ne viendrait pas à l'idée des deux autres pays du Maghreb de contester cette position. Sur le plan de la sécurité, le Maroc a été la cible de sévères attentats ayant commis des morts parmi la population civile. On espère qu'il restera à l'abri d'autres actions qui auront un impact très négatif. Chez les Tunisiens, même si les effets de ces actions terroristes sont nuls, on espère que cela dure mais il ne faut pas négliger l'activisme frontalier de certains énergumènes en provenance de la Libye. Les inquiétudes ne doivent pas être exagérées mais il n'empêche que les autorités de l'après-schizophrénie kadhafiste parviennent à maîtriser leur situation intérieure, qui reste explosive tant à Misrata qu'à Benghazi, le fief même de la révolte. C'est une condition vitale pour la reconstruction de l'Union du Maghreb arabe qui a d'ailleurs été tout le temps déstabilisée par le défunt colonel qui est allé jusqu'à constituer des groupes armés pour attaquer ses voisins et s'introniser roi de l'Afrique. N'avait-il pas obligé l'aviation d'un pays voisin d'intervenir à l'intérieur même de son territoire pour en arriver après jusqu'à revendiquer une partie du voisin, la Tunisie. La tâche de son homme fort, issu du conseil de transition Mustapha Abdeljalil ne s'annonce pas facile. En conclusion, la légitimité de ces espoirs est incontestable. Pourvu seulement que le pays central, c'est-à-dire l'Algérie puisse traverser la cruciale étape des législatives avec la sagesse requise.