A l'occasion de la nouvelle année 2012, permettez-moi de faire un vœu peut-être utopique : puisse le monde connaître une paix durable. Et selon Xavier Timbeau, directeur du département analyse et prévision de l'OFCE, «nous ne sommes pas mieux armés. Fin 2008, le message était encore de dire que l'Europe serait peu touchée, alors qu'elle était déjà entrée en récession à l'été, en même temps que les Etats-Unis». La crise a également «relancé le débat sur la façon de mener les politiques conjoncturelles», prédit Xavier Timbeau. Mathilde Lemoine, directrice des études économiques chez HSBC France. L'Américain Paul Krugman, néo-keynésien, qui a obtenu, en 2008, le prix Nobel d'économie pour ses travaux sur le libre échange et la mondialisation, a dénoncé dans sa colonne quotidienne du New York Times le 19 août 2010 le culte de «dieux invisibles» dans les appels à réduire les dépenses budgétaires pour contrer la hausse de la dette publique dans les pays occidentaux. Les dieux invisibles sont, selon M. Krugman, les investisseurs sur le marché des emprunts d'Etat, dont il trouve l'influence exagérée, invoquant, selon lui, les conséquences catastrophiques des programmes d'austérité en Grèce et en Irlande. Toujours selon le même économiste, dans sa conférence le 10 août 2009 à Kuala Lumpur (Malaisie), devant un forum international dechefs d'entreprise, «le monde a échappé à une grande dépression mais cela va prendre au moins deux ans minimum sinon plus, avant que l'économie mondiale ne se redresse totalement sous réserve de thérapeutiques efficaces, ce qui n'est pas évident et que même si le pire de la crise financière soit passé, le monde fait face maintenant à un ralentissement économique durable». Et à une question posée, il affirmera humblement que les gouvernants et les économistes sont désemparés faute d'un nouveau modèle tenant compte de la complexité du monde actuel. Ce conflit des doctrines ayant des impacts sur les politiques économiques est résumé par Nouriel Roubini, économiste, professeur d'économie à l'Université de New York, qui avait prédit avec précision en 2006 la crise d'octobre 2008, dans son dernier ouvrage ( 2010) en collaboration avec Stephen Mihm, professeur d'histoire à l'Université de Géorgie, qui redoute qu'un retour prématuré à la discipline budgétaire n'étouffe la reprise économique qui s'amor-ce, mais le problème des dettes publiques excessives n'étant pas la solution, et ce, à partir d'une analyse poussée des différentes doctrines économiques entre les «keynésiens», les «marxistes», les «néo-libéraux» les «monétaristes» dont Milton Friedman et ses disciples , les Chicago Boys et les «Autrichiens», donc une profonde divergence de la théorie économique face à la crise, interprétant chacun les événements économiques d'après leur con-ception de l'homme et du monde et de conclure , je le cite : «Seule une méthode globale permet de comprendre la crise. «Il nous faut déposer notre idéologie au vestiaire et considérer le problème calmement. Les crises peuvent prendre des formes très diverses, et ce qui est adéquat dans une situation déterminée peut ne pas fonctionner dans une autre. La situation actuelle est insupportable et dangereuse et con-duira au chaos si l'on n'entreprend pas de réformes profondes. Si les Etats-Unis ne mettent pas de l'ordre dans leur budget et ne font pas davantage d'économies, ils vont au-devant de problèmes douloureux. Pour l'Europe, la majorité des pays seront tôt ou tard menacés d'insolvabilité. Ces chocs vont bouleverser une nouvelle fois l'économie mondiale. Pour preuve de cette mésentente entre les économistes, des propositions qui ne s'attaquent pas à l'essentiel lors des différentes réunions du G20 représentant 85% du PIB mondial et les deux tiers de la population mondiale. Ces réunions ont évité d'aborder des sujets qui fâchent comme la suprématie du dollar, la refonte des relations économiques et financières internationales. Elles ne sont pas parvenues à avancer sur des sujets aussi complexes tels que la protection de l'environnement et le rythme de retrait des plans de relance. Ces difficultés posent clairement la question de la méthode de gouvernance mondiale et du processus de prise de décision à vingt pays. Or, outre le fait de se poser la question si face à la crise mondiale qui est structurelle et non conjoncturelle, les politiques contradictoires en l'espace de deux années, des dépenses publiques dites néo-keynésiennes avec un rôle central à l'Etat régulateur courant 2009 et celles plus monétaristes depuis le début 2010 avec les restrictions budgétaires, s'avéreront-elles efficaces ? Le prix Nobel d'économie de 2001 Joseph Stiglitz estime que ces actions ne sont qu'une solution à court terme, les comparant à «une transfusion sanguine massive à une personne souffrant d'une grave hémorragie interne». Comme le notait avec pertinence l'économiste Jean-Marc Vittori dans le journal financier français les Echos en date du 10 juin 2009, je cite : «Il flotte comme un étrange parfum d'irréalité. Alors que le monde entier affronte une profonde récession après avoir encaissé un choc financier colossal, tout se passe comme si la page avait déjà été tournée. Même s'il serait plus agréable de proclamer que la crise est finie, force est de constater qu'elle ne fait que commencer. La dette fait des trous partout, dans les comptes des entreprises, des particuliers, des Etats. Nous nous comportons comme un malade qui sortirait de l'hôpital juste après avoir réchappé d'un infarctus, sans avoir changé ni son régime alimentaire ni son mode de vie, sans même avoir fait les examens nécessaires pour vérifier qu'il ne court plus de risque à court terme. Nous n'avons pas tiré les leçons de la crise. Au risque de subir très vite un choc encore plus grand. Car les gouvernements n'ont pas voulu examiner les origines de la crise, et d'autre part, ils ne sont pas prêts à renoncer aux « instruments financiers novateurs (LBO, dérivés, titrisations,) qui sont en partie à l'origine de la crise ». Ce retour aux parachutes dorés est mis en relief par Günther Bräunig, membre du conseil de la Banque de reconstruction allemande (KfW), lors d'une conférence sur la finance à Francfort, le 6 juin 2009, pour qui les banques recommençant à nouveau à offrir des titrisations, c'est-à-dire la vente d'obligations de crédit qui leur sont liées, en faisant miroiter de fortes rémunérations, qui ne sont offertes que sur les marchés à très hauts risques. Sans croissance, l'inflation est- elle la solution pour éponger la dette publique ? Concernant la situation spatio-temporelle de la dette publique, les différents Etats au cours de leur histoire ont souvent eu recours à la dette pour faire face à de fortes dépenses, comme les guerres par exemple, mais après des périodes de fortes augmentations, la part de la dette dans le PIB a été rapidement réduite, principalement en raison d'une forte hausse de l'inflation qui réduit la valeur réelle de la dette, et d'une croissance forte du PIB. Le recours à la dévaluation a également été pratiqué, y compris à des moments de l'histoire où la monétisation des échanges n'était pas forcément la règle. En effet, les Etats développés misent sur une forte croissance pour pouvoir réduire les déficits budgétaires et diminuer l'endettement public, mais si la croissance ne dépasse pas 1 à 2% par an sur les années à venir, comment rembourser la dette? Il existe certes d'autres options pour réduire la dette publique, comme la pression fiscale, mais le risque est la récession à la lumière de l'expérience nipponne de 1996 de la réduction des dépenses publiques et se heurtant aux mouvements sociaux. (A suivre)