L'économie de marché, terme employé pour désigner une économie où les prix et les quantités produites sont essentiellement le fruit de la confrontation de l'offre et de la demande. Cette notion est opposée à celle d'économie planifiée. Le débat sur l'économie de marché est récurrent et renvoie à celui du rôle de l'Etat. Le rôle de l'Etat en économie de marché En premier lieu, la nature des activités qui doivent relever de la responsabilité de l'Etat plutôt que des individus donne lieu à une grande variété d'interprétations et dépend pour une grande part de la perception qu'ont les individus de la notion de droit fondamental. Si l'on considère que le droit d'être protégé est un droit fondamental, l'Etat devra rendre ce droit effectif par la création de services d'ordre. L'Etat n'a pas, en revanche, de devoir de protection envers certains intérêts particuliers, ce qui peut laisser place à un secteur marchand de la sécurité. Des entreprises privées fournissent ainsi de nombreux services de surveillance, mais n'ont pas un rôle de protection générale des citoyens. Il est en fait difficile de tracer une frontière exacte entre ce qui relève, ou devrait relever, de la responsabilité de l'Etat et ce qui est, ou devrait être, du domaine du marché. Le secteur médical pose le même type de problème : tout individu peut recourir à des services médicaux privés, mais dans un grand nombre de pays on estime que l'Etat doit garantir à tous les citoyens l'accès aux soins quels que soient leurs revenus en raison de l'existence d'un droit à la vie, voire d'un droit à la santé. Les mêmes considérations peuvent également s'appliquer à l'éducation, à la culture ou à diverses autres activités. Dans un grand nombre de pays où prévaut une économie de marché, l'Etat peut être responsable d'autres activités telles que le transport ferroviaire, les services postaux, la production et la distribution de gaz et d'électricité, etc. Ce secteur public est particulièrement important en France, mais il est d'un poids nettement moindre aux Etats-Unis, par exemple. Quand ces activités relèvent du secteur privé, elles sont le plus souvent soumises à une réglementation étatique visant à empêcher que ces situations de monopole n'entraînent des profits excessifs. Les limites La liberté, dont jouissent les secteurs privés de l'économie, est la plupart du temps encadrée par une réglementation. Elle correspond à une conception philosophique et politique largement acceptée selon laquelle il est nécessaire de restreindre la liberté des individus lorsque l'exercice de celle-ci risque de porter préjudice à celle des autres. La liberté économique est en particulier limitée par le devoir de respecter la propriété d'autrui ou les engagements contractuels. Néanmoins, la réglementation de l'Etat va généralement beaucoup plus loin, afin d'assurer la prééminence des droits fondamentaux. La liberté de recrutement des entreprises est ainsi soumise à l'interdiction de faire travailler des enfants ou de recourir à l'esclavage. Elles ne peuvent commercialiser des produits dangereux pour la santé des consommateurs, bien que ceux-ci soient libres de consommer ce qu'ils veulent. Elles ne peuvent non plus émettre des substances toxiques dans l'atmosphère ou dans les cours d'eau. Ainsi, parce que les points de vue divergent sur la nature des activités qui doivent être exercées par l'Etat et sur l'étendue de la réglementation applicable au secteur privé, il est difficile d'élaborer une définition objective ou normative de l'économie de marché. La réalité que recouvre l'expression « économie de marché » peut ainsi varier fortement entre les différents pays qui s'en réclament. On peut toutefois estimer qu'il n'existe pas d'économie de marché pure, c'est-à-dire exempte de toute intervention de l'Etat. La difficulté d'élaborer un modèle de l'économie de marché est en outre exacerbée par les controverses relatives à ses bienfaits. Les aspects positifs Dans la philosophie occidentale, on considère en effet qu'une société est bonne si les individus supportent et acceptent la responsabilité de leurs actes, ce qui suppose de leur laisser une grande responsabilité en matière économique, d'autant plus nécessaire qu'elle serait l'un des garants de la liberté politique. La tradition libérale veut également que la liberté soit plus efficace du point de vue économique, car, en poursuivant des intérêts propres et apparemment sans cohérence entre eux, les individus permettent d'atteindre une situation collective optimale grâce au mécanisme de marché (c'est la théorie de la main invisible d'Adam Smith). En effet, le marché permet une allocation optimale des ressources en les orientant vers les usages les plus productifs et incite les entreprises à produire les biens et services qui correspondent à une demande des consommateurs tout en maximisant leur profit. L'intervention de l'Etat est considérée avec suspicion et, sans être totalement exclue, elle doit être limitée à certains cas précis. Cette analyse a été récemment confortée par l'effondrement du bloc communiste. L'état de délabrement des économies socialistes a mis en évidence les effets économiques néfastes d'une intervention excessive de l'Etat qui s'appuyait sur la propriété collective des moyens de production, la centralisation et la planification de l'économie. Les aspects négatifs A contrario, l'économie de marché est souvent critiquée pour l'injustice qu'elle entraîne en termes de répartition de revenus et pour son absence de préoccupation humanitaire visant à soulager la pauvreté. Le libéralisme qui prévalait au XIXe siècle a ainsi été tempéré par l'élaboration de systèmes de protection sociale durant le XXe siècle, plus particulièrement après la Seconde Guerre mondiale. Il est également reproché à l'économie de marché de permettre une vaste accumulation de richesses au bénéfice d'un petit nombre dont les intérêts et le poids économique peuvent porter atteinte à la liberté publique. C'est pourquoi l'existence d'une économie de marché n'exclut pas, voire nécessite, la protection des libertés politiques et des valeurs sociales. Dangers et limites de l'Etat-providence S'opposant à deux des principales idées keynésiennes - d'une part l'Etat doit, par son intervention, se substituer aux défaillances du marché au niveau de la production et de la politique de redistribution des revenus et, d'autre part, les autorités publiques doivent, grâce aux instruments de la politique monétaire et budgétaire, agir sur la conjoncture -, les tenants de l'économie de l'offre dénoncent le jeu de l'Etat dans l'économie. Selon eux, les effets pervers de l'action publique supplantent la pureté des intentions originelles : le poids des dépenses d'intervention, qui se traduit par une pression fiscale accrue, mobilise en effet une part toujours plus importante de capitaux (via les déficits budgétaires et les emprunts contractés en vue de leur remboursement) qui ne trouvent pas leur place dans le circuit économique. La courbe de Laffer, fondement théorique de cette argumentation, démontre qu'au-delà d'un certain taux d'imposition, l'effet dissuasif est tel qu'il décourage le travail et réduit les recettes de l'Etat. Les néo-libéraux privilégient donc, dans le cadre de la devise « Laisser faire, laisser aller » défendue par Adam Smith - De la richesse des nations (1776) -, le retour à un Etat « minimal » qui se cantonnerait à assurer des fonctions régaliennes (police et sûreté), qu'il assumerait ainsi d'une manière plus efficace. Les vertus du marché apparaissent en outre plus adaptées à l'économie moderne dans un contexte où les préceptes keynésiens sont impuissants à résoudre la crise qui touche les pays industrialisés depuis les années 1970 (déficits des comptes publics, fort taux de chômage, inflation élevée). Monétarisme et dépense publique Le monétarisme, doctrine économique d'inspiration néoclassique marquée par la personnalité de Milton Friedman. Milton Friedman, cet économiste américain né à Brooklyn en 1912, est l'un des principaux animateurs du courant monétariste et fondateur de « l'Ecole de Chicago ». Ses travaux, récompensés par l'attribution du prix Nobel d'économie en 1976, sont essentiellement consacrés à l'étude des phénomènes monétaires. Selon le monétarisme, ce sont les variations de la masse monétaire qui expliquent l'évolution du revenu national nominal, et le niveau d'inflation ne serait imputable qu'à la seule abondance des moyens de paiement. Le courant monétariste s'est développé en réaction aux politiques économiques d'inspiration keynésienne, impuissantes à résoudre la crise que connaissent les pays industrialisés depuis les années 1970. L'augmentation de la dépense publique qui caractérise tout processus de relance keynésien ne peut, aux yeux des monétaristes, accroître la demande globale et, par conséquent, le revenu, contrairement à ce qu'enseigne l'auteur de la Théorie générale. Elle ne saurait engendrer au mieux qu'un effet d'éviction, l'Etat diminuant, par l'impôt, l'emprunt ou l'inflation, la part de la dépense privée pour mieux augmenter la sienne. C'est ainsi que les monétaristes condamnent l'héritage de Keynes, dont la réflexion théorique ne permet pas d'expliquer la situation que vivent les pays industrialisés, qui ont connu, plus particulièrement dans les années 1970-1980, à la fois un fort taux de chômage et une forte inflation, coexistence de deux maux qui opposent un sérieux démenti à la Théorie générale ainsi qu'à la courbe de Philips. L'apport théorique de Milton Friedman Le monétarisme friedmanien se caractérise par la prépondérance accordée aux phénomènes monétaires envisagés comme causes de perturbations de l'équilibre et de la croissance économique. A ce premier credo s'ajoute une foi inébranlable dans les vertus des mécanismes de marché, toute politique interventionniste étant, par nature, déstabilisante et inefficace en raison des effets d'éviction précités. Le monétarisme est donc un courant fondamentalement libéral. Monnaie et inflation Le point de départ des théories monétaristes se fonde sur une nouvelle interprétation de la théorie quantitative de la monnaie qui établit une relation causale entre inflation et émission monétaire, une relation que Friedman résume en ces termes : « L'inflation est toujours et partout un phénomène monétaire. » Les facteurs réels à l'origine de l'inflation des coûts ou de la demande sont à ses yeux négligeables, puisque seules les manipulations monétaires menées par les gouvernements expliquent l'augmentation du niveau général des prix et, par là même, la diminution du revenu national. Pour Milton Friedman, toute augmentation de la quantité de monnaie en circulation crée, dans un premier temps, un supplément de dépense qui engendre une hausse du niveau des prix, « dont les agents économiques tardent à prendre conscience ». Cette augmentation de la dépense entraîne un surcroît de demande qui engendre à son tour une hausse de l'embauche pour satisfaire cette demande excédentaire ; le mécanisme décrit par la courbe de Philips envisage de la même façon le troc d'une baisse du chômage contre une hausse des prix. La spécificité de l'argumentation de Friedman tient à « l'illusion monétaire » dont ont été victimes les détenteurs de revenus. Constatant l'augmentation des prix, leurs revendications de retour au pouvoir d'achat antérieur passent par une augmentation des rémunérations qui grèvent le coût réel de production des entreprises contraintes de comprimer le volume d'emplois ; l'emploi n'a donc pas véritablement augmenté, tandis que l'inflation s'est parallèlement accrue. Ainsi, l'inflation a bien sa source dans une manipulation monétaire engagée au nom de la relance de l'activité et dont le résultat est exactement inverse aux effets recherchés, c'est pourquoi les pouvoirs publics sont invités à mener des politiques monétaires dites restrictives, visant à contenir toute expansion de la quantité de monnaie en circulation dans l'économie. C'est pour ces raisons que la réévaluation de la monnaie nationale ne peut être considérée comme une « idée de riche » mais une idée de pauvre enrichissante « pour les riches », les pauvres étant majoritaires. Aussi la diminution de la TVA aura un effet correcteur du pouvoir d'achat des salariés sans augmenter la masse monétaire. Conclusions Le monétarisme ou le renouveau libéral 1- Les dangers de l'interventionnisme étatique La mise en garde contre certaines politiques monétaires sert de fondement à une critique générale contre toute intervention de l'Etat dans l'économie, l'interventionnisme monétaire ou budgétaire étant, par essence, inflationniste et inefficace en termes de croissance. Les politiques monétaires menées depuis le début des années 1980 environ dans les pays occidentaux se sont ralliées à cette condition de maîtrise de la progression des agrégats monétaires, créant une rigueur nouvelle et condamnant l'échappatoire devenue classique des stratégies de déficit monétaire et budgétaire, à savoir la création monétaire. 2- L'économie de l'offre Ce corpus théorique monétariste a également inspiré les tenants de l'économie de l'offre (sorte de « déclinaison » théorique du monétarisme), qui dénoncent également les effets pervers de toute intervention de l'Etat dans l'économie. L'équilibre sur les marchés des biens, comme sur le marché du travail, ne peut être vertueux que dans le cadre d'une économie de concurrence obéissant aux règles d'allocation optimale des ressources, issue des mécanismes de marché. Tout déficit public est donc nécessairement condamnable, proposition illustrée par la courbe de Laffer, qui a servi d'étendard à une « révolte fiscale » dénonçant le poids des prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises et les consommateurs (agents économiques « dépositaires » de l'offre). Cette courbe en « cloche » démontre qu'au-delà d'un taux d'imposition maximum, l'impôt dévore la matière imposable ; en d'autres termes, plus l'impôt augmente, moins il rapporte et, fixé à une limite extrême, un taux d'imposition de 100% décourage toute production et ne rapporte rien. 3- Les limites du monétarisme Le monétarisme a été, en quelque sorte, victime de son succès en ce sens qu'il a acquis le statut de dogme constitutif d'une pensée unique aujourd'hui combattue. Les critiques qui dénoncent « l'obsession monétaire » sont en effet nombreuses et stigmatisent une politique qui est parvenue à maîtriser l'inflation, mais qui reste impuissante à régler le problème du chômage, devenu aujourd'hui la première source de déséquilibre des économies occidentales. Par Benahmed Sadek Berkane Consultant Bibliographie : Livres d'auteurs cités, Cours d'économie monétaire, ENA Alger d'Ilmane Mohamed Chérif, ancien vice-gouverneur de la Banque d'Algérie, divers articles de presse nationale et étrangère.