L'eau dans la wilaya d'Adrar demeure un facteur primordial de tout développement des activités humaines. Les systèmes traditionnels de captage et d'irrigation par le moyen des foggara témoignent du génie humain dans le domaine de l'hydraulique. La foggara est une conduite d'eau souterraine destinée à la consommation et aux besoins des habitants mais aussi à l'irrigation de la palmeraie qui comprend, bien entendu, le lopin de terre réservé à la culture de légumes. Les foggaras sont orientées dans le sens sud-nord, c'est un ouvrage hydraulique qui réduit au maximum l'évaporation grâce à l'utilisation de galeries souterraines qui permettent de drainer l'eau du sous-sol et de l'amener par gravité à partir d'une succession de puits d'aération jusqu'à ce qu'elle soit parvenue aux champs pour sa répartition et sa distribution. Il faut préciser que la foggara traverse d'abord le ksar pour parvenir aux champs. L'eau est ainsi récupérée dans un majen, grand bassin qui sert à retenir cette eau pour l'utiliser plus tard. Mais cette eau jaillissante qui sert à étancher la soif des plantes et des humains nécessite un travail sans relâche et une opération inlassable qui se renouvelle au moins une fois par an. On compte 1 400 foggaras dans la wilaya d'Adrar dont un tiers est à l'abandon par défaut d'entretien, les canalisations étant obstruées. Généralement, on fait appel à un groupe de connaisseurs, habitués à ce travail pénible et éreintant. Il faut descendre dans chaque foggara. Puis à l'aide d'une corde et d'un seau solidement attachée et dans un geste mécanique, c'est une corvée sans relâche qui attend nos volontaires puisque le travail ou plutôt le curetage de la foggara, enlever la boue, se fait sous forme de touiza. La touiza nécessite quelques bras vigoureux, munis de houes, chargés de cette opération délicate sans aucun engagement de la part du propriétaire si ce n'est le repas proposé. Ici, l'entraide est courante et fait partie des coutumes. Sous le gémissement plaintif de la poulie fixée au milieu de la foggara, le seau est remonté et vidé de son contenu jusqu'à ce que l'eau retrouve son cours normal. Cette tâche, qui peut prendre des heures à cause des nombreux puits à curer, vous épuise mais procure une joie immense, un bonheur se lit sur les visages. Cette eau qui coule à nouveau librement est comme le sang qui parcourt les veines. La profondeur de la foggara peut parfois aller jusqu'à 30 m. Ce travail tisse des liens qui se résument par la fête (déguster un couscous dans le même plat) et par le travail qui sert à assurer la pérennité. Si les travaux sont fastidieux et éprouvants, la relève est assurée, puisque les jeunes, conscients du besoin crucial de cette eau bienfaitrice, accomplissent sans rechigner les gestes rituels. Une fois le travail (curetage) terminé, une seguia distribue cette eau par le biais de kesria vers des seguia plus petites. Le partage de l'eau est matérialisé par des peignes placés en travers des canaux d'irrigation. Cheikh El-Khalfi ou kial el ma demeure, sans contestation, l'homme à qui l'on confie cette tâche délicate et mathématique car il s'agit de noter et de mesurer la quantité d'eau qui revient à chacun selon le montant versé. Le fonctionnement du débit de l'eau est contrôlé par un kial, lequel détermine la quantité d'eau. Une trouvaille extraordinaire qui continue d'émerveiller à ce jour et dont la réalisation est attribuée par les historiens aux Irakiens et aussi à des tribus ayant peuplé la région depuis plusieurs siècles déjà. Lorsque les calculs sont établis et l'eau coule, le montant et la quantité d'eau attribuée à chaque demandeur sont soigneusement enregistrés dans un registre, zmam, en présence de deux témoins et d'autres proches. Ce rituel ancestral n'échappe pas à la dégustation d'un thé où dans cet espace de retrouvailles, on allie l'esprit, l'ouie, l'odorat et le goût qui permettra indubitablement de sceller cette transaction.