Le constructeur automobile Renault a inauguré une usine à Tanger, où seront produits des véhicules à bas coûts. Une aubaine pour le Maroc puisque 6 000 emplois devraient être créés. En France, syndicats et politiques dénoncent cette délocalisation. Renault s'attire les foudres du monde politique et syndical en France, mais récolte des louanges de l'autre côté de la Méditerranée, au Maroc. Le groupe automobile français vient d'inaugurer en grande pompe sa nouvelle usine de Tanger — en présence du roi Mohamed VI et du PDG de Renault Carlos Ghosn. Une usine immense, susceptible de générer des milliers d'emplois au Maroc. Dans le pays, où 31% des moins de 34 ans sont sans emploi, l'implantation de l'usine géante apparaît comme une aubaine pour les Marocains. Renault devrait à terme employer 6 000 personnes et estime que jusqu'à 30 000 emplois pourraient potentiellement être créés chez les fournisseurs et sous-traitants. Les autorités du pays ne se sont pas trompées en offrant un pont d'or au groupe français. Pendant 5 ans, Renault sera exonéré d'impôts et de taxes à l'exportation. Le site de l'usine de 300 hectares se situe dans la zone industrielle de Tanger. Il devrait produire dans un premier temps 170 000 véhicules par an, puis près de 400 000 dès que la seconde unité de production ouvrira ses portes, en 2013, soit l'équivalent de la production des usines françaises de Douai et de Flins. Le site ne produira que des véhicules à bas coûts. Le véhicule familial Logdy, dernier-né de Dacia, la branche «low-cost» du groupe Renault, sera notamment fabriqué dans cette nouvelle usine. Destiné en premier lieu aux marchés émergents, il sera également commercialisé en Europe. Syndicats et monde politique grincent des dents En France, alors que le «fabriqué en France» et la réindustrialisation se sont imposés comme thèmes centraux de la campagne présidentielle, l'implantation de Renault au Maroc fait grincer des dents. D'autant que la production du groupe en France n'a cessé de chuter : en l'espace de sept ans, la fabrication d'automobiles a reculé de plus de 50%. «On considère que [Tanger] est l'usine de tous les dangers, estime Fabien Gache, délégué syndical central CGT chez Renault. Ces véhicules – des Scenic et des Kangoo loganisés [en référence à la Logan, succès commercial «low-cost» de Dacia] - vont venir télescoper des parts de marché de Renault en Europe en cas de réimportation massive.» Même son de cloche du côté de la CFDT : «Nous avons des inquiétudes sur les conséquences de l'ouverture de cette nouvelle usine sur les véhicules plus haut de gamme produits en France, comme la Scenic, déclare François Chérèque, secrétaire général de la CFDT. Nous souhaitons qu'il y ait un débat au sein du groupe sur ce qu'il va se passer au niveau de l'emploi, des usines, des sous-traitants, de la recherche, du développement, de l'emploi…» La Logan, le véhicule à bas prix produit en Roumanie sur le site de Dacia racheté par Renault en 2005, ne devait au départ n'être commercialisée que dans les pays émergents. Mais face à l'engouement des pays industrialisés pour cette voiture, elle a finalement été commercialisée en Europe de l'Ouest. Et a fini par représenter près du tiers des 2, 72 millions de véhicules vendus par le groupe en 2011. «Low-cost» versus milieu de gamme L'ouverture du site de Tanger a déclenché les contestations de la sphère politique. «Un choix dangereux et insoutenable» pour l'ancien ministre de l'Industrie Christian Estosi ; «un véritable scandale» pour Louis Aliot, numéro deux du Front national ; «une erreur stratégique» pour l'ancien Premier ministre et candidat à la présidentielle Dominique de Villepin. Cette avalanche de critiques s'est abattue sur la direction du groupe automobile — détenu à 15% par l'Etat français — quelques jours avant l'inauguration du site de Tanger. Mais pour Carlos Ghosn, numéro un de Renault, la France n'a pas de souci à se faire. «Ce n'est pas quelque chose qui se fait au détriment de la France», a-t-il assuré jeudi 9 février sur RTL, assurant que l'usine de Tanger «vient au contraire ajouter à la charge de travail en France». Mieux, selon son bras droit Carlos Tavares, chaque voiture fabriquée au Maroc «rapportera 800 euros à la France parce qu'il y a 400 euros de pièces livrées depuis la France et 400 euros d'ingénierie dans l'Hexagone». L'ouverture du site de Tanger s'inscrit dans la ligne droite de la nouvelle stratégie affichée par le groupe depuis 2005 : internationaliser son marché pour réduire sa dépendance vis-à-vis d'un marché européen amorphe. Le groupe estime que ses ventes hors d'Europe devraient représenter 47% de son chiffre d'affaires en 2012.