L'ère Salah est tournée. Demain, les Yéménites se rendront aux urnes pour élire leur vice-président pour une période intérimaire de deux ans, devenant ainsi le premier pays arabe où un soulèvement populaire aboutit à une solution négociée. Une nouvelle page est en voie de s'ouvrir au Yémen. L'ère Salah est tournée. Demain, les Yéménites se rendront aux urnes pour élire leur vice-président pour une période intérimaire de deux ans, devenant ainsi le premier pays arabe où un soulèvement populaire aboutit à une solution négociée. Mais l'ombre de M. Salah, qui gouverne le Yémen depuis plus de 33 ans, pèse forcément sur ce scrutin, lui-même agitant la menace de son retour des Etats-Unis où il suit un traitement médical et ses proches contrôlant toujours de puissants organes de sécurité. Cependant, cette élection est considérée comme un plébiscite pour Abd Rabbo Mansour Hadi, un homme de consensus, même si elle est boycottée par deux importantes composantes, le Mouvement sudiste réclamant l'autonomie pour le Sud et les rebelles zaïdites — branche du chiisme — qui contrôlent une partie du Nord. M. Mansour, un militaire de carrière de 66 ans originaire du Sud, est l'unique candidat de cette élection, en vertu d'un accord signé le 23 novembre par M. Salah après dix mois de manifestations populaires et sous une intense pression internationale. Les principaux acteurs de la crise ont appelé à voter pour M. Hadi et des portraits du vice-président ont fleuri dans tout Sanaa. Tawakkol Karman, prix Nobel de la Paix, a également appelé dans un communiqué les Yéménites à voter pour le vice-président, estimant que son élection était «le fruit du soulèvement populaire des jeunes». Cette caution apportée est le signe aussi que l'Occident est favorable à l'élection de Hadi. Mais pour le nouveau président, la tâche est loin d'être aisée. Il devra entamer un large dialogue national dans le cadre de la période transitoire qui devra déboucher sur des élections législatives et présidentielle dans deux ans. Mais beaucoup de Yéménites affirment ne pas être rassurés en raison du maintien aux postes clés des organes de sécurité et de l'armée de proches de M. Salah et des ambitions de ce dernier, qui pourrait rentrer mercredi à Sanaa selon des sources politiques. Les détracteurs de M. Salah l'ont toujours accusé d'encourager en sous-main Al-Qaïda à étendre son influence dans le pays pour se poser en rempart contre le terrorisme. «Le président Salah est le genre de personnage qui ne renonce jamais totalement. Cela jette un doute sur la réalité de son intention de se conformer au plan de règlement», estime pour sa part un diplomate occidental. Ce diplomate, qui a requis l'anonymat, souligne que les proches du Président, dont le fils aîné Ahmed, commandant de la Garde républicaine, «sont toujours autonomes et ne semblent pas répondre aux nouvelles autorités». Plusieurs actes de violence ont déjà visé des bureaux électoraux dans le Sud, et la faction indépendantiste du Mouvement sudiste a appelé à une journée de «désobéissance civile», mardi dans cette partie du pays qui fut un Etat indépendant jusqu'en 1990. Dans le Nord, la rébellion zaïdite, que six guerres ont opposée au régime de M. Salah depuis 2004, a également appelé au boycott après avoir dénoncé l'accord de transition, en raison notamment de l'immunité accordée au chef de l'Etat et à ses proches. Des diplomates de l'Union européenne, activement impliquée dans l'application de l'accord, se sont rendus récemment à Aden, principale ville du Sud, et à Saâda, fief de la rébellion dans le Nord, pour tenter sans succès d'amener les deux parties à renoncer au boycott, selon des sources politiques. Mais l'intense appui international et régional au plan de règlement devrait permettre au Yémen de devenir le premier pays arabe à effectuer une transition ordonnée d'un régime autocratique vers la démocratie, estiment des diplomates.