L'introduction de la charia, la loi islamique, dans la future Constitution tunisienne a suscité des débats houleux à l'Assemblée nationale constituante (ANC), chargée de rédiger le texte fondateur de la Tunisie post-Ben Ali. A ces débats au sein de l'assemblée élue en octobre 2011 s'ajoute dans la société la crainte des femmes de voir l'ANC, dominée par le parti islamiste Ennahda, s'inspirer de la charia pour remettre en question les lois émancipatrices en vigueur depuis l'indépendance de 1956. Pour les députés d'Ennahda, la future constitution «doit être basée sur les principes islamiques afin de garantir la réconciliation entre l'identité du peuple et les lois qui le régissent". «L'idée de séparation du politique et du religieux est étrangère à l'islam», estime le chef du groupe parlementaire islamiste Sahbi Atig. «La Constitution doit réaffirmer l'appartenance arabo-musulmane de la Tunisie [...] et ne doit pas contenir des dispositions contraires au Coran», ajoute-t-il. Selon lui, son parti propose de «s'inspirer, en plus du référentiel de l'islam, des principes universels, du réformisme tunisien et des acquis humanitaires en tant que sources de législation». L'ANC a entamé début février les travaux relatifs à la rédaction de la nouvelle Constitution en mettant en place des commissions spécialisées. Les débats pour qui aucune échéance n'a été fixée ont aussitôt donné lieu à une controverse entre les représentants d'Ennahda et les députés progressistes et laïques. La contradiction a éclaté même au sein de la troïka au pouvoir : Ennahda qui domine l'ANC avec ses 89 élus et ses deux partenaires de gauche : le Congrès pour la République (CPR, 29 sièges) et Ettakatol (20 sièges). Ces derniers refusent tout amalgame entre politique et religion et considèrent que «le projet de la Constitution ne doit pas s'étendre à des explications pouvant toucher à l'aspect civil de l'Etat et nuire à la liberté de culte». «La Constitution doit rassembler tous les Tunisiens et ne doit pas se faire selon le programme d'un seul parti. Ce sera excessif et divisera le peuple», déclare Mohamed Bennour, porte-parole d'Ettakatol.