Le représentant du Front de libération nationale au sein de l'exécutif provisoire, chargé des Affaires économiques, M. Belaid Abdesselam, a considéré hier que les clauses pétrolières contenues dans les Accords d'Evian relevaient beaucoup plus «d'un compromis révolutionnaire» et qu'elles n'ont jamais constitué une concession comme l'affirmaient certains observateurs. M. Abdesselam a reconnu que les dispositions arrêtées dans ces Accords concernant la gestion et l'exploitation des hydrocarbures «avaient été dans leur ensemble rédigées selon les vœux exprimés par la partie française dans les négociations». Il révèle qu'en contrepartie de la reconnaissance de l'intégralité territoriale de l'Algérie, y compris le Sahara, les Français avaient posé comme condition l'acceptation par l'Algérie de reconduire toutes les mesures et dispositions par lesquelles ils avaient institutionnalisé le statut de leurs sociétés pétrolières dans le sud du pays. C'est ainsi que le code pétrolier saharien, avalisé dans les Accords d'Evian et qui a été appliqué jusqu'à la nationalisation du 24 février 1971, avait privé l'Algérie de toute action effective sur ces richesses, a soutenu le ministre de l'Energie de l'Algérie indépendante. Encore faut-il le rappeler, enchaîne M. Abdesselam, que le capital de la société SN Repal constitué par un apport égal entre le gouvernement général de l'Algérie et le bureau de recherche du pétrole (BRP) en France et dans laquelle l'Algérie devait avoir le contrôle, avait été modifié, en ramenant la part de l'Algérie à 40%. La modification de la répartition du capital de SN Repal opérée en vertu de ce dispositif, a empêché l'Algérie de détenir, au moment de son indépendance, une position déterminante pour les prises de décisions au sein de la direction de cette société, qui a par le passé participé à la découverte du grand gisement de Hassi Messaoud, relève encore l'ancien chef du gouvernement. M. Abdesselam souligne également «que les responsables pétroliers français avaient anticipé l'avenir, non seulement en mettant en place un dispositif juridique et administratif destiné à vider le concept de souveraineté reconnu à l'Algérie de toute sa portée concrète, mais, ont poussé la volonté de prépondérance colonialiste jusqu'à refuser à l'Algérie toute aspiration à sortir de la condition du Sleeping partner ou le partenaire dormant». Les négociateurs algériens, s'est interrogé M. Abdeslam, pouvaient-ils éviter cette situation? Pour lui, ceux qui critiquent ce choix sont des personnes «qui tentent de refaire l'histoire à la lumière de leurs préjugés, de leurs fantasmes ou de leurs préventions politiques». Il explique, à ce propos, que pour les responsables algériens qui avaient eu à conduire les négociations d'Evian, le problème majeur auquel il fallait trouver la solution était la Guerre d'Algérie. «Dans toute guerre déclenchée et conduite de manière responsable, il y a ce qu'on appelle les objectifs de guerre qui définissent la raison d'être qui a servi de justification au déclenchement de cette guerre», a-t-il dit. Donc, dès que les Français avaient manifesté leur intérêt à reconnaître l'Etat algérien souverain, en acceptant de mettre fin à la fiction de «l'Algérie française», les objectifs de la Guerre d'Algérie avaient été atteints, indique-t-il. «Tout le reste, par la force des choses, passe en second plan», a-t-il estimé. Selon lui les responsables algériens ne pouvaient alors récuser toutes les dispositions, dont les Français voulaient continuer à en bénéficier dans le cadre de l'Algérie indépendante. Une alternative pareille signifie la poursuite de la guerre en imposant au peuple algérien de continuer à subir tous les sacrifices et les souffrances qu'il avait endurés, raconte M. Abdesselam, l'un des principaux acteurs de la nationalisation des hydrocarbures, opérée neuf ans après les Accords d'Evian. Il a conclu que les Accords d'Evian avaient ouvert la voie à l'Algérie pour poursuivre la lutte pour imposer sa souveraineté entière sur ses ressources naturelles.