Le commissaire européen à l'élargissement et à la politique de voisinage, Stefan Fule, effectue une visite en Algérie depuis le 20 mars 2012 afin de poursuivre le dialogue sur l'état et les perspectives des relations entre l'Algérie et l'Union européenne, notamment la mise en œuvre de l'accord d'association, la coopération financière et sectorielle et l'ouverture des discussions exploratoires sur la politique européenne de voisinage rénovée. Il convient d'analyser sans passion l'accord qui lie l'Europe pour une zone de libre-échange avec l'Europe signé le 1er septembre 2005 avant l'élargissement de l'Europe aux 27 en rappelant que l'Algérie a demandé un report du dégrèvement tarifaire de trois années, 2020 au lieu de 2017, et que l'Europe étudie toujours ces propositions. Comme l'Algérie aspire à adhérer à l'Organisation mondiale du commerce qui ne peut se faire sans l'appui des Etats-Unis et de l'Europe, il est prévu à Genève en juin 2012 le 11e round des négociations multilatérales. Des avis divergents entre l'Algérie et l'Europe C'est dans cet esprit suite aux décisions du gouvernement algérien au courant de 2009 de postuler 51 % aux Algériens dans tout projet d'investissement et 30 % des parts algériennes dans les sociétés d'import étrangères avec un effet rétroactif, ce qui serait contraire au droit international, qui a expliqué par le passé la réaction européenne de Catherine Ashton, ex-commissaire européenne au commerce extérieur, qui a demandé l'annulation de ces directives récemment dans une correspondance officielle adressée au gouvernement algérien, invoquant que l'Algérie aurait violé les articles 32, 37, 39 et 54 de cet accord. Que stipulent ces articles ? L'article 32 stipule que l'Algérie réserve à l'établissement de sociétés communautaires sur son territoire un traitement non moins favorable que celui accordé aux sociétés de pays tiers. L'Algérie réserve aux filiales et aux succursales de sociétés communautaires établies sur son territoire, conformément à sa législation, un traitement non moins favorable en ce qui concerne leur exploitation que celui accordé à ses propres sociétés ou succursales ou à des filiales ou succursales algériennes de sociétés de pays tiers si celui-ci est meilleur. Le traitement visé aux paragraphes I.a et I.b est accordé aux sociétés, filiales et succursales établies en Algérie à la date d'entrée en vigueur du présent accord ainsi qu'aux sociétés, filiales et succursales qui s'y établiront après cette date. Quant aux articles 37 et 39 que les parties évitent de prendre des mesures ou d'engager des actions rendant les conditions d'établissement et d'exploitation de leurs sociétés plus restrictives qu'elles ne l'étaient le jour précédent la date de signature du présent accord. Les parties s'engagent à envisager le développement du présent titre dans le sens de la conclusion d'un accord d'intégration économique au sens de l'article V de l'AGCS. Pour formuler ses recommandations, le conseil d'association tient compte de l'expérience acquise dans la mise en œuvre du traitement de la nation la plus favorisée et des obligations de chaque partie dans le cadre de l'AGCS, notamment de son article V. Lors de cet examen, le conseil d'association tient également compte des progrès accomplis dans le rapprochement entre les parties des législations applicables aux activités concernées. Cet objectif fait l'objet d'un premier examen au plus tard cinq années après l'entrée en vigueur du présent accord. Dans son article 39, l'accord stipule que la Communauté européenne et l'Algérie assurent, à partir de l'entrée en vigueur du présent accord, la libre circulation des capitaux concernant les investissements directs en Algérie effectués dans des sociétés constituées selon la législation en vigueur à la législation ainsi que la liquidation et le rapatriement du produit de ces investissements et de tout bénéfice en découlant. Les parties se consultent et coopèrent pour la mise en place des conditions nécessaires en vue de faciliter la circulation des capitaux entre la Communauté européenne et l'Algérie et d'aboutir à sa libéralisation complète. Concernant la promotion et la protection des investissements contenus dans l'article 54, il met en relief que plusieurs aspects. Premièrement, que la coopération vise la création d'un climat favorable aux flux d'investissements et se réalise notamment à travers l'établissement de procédures harmonisées et simplifiées des mécanismes de co-investissement (en particulier entre les petites et moyennes entreprises) ainsi que des dispositifs d'identification et d'information sur les opportunités d'investissements favorables aux flux d'investissements. Deuxièmement, l'établissement d'un cadre juridique favorisant l'investissement le cas échéant par la conclusion entre I'Algérie et les Etats membres d'accords de protection des investissements et d'accords destinés à éviter la double imposition ainsi que l'assistance technique aux actions de promotion et de garantie des investissements nationaux et étrangers. Bien poser les problèmes pour régler les différends Pour la partie algérienne, par la voie tant du ministre des Affaires étrangères que celle du ministre du Commerce, c'est l'Europe qui n'a pas respecté les engagements contenus dans l'accord qui lie l'Algérie à l'Europe et pose indirectement la question s'il est utile que l'Algérie reste attachée à cet accord par la faiblesse de l'investissement utile. Dialogue de sourds : l'Algérie reproche à l'Europe le manque d'enthousiasme dans l'investissement et l'Europe reproche à l'Algérie le manque de cohérence et de visibilité dans les réformes micro-économiques et institutionnelles. Au préalable, il y a urgence d'un changement de la mentalité bureaucratique en ce XXIe siècle et ce ne sont pas les Etats qui investissent, jouant le rôle de régulateur, mais les opérateurs qui sont mus par la logique du profit. Par ailleurs, aucun pays n'a obligé l'Algérie à signer cet accord comme personne ne l'oblige à adhérer à l'OMC, accord signé en toute souveraineté par le gouvernement et ayant des implications fondamentales. Deux exemples avec des impacts stratégiques : premièrement, les produits industriels subiront progressivement un dégrèvement tarifaire allant vers zéro à l'horizon 2017, ce qui a un impact sur toute la future politique socio-économique. La demande algérienne du report est toujours à l'étude. Deuxième exemple, dont j'avais mis en garde le gouvernement algérien depuis plus de trois années : avant de se lancer dans des unités pétrochimiques ou unités fonctionnant au gaz destiné à l'exportation, nécessitant des dizaines de milliards de dollars d'investissement sur fonds publics, si l'on veut éviter des problèmes avec les structures européennes et américaines à la concurrence qui peuvent interdire l'entrée de ces produits au sein de leur espace, résoudre le problème de la dualité du prix du gaz et, d'une manière générale, les subventions et la qualité, l'argument du ministère de l'Energie postulant la couverture des frais du gaz plus un profit moyen n'ayant pas encore convaincu l'Organisation mondiale du commerce, contrairement à ce qui a été avancé récemment par l'Agence de presse algérienne. Aussi, outre le fait qu'il faille corriger le volume des exportations algériennes vers l'Europe en incluant les exportations de gaz, notamment à travers les réseaux Medgaz (via l'Espagne) et Transmed (via l'Italie), il s'agit d'établir des vérités même si elles sont amères à dire, personne ne pouvant se targuer d'être plus nationaliste qu'un autre. Nous aimons tous l'Algérie, d'où l'importance d'un débat contradictoire productif. La facilité et la fuite en avant sont de vouloir imputer les causes du blocage seulement à l'extérieur (ce discours anti-impérialiste chauviniste pour faire oublier les problèmes intérieurs, ce chat noir dans un tunnel sombre que l'on ne voit jamais), alors que le mal essentiel est en nous. L'extérieur est-il responsable de la montée en puissance de la bureaucratie destructrice et de la corruption dominante ? L'extérieur est-il responsable de notre mauvaise gestion et du gaspillage de nos ressources ? Enfin, l'extérieur peut-il engager à notre place les réformes structurelles dont l'Etat de droit et l'économie de marché concurrentielle conciliant efficacité économique et une profonde justice sociale avec cette concentration excessive du revenu national au profit de rentes spéculatives, et ce afin d'asseoir une production hors hydrocarbures, assistant à un pas en avant et deux en arrière dans les réformes ? Et si l'Europe ouvre son marché à l'Algérie, qu'exportera-t-on en dehors des hydrocarbures à l'état brut ou semi-brut du fait du dépérissement de son tissu industriel ? Certes, les inquiétudes étant légitimes car les baisses tarifaires sont un manque à gagner d'environ 1,5 milliard de dollar annuellement pour l'Algérie. Mais invoquer la situation mono-exportatrice de l'Algérie ne tient pas la route, la majorité des pays de l'OPEP étant membres de l'OMC dont le dernier en date est l'Arabie saoudite. Aussi, il n'y aura de spécificité pour l'Algérie et, selon nos informations auprès de la CEE, pas de renégociations des clauses fondamentales avec l'Europe, ni de spécificité également pour l'adhésion à l'OMC, peut-être, une prolongation de délais selon le même accord contrairement à ce qui a été avancé par certains officiels algériens. (A suivre)