Au lendemain du coup d'Etat militaire qui a renversé le régime du président malien Amadou Toumani Touré, la rébellion touarègue a annoncé, hier la poursuite de son «offensive», tandis que les appels au retour à l'ordre constitutionnel se sont multipliés en Afrique et dans le monde. Dans le même temps, le capitaine Amadou Sanogo, chef de la junte qui a pris le pouvoir jeudi, a affirmé à la presse que les dirigeants du régime renversé étaient «sains et saufs» et seraient «prochainement remis à la justice malienne». Il n'a donné aucune indication sur le lieu où se trouvait le président Touré. La rébellion touarègue, qui a indirectement provoqué le coup d'Etat de soldats excédés par le manque de moyens, a indiqué qu'elle entendait poursuivre «son offensive» dans une zone où sévissent également des groupes islamistes. Dans un communiqué publié sur son site internet, le Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) dit vouloir continuer à agir «pour déloger l'armée malienne et son administration de toutes les villes de l'Azawad» (nord), le berceau des Touareg. La rébellion qui contrôle avec d'autres groupes plusieurs localités du nord-est du Mali, affirme avoir pris le contrôle d'une nouvelle localité du nord malien, «la ville d'Anéfis, située sur l'axe de la route nationale Gao-Kidal». L'Union européenne (UE) a «fermement» condamné «les tentatives de prise de pouvoir par la force au Mali» et appelé «à la fin immédiate des violences et à la libération des responsables de l'Etat», au «retour d'un gouvernement civil et à la tenue d'élections démocratiques comme prévu». Plusieurs scrutins étaient programmés en 2012 au Mali, dont une présidentielle et un référendum constitutionnel le 29 avril. L'UE, un des principaux partenaires du Mali, a également décidé «de suspendre temporairement les opérations de développement», sauf l'aide humanitaire. Cette prise de position s'ajoute aux condamnations unanimes déjà exprimées à l'étranger, dont celles des voisins du Mali : Algérie Niger et Mauritanie, où les répercussions de la crise sont fortement ressenties. La guerre dans le nord malien a provoqué le déplacement de plus de 200 000 personnes, dont la moitié environ dans ces pays et le Haut commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR) «surveille de près la situation». Les voisins du Mali sont en outre impliqués dans la lutte contre les activités d'Al-Qaïda au Maghreb islamiques (Aqmi), qui a des bases dans le nord malien d'où elle opère dans la bande sahélo-saharienne. La Mauritanie mène régulièrement en territoire malien des opérations anti-Aqmi. L'UE a fait part de «sa forte inquiétude quant à la détérioration de la situation sécuritaire au Sahel» et affirmé «sa détermination à aider les pays» de la zone «dans leurs efforts pour lutter contre la pauvreté, le terrorisme, l'extrémisme violent et le crime organisé». Le Mali est confronté depuis mi-janvier à des attaques du MNLA et d'autres rebelles touareg, dont des hommes lourdement armés. Des soldats du rang dirigés par le capitaine Sanogo ont annoncé jeudi avoir renversé le régime du président Touré, après des affrontements avec des loyalistes à Bamako où au moins trois personnes ont été tuées par des balles perdues, selon Amnesty International. Ils ont accusé le président Touré, ainsi que leurs supérieurs hiérarchiques, d'incompétents dans la lutte contre la rébellion touareg et les groupes islamistes, dont Aqmi. Le chef des putschistes, le capitaine Sanogo a affirmé vendredi que «ces gens (les anciens dirigeants) sont sains et saufs. On ne touchera pas à un seul cheveu de quelqu'un. Je les remettrai à la justice pour que le peuple malien sache la vérité». La France, ancienne puissance coloniale, a déclaré vendredi n'avoir pas réussi à joindre le dirigeant déchu et a réclamé le respect de son intégrité physique. L'activité restait ralentie vendredi à Bamako. Dans la cour de l'Office de la radio-télévision du Mali (ORTM, public), transformé en quartier général officieux des mutins qui l'occupent depuis mercredi, toutes sortes d'objets récemment volés ou pillés étaient entassés : télévisions, ordinateurs, meubles. Leurs propriétaires ont été invités par les militaires putschistes à venir les récupérer. Les soldats se sont livrés mercredi et jeudi à des pillages et ont réquisitionné des véhicules particuliers. Les sièges de certaines administrations, dont la Douane, ont été pillés. Ces pillages ont été condamnés par le capitaine Sanogo.