Christian Prouteau, fondateur du Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), a critiqué vendredi l'opération de la police à Toulouse contre Mohamed Merah, notamment l'absence d'utilisation de gaz lacrymogène lors de l'assaut. Le secrétaire national du PS chargé de la sécurité, Jean-Jacques Urvoas, avait mis en doute jeudi, sur Twitter, l'efficacité du Raid avant de se rétracter face aux réactions de protestations de la droite. Face aux critiques, Amaury de Hautecloque, le patron de cette unité d'élite de la police, s'est exprimé dans plusieurs médias pour défendre l'intervention, affirmant être allé «jusqu'à l'extrême possibilité» pour arrêter le tueur vivant. Mohamed Merah, un Français d'origine algérienne de 23 ans qui a revendiqué les sept meurtres commis à Montauban et à Toulouse, a été tué jeudi lors d'un assaut donné par la police au logement où il était assiégé depuis plus de 30 heures. «Comment se fait-il que la meilleure unité de la police ne réussisse pas à arrêter un homme tout seul ?», s'interroge Christian Prouteau, dans un entretien à Ouest France publié vendredi. «Il fallait le bourrer de gaz lacrymogène. Il n'aurait pas tenu cinq minutes», estime l'ancien militaire. «Au lieu de cela, ils ont balancé des grenades à tour de bras. Résultat : cela a mis le forcené dans un état psychologique qui l'a incité à continuer sa guerre.» Amaury de Hautecloque a répondu que le recours aux gaz lacrymogènes faisait bien partie du plan, mais que la charge de Mohamed Merah, jusqu'alors réfugié dans la salle de bain, n'avait pas permis de les utiliser. «J'avais une idée précise de sa présence et de lui lancer des gaz lacrymogènes pour saturer la pièce où il était et s'assurer de sa personne au moment où il sortirait. Voilà ce qui était prévu», a-t-il dit à France Info. «Mohamed Merah a choisi son destin puisqu'il est sorti de la salle de bain les armes à la main. Il nous a engagés immédiatement en faisant feu», a-t-il ajouté. Dans une interview au Figaro de samedi, le ministre de l'Intérieur Claude Guéant estime qu'il est «inacceptable de remettre en cause l'efficacité de la police». «Nos services sont très actifs dans la lutte contre le terrorisme et reconnus mondialement. La meilleure preuve, c'est que, depuis l'attentat de Port-Royal en 1996, malgré une menace grandissante, nous n'avons plus connu d'attentat en France, contrairement à d'autres pays», ajoute-t-il. Interrogé sur la possible utilisation de gaz lacrymogène pour appréhender Mohamed Merah, Claude Guéant a répondu : «Ce sont des moyens illégaux. Cette technique est proscrite par les conventions internationales parce qu'elle a fait par le passé de nombreuses victimes. Toutes ces polémiques entretenues par des gens qui ne connaissent rien de cette affaire, qui n'ont pas été sur les lieux ni entendu les conversations de la police avec l'assassin sont irresponsables.» Le corps de Merah criblé de balles Amaury de Hautecloque affirme avoir continué à «donner l'ordre de ne riposter qu'avec des armes non-létales et notamment des grenades offensives afin qu'il puisse être choqué et que nous puissions nous assurer de sa personne». Selon une source judiciaire, l'autopsie a montré que Mohamed Merah avait succombé à deux tirs mortels, l'un à la tête et l'autre à l'abdomen, et son corps avait été criblé de balles, alors qu'il se trouvait de dos. Le parquet s'était contenté jeudi d'annoncer que le tueur de sept personnes avait succombé à une balle à la tête. Selon Le Parisien.fr, ces balles ont atteint les bras et les jambes alors que Mohamed Merah se trouvait de dos puisqu'il portait un gilet pare-balles. La quasi totalité des syndicats de police ont défendu le Raid. Dans un communiqué, le deuxième syndicat des officiers de police, Synergie-Officiers, se demande si les déclarations de Christian Prouteau «sont uniquement motivées par un mélange d'aigreur et d'ambition politicienne ou initiées en connivence avec des officiers supérieurs de la gendarmerie». Il «constate que cet ancien éminent haut gradé de la gendarmerie nationale oublie un peu vite les coups tordus et les bavures de certaines unités d'un service qu'il prétend défendre», citant l'affaire des écoutes illégales de l'Elysée. Christian Prouteau avait été condamné à huit mois de prison avec sursis et 5.000 euros d'amende pour ces écoutes. Alliance, second syndicat chez les gardiens de la paix, dit espérer que cette polémique «stérile et sans fondement» n'ait pas été dictée par «des ambitions personnelles ou des considérations politiques» à l'approche de l'élection présidentielle. Unité SGP-Police, le premier syndicat de la police en tenue, parle pour sa part d'une «parfaite coordination» des différents services et d'un «dispositif sans précédent» grâce auquel un «remarquable résultat» a été obtenu. Christian Prouteau, qui avait dirigé le Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR) en 1982, sous François Mitterrand, est considéré comme lié à la gauche par les syndicats proches de la majorité. Marine Pennetier et Gérard Bon, édité par Matthias Blamont.