Cette modeste analyse se veut une contribution au débat national qui engage l'avenir de l'Algérie mais également toute la région méditerranéenne et le Sahel. Une question qui se pose : l'Algérie aura-t-elle la capacité d'absorption de cette importante masse monétaire, sinon de continuer à placer cette rente pour plus de 90% à l'étranger à un taux d'intérêt presque nul ? Ne risque-t-on pas d'assister au divorce entre des objectifs ambitieux et des moyens de réalisation limités du fait de la faiblesse d'une régulation claire, d'un manque de visibilité et de cohérence et faute d'institutions adaptées à la transition et à l'accélération de la mauvaise gestion ? Ainsi, à travers ce cheminement historique, en 2012, les véritables producteurs de richesses sont découragés, le savoir dévalorisé au profit des rentes destructrices, 98 % des exportations sont constituées d'hydrocarbures à l'état brut et semi-brut, devant devenir importateur de pétrole dans 15 ans et de gaz conventionnel dans 25 ans tenant compte des nouvelles mutations énergétiques mondiales, des coûts, de la forte consommation intérieure et important 70, voire 75 % des besoins des entreprises et des ménages. C'est le syndrome hollandais alors qu'un ancien ministre des Finances en mal de publicité parle faussement d'économie semi-émergente, en contradiction avec la majorité des rapports internationaux. D'ailleurs, c'est la cacophonie gouvernementale pour différents dossiers que l'on ne maîtrise pas avec des discours contradictoires. L'exode des cerveaux et la fuite des capitaux s'amplifient malgré ces séminaires sur la diaspora à coups de millions de dollars, un opérateur, un cadre ou un intellectuel étant liés au sort de leurs concitoyens, devant retenir le peu qui existe déjà. La valeur du dinar sur le marché parallèle continue de dégringoler pour être coté depuis une année entre 140 et 150 dinars un euro, reflétant une importante fuite de capitaux par manque de confiance en l'avenir de ceux qui ont amassé des fortunes. La sphère informelle liée à la logique rentière contrôlant 40 % de la masse monétaire en circulation où tout se traite en cash et 65 % des produits de première nécessité continuent de s'étendre et avec elle la corruption. Les tensions inflationnistes que l'on essaie de comprimer par des subventions mal gérées et mal ciblées s'amplifient, entraînant une détérioration du pouvoir d'achat de la majorité de la population algérienne, les tensions sociales étant différées par le versement de salaires sans contreparties productives et paradoxalement par le regroupement familial (crise de logement). Sans avoir une vision de sinistrose car bon nombre de réalisations depuis l'indépendance politique, mais beaucoup d'insuffisances, force est de constater qu'en 2012, le blocage est d'ordre systémique et c'est l'échec relatif de la politique économique malgré une aisance financière jamais égalée depuis l'indépendance politique. Nos politiques ne savent que dépenser, loin des préoccupations d'une bonne gestion, ce qui a fait dire récemment à la directrice du FMI que l'Algérie dépense sans compter. Dès lors, durant cette période de transition qui dure depuis 1986, l'instauration d'un Etat de droit et les réformes sont timidement entamées malgré des discours moralisateurs que contredisent journellement les pratiques sociales. Comme conséquence, résultat de la pratique de plusieurs décennies et non seulement de la période actuelle, nous assistons à des tensions à travers toutes les wilayas contre la hogra, la corruption, le mal-vivre d'une jeunesse dont le slogan «Nous sommes déjà morts !» traduit l'impasse du système économique rentier à générer une croissance hors hydrocarbures, seule condition d'atténuation des tensions sociales pour faire face au malaise social croissant. Nos responsables ont-ils analysé le désespoir des harraga, ces jeunes qui, souvent, avec la complicité de leurs parents, bravent la mort et l'impact de l'exode, partageant le rêve de s'enfuir du pays, comme en témoignent, de l'aube au crépuscule, les longues files d'attente auprès des ambassades pour une demande de visa. L'Algérie a besoin d'un sursaut pour éviter la dérive à l'horizon 2015/2020. Elle a besoin, en tenant compte de la transformation rapide du monde, d'une autre gouvernance et surtout de la valorisation de la connaissance, fondement du développement du XXIe siècle. Sans une autre gouvernance devant permettre un développement s'insérant dans le cadre du Maghreb, pont entre l'Europe et l'Afrique, du fait des politiques socioéconomiques mitigées de 1963 à 2012, l'Algérie risque l'implosion sociale à l'horizon 2020. Avec le risque d'une poussée de la misère et de groupes extrémistes qui se nourrissent de celle-ci, produit du système actuel, et du fait de la situation géostratégique de l'Algérie, cela aura comme impact une déstabilisation du bassin méditerranéen et du Sahel, implosion intérieure différée à court terme par la distribution de la rente des hydrocarbures.