Le dérèglement des pratiques démocratiques par le mensonge comme plat de résistance ou la triche, puis l'analphabétisme politique, les ambitions démesurées, le spectre des financements extérieurs, le manque d'expérience des novices ne sachant rien des prérogatives du parlementaire, l'achat des billets d'accès à l'APN par des parvenus, la faiblesse du code électoral, le non-respect de la Constitution à propos de non-utilisation de la religion comme outil de propagande ont, dans les méandres de la construction d'une société démocratique, largement contribué à créer un climat de dévergondage. «La majorité n'a pas souvent raison» L'électorat loin de se laisser envoûter par les discours de la l'écrasante majorité des chefs de parti a préféré faire la sourde oreille à une campagne qualifiée par les observateurs tantôt de fade, tantôt d'insipide, ou tout simplement d'inintéressante étant donné que la plupart des partis en lice n'ont ni ancrage national ni base populaire. Le ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales a donné des agréments, en apparence n'importe comment, juste pour prouver que l'Algérie est une nation à l'écoute de son peuple, et que le pouvoir est exercé par le peuple et pour le peuple. Avoir environ 38 partis engagés dans la bataille électorale a de quoi déboussoler les plus avertis des électeurs. La raison aurait voulu que l'Etat organise des primaires pour ne laisser que deux ou trois, autrement une poignée de grosses cylindrées pour qu'ils puissent défendre leurs programmes et les confronter dans des débats qui auraient été largement diffusés et commentés par les journalistes spécialisés. Les messages, mis à part leurs caractères irrationnels, ne pouvaient passer à leur juste dimension pour que l'opinion publique puisse faire son choix en toute quiétude et connaissance de cause. Nous avons vu tellement d'aberrations, que nous sommes en droit de nous interroger sur la dangerosité du concept démocratique. Du changement tant souhaité par les concurrents, rares ont été les projets de société à même de proposer des alternatives crédibles pour battre le FLN, le RND et le MSP aux commandes de l'exécutif depuis treize ans. Rares ont été les candidats qui ont fait des soucis de leur électorat leur cheval de bataille, tout comme rares ont été les candidats qui sont descendus de leurs nuages pour privilégier une campagne au corps à corps avec leurs électeurs. La plupart des chefs de parti s'étaient consacrés dans des salles lugubres à faire des monologues et de l'ombrage aux futurs élus. Des promesses irréalisables, il en a plu des cordes, grosses comme des couleuvres, comme si l'Algérie avait un régime parlementaire. C'est dire à tel point les candidats à l'hémicycle du boulevard Zirout Youcef pouvaient ignorer quelles sont en importance les prérogatives du président de la République, et à quoi se limitent les leurs. Nous avons remarqué les tromperies de l'opinion publique par les partis islamistes, faisant du recrutement de gamins pour remplir les salles, l'illusion d'une force incontournable, alors que dans la réalité les quelques milliers ou centaines de personnes ont été draguées dans des villes et des villages des coins les plus reculés du pays. Les plaques d'immatriculation des centaines de cars loués par les organisateurs font foi de la supercherie à l'endroit du peuple, et des observateurs internationaux. S'il est indéniable que l'Algérie a besoin de réformes, on se demande si tant de leurres ne vont pas desservir le pays et le peuple, plutôt que de les servir. L'Algérie ne peut s'accommoder des opportunistes, des incessants changements de sa Constitution, et des voyous qui se recyclent dans la politique pour acheter l'immunité parlementaire. La confusion entourant les législatives pouvant déclencher un désintéressement de la population était prévisible. Il ne s'agit plus de la crédibilité du scrutin du 10 mai, mais d'une organisation hasardeuse en décalage avec les attentes de la société aspirant à mieux vivre dans la paix et la sécurité. Le spectre islamiste n'est à prendre en compte que par rapport à la menace géopolitique ceinturant l'Algérie avec l'arrivée de groupuscules puissamment armés, et de régimes islamistes qui vont certainement vite déchanter face à la réalité socioéconomique. Si la participation n'est pas massive au scrutin du 10 mai, nul besoin de s'alarmer outre mesure ; cela pourra tout simplement signifier que les Algériens se portent bien, et que le changement ne les intéresse pas, sachant pertinemment, puisque presque tous les partis se réclament du programme présidentiel, qu'il vaudrait mieux laisser travailler le Président.