Le Conseil constitutionnel a proclamé le 15 mai 2012 les résultats officiels des élections législatives du 10 mai 2012. Il me semble utile à partir des données officielles de faire les comparaisons avec celles de mai 2007 afin de tirer les leçons pour l'avenir de l'Algérie. Ira-t-on vers un réel changement salutaire ou simplement du replâtrage différant les tensions sociales inévitables à terme ? Tant qu'il y a la rente... Comparaison des élections législatives de mai 2007 et de mai 2012 Les élections législatives du 17 mai 2007 ont façonné l'ancienne Assemblée populaire nationale (première chambre, APN) pour les députés et pour les élections locales la deuxième chambre. Sur un total de 389 sièges, le parti FLN en avait obtenu 136, soit 34,96%, le Rassemblement national démocratique (RND) 61 sièges,15,68%, les Indépendants 33 sièges , 8,48%, Harraket Moudjtama Essilm (H.M.S.) 33 sièges, 8,48%, le Parti des travailleurs 26 sièges, 6,68% et le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), qui avait participé, 19 sièges, 4,88%, le FFS ayant boycotté. Pour les élections législatives, les inscrits ont été de 18 760 400, le nombre de votants de 6 662 383, donnant un taux de participation de 35,6%, avec un nombre de bulletins nuls de 961 751 (5,14%). Sur ce total, le parti du Front de libération nationale (FLN) a eu 1 315 686 voix par rapport aux votants (23%), le Rassemblement national démocratique (RND) 591 310 (10,3%) et Harraket Moudjtama Essilm 552 104 (9,6%). Cependant le ratio le plus significatif est le nombre de suffrages exprimés divisé par le nombre d'inscrits, ce qui donne : 7,01% pour le parti du FLN, 3,15% pour le RND et 2,94% pour H.M.S soit un total de 13,10%. Concernant les élections locales du 29 novembre 2007, pour l'APW à titre d'exemple, les inscrits représentaient 18 446 626 pour un nombre exprimé de 7 022 984, soit un taux de participation de 43,45%. Le FLN a eu 2 102 537 voix (32,14%), le RND 1 426 918 (21,89%) et H.M.S 940 141 (15, 00%), soit un total de 69,03%. Par rapport aux inscrits, le FLN représente 11,40%, le RND 7,73% et le MSP 5,09%, soit un total de 24, 52%. Pour les APC, il y a eu 8 132 542 votants, soit un taux de participation de 44,09%. Le parti FLN a obtenu 30,05% par rapport au nombre de votants, le RND 24,50%, H.M.S. 842 644 voix (10,69%). Les partis de la coalition totalisent ainsi 65,24%, le mode de scrutin les favorisant. Par rapport aux inscrits, le parti FLN représente 11,36%, le RND 8,68% et H.M.S. 4,56%, soit un total de 24,60%, presque semblable à l'APW. La moyenne arithmétique, élections législatives et locales, des partis du FLN/RND et H.M.S donne ainsi 18,85%, soit à peine le un cinquième par rapport aux inscrits. Concernant l'actuel Parlement, je rappelle qu'au moment où la rigueur budgétaire est de mise de par le monde, le Conseil des ministres de février 2012 a adopté un projet d'Ordonnance amendant et complétant l'Ordonnance 97-08 du 6 mars 1997 déterminant les circonscriptions électorales et le nombre de sièges à pourvoir pour l'élection du Parlement qui passe de 389 sièges à 462, soit 73 sièges supplémentaires. Pour les résultats officiels du Conseil constitutionnel des élections législatives du 10 mai 2012, le nombre d'électeurs inscrits a été de 21 645 841, le nombre de votants de 9 339 026, le nombre de suffrages exprimés de 7 634 979, donnant une participation officielle de 43,14 % avec un nombre de bulletins nuls de 1 704 047. Pour avoir une image réelle de la participation, il y a lieu donc de comptabiliser les bulletins nuls qui représentent 7,87 % par rapport aux inscrits (une nette progression par rapport à 2007), ce qui nous donne 100 moins 43,14% soit un taux d'abstention de 56,86% plus 7,87% de bulletins nuls, donnant le nombre de personnes n'ayant pas fait un choix de 64,73%, soit environ les deux tiers de la population algérienne. Sur 462 sièges, le FLN en a obtenu 221, soit 47,83%, le RND 70 sièges, 15,15%, l'Alliance de l'Algérie verte 47 députés, 10,17%. Le FFS 21 sièges, 4,54%, les indépendants 19 sièges, 4,11%, le Parti des travailleurs- PT- 17 sièges, soit 3,67%.Pour avoir la majorité absolue, il manque 231 moins 221, 10 sièges. Le nombre de femmes élues qu'il convient de saluer en toute impartialité est de 145 sur 462, soit un taux de 31,38%. Par rapport à l'ancienne Alliance présidentielle, le RND et beaucoup plus HMS deviennent des accessoires, ces deux partis étant les plus grands perdants parce que participant au gouvernement depuis 2000 à ce jour. Le parti FLN peut même se passer des deux partis en comptant sur les partis satellites et sans remous du RND car n'oublions pas que 50% des candidats élus du RND étaient d'anciens militants du FLN qui peut facilement donc cohabiter avec le FLN n'ayant pas de divergences idéologiques fondamentales. Mais fait important, j'attends pour affiner mon analyse d'abord de réaliser le test de cohérence en référence au fichier électoral par rapport au taux réel de la pression démographique entre mai 2007 et mai 2012 et ensuite avoir une appréciation définitive de voir le nombre de voix obtenues par chaque parti par rapport aux sièges ainsi que la structure d'âge des votants. Exemple le parti FLN en 2007 a obtenu 37,96% des sièges, un ratio de voix de 23% par rapport aux votants et 7,01% par rapport aux inscrits. Pour une wilaya de Bouira aux élections du 10 mai 2012 le parti FLN a obtenu six sièges sur les neuf mais au vu du nombre de voix obtenues (17 401 sur 164 000 votants), soit un taux avoisinant les 10%. C'est que la loi électorale, dans ses articles 86 et 87, fixe la clé de répartition des sièges et son niveau, l'article 86 précisant la méthode de calcul du quotient électoral qui est le résultat du rapport entre le nombre des suffrages exprimés moins les suffrages des listes n'ayant pas franchi le seuil de 5% des voix et le nombre des sièges à pourvoir. C'est une division du nombre de suffrages exprimés moins le nombre de voix des listes en dessous du seuil de 5% sur le nombre de sièges ne reflétant donc pas le poids réel dans la société de chaque parti. Les quatre leçons de ces élections : statu quo ou changement ? Premièrement, du fait du mode de scrutin, éliminant les petits partis, alors qu'une dose de proportionnelle est souhaitable, la reconfiguration politique est sensiblement la même avec une percée du parti FLN, vote refuge, expliqué, certains responsables ayant invoqué le chaos et surtout par le discours du Président de la République du 8 mai 2012 à Sétif - président d'honneur du parti FLN (la victoire du FLN est une victoire du président Bouteflika, a expliqué le ministre de l'Intérieur dans une interview au quotidien Liberté du 15 mai 2012). Ce parti utilise après 50 ans d'indépendance politique ce sigle historique, propriété de tous les Algériens, à des fins partisanes assimilables à l'utilisation de la religion à des fins politiques. Il est donc temps de mettre fin à cette usurpation pour protéger ce sigle historique. Deuxièmement, malgré cela, une forte démobilisation populaire. D'où l'urgence de revoir globalement le fonctionnement tant du système politique et économique que le fonctionnement du système partisan. Nous avons un système partisan inefficient. En effet, la Constitution de 1989 et la loi du 5 juillet de la même année ayant consacré et codifié le droit des citoyens à créer des partis politiques, un nombre considérable de formations politiques ont vu le jour, souvent sans véritable programme, ni perspectives sérieuses, se manifestant ponctuellement, principalement à l'occasion de rendez-vous électoraux du fait des subventions de l'Etat (instrumentalisation de l'Administration). Il est est unanimement admis par les analystes sérieux, privilégiant uniquement les intérêts supérieurs de l'Algérie, qu'un changement de lois n'apporte rien de nouveau si l'on maintient le cap de l'actuelle gouvernance politique et économique, les pratiques quotidiennes contredisant ces lois qui sont les meilleures du monde. Il s'agit de prendre en compte tant les mutations mondiales qu'internes à la société algérienne avec le poids de la jeunesse qui, parabolée, a une autre notion des valeurs de la société. Cela se cons-tate à travers la baisse progressive du poids des tribus, des confréries religieuses et de certaines organisations syndicales (dont l'UGTA), du fait de discours en déphasage par rapport aux nouvelles réalités mondiales et locales. (A suivre)