Les élections législatives, sitôt les résultats connus, ont soulevé un tôlé de protestation venant de certains partis politiques, alors que les règles du scrutin étaient connues par ceux qui se sont lancés dans la bataille des législatives. Le chroniqueur Younès Saadi et notre ami et confrère Ahmed Halfaoui, journaliste et consultant à la Ceneap ont les deux développé des arguments sur les fonctionnements de cette consultation populaire. Le premier fait état d'une évaluation recensant les avantages et les inconvénients du mode de scrutin à la proportionnelle pour faire la comparaison par la suite avec le mode appliqué en 1991, à savoir le scrutin uninominal à deux tours. Younès Saadi nous explique dans son article paru dans Algérie News du 17 mai que la réussite dans le scrutin uninominal est conditionnée au premier tour par l'obtention d'une majorité absolue de voix, avec parfois l'obligation de réunir un nombre minimum d'électeurs inscrits. Faute d'avoir atteint ce seuil, un second tour est organisé et son accès règlementé. Les deux candidats sont les mieux placés au 1er tour par le nombre de voix ou pourcentage des inscrits. Par rapport au scrutin à un tour, il y a la possibilité de contacter des alliances pour le second tour, ce qui laisse des distorsions ; les petits partis peuvent s'entendre pour obtenir des élus là où ils sont forts, en échange d'un report de voix ailleurs. Plus loin, l'auteur explique que ce mode de scrutin a favorisé l'émergence du marchandage des parrainages. Certains leaders de partis politiques n'ont pas trouvé du mal à reconnaître publiquement avoir vendu des listes : «la déclaration du Front national algérien en témoigne. Le politologue Abderzak Saghour contacté par le rédacteur de cet article aurait déclaré dans son analyse critique à l'égard de la proportionnelle que : «1,7 million de bulletins nuls n'auraient jamais existé avec le mode de scrutin uninominal. Les gens votent pour X ou Y ou ne votent pas carrément. Plus loin, ce dernier affirme que «Dans la proportionnelle, l'annulation des moins de 5% favorise directement les listes qui ont obtenu le plus de voix.». Quant à Ahmed Halfaoui, entrant dans le vif de la critique il affirme que seule la proportionnelle peut révéler le poids réel des partis : «Commençons par admettre que la démocratie ne se décrète pas et qu'elle ne peut constituer, d'aucune façon, un produit clé en main, pour autant qu'elle puisse disposer de forces sociales suffisamment ancrées pour la porter. Pour faire vite, il serait malhonnête de ne pas reconnaître que la «légitimité historique», même dégénérée sous sa forme actuelle et représentée par le courant FLN/RND, est l'expression la plus répandue dans la société. Et ce n'est pas la diabolisation du «régime», du «pouvoir», par un microcosme «démocratique» aux contours indéfinis qui fera douter les plus perspicaces de la réalité sociopolitique du pays. Après le bref recul du courant issu du nationalisme (1990/1991), recul relatif, l'élection de Liamine Zeroual a inauguré un retour assez massif dans son giron, moins aventureux. Poursuivant son analyse des élections du 10 mai Halfaoui dira : «Le courant islamiste vient en seconde position, en puisant, lui aussi dans le patrimoine historique et religieux de la population. Reste l'abstention qui est caractéristique des législatives, au moins depuis 2002. Cette abstention, n'en déplaise aux politiciens fast-food, n'est pas due qu'aux mécontents. Phénomène urbain, elle porte des causes assez diverses dont les principales sont des repoussoirs puissants. On a d'abord la méconnaissance du rôle de l'APN, ensuite sa caricaturisation en tant que Chambre d'enregistrement, renforcée par l'image du député parasite, surpayé, corrompu, galvaudé autant par la vox populi que par la presse. Vient, après, une offre politique trop peu crédible, ou trop peu implantée, sans préjudice du «vote utile» qui profite aux «grands» partis. A propos de l'impressionnant nombre de femmes qui vont investir la Chambre basse, l'interviewé pense que «c'est le juste aboutissement des efforts de l'Algérie indépendante dans la scolarisation des femmes. Une scolarisation qui les a sorties de l'enfermement et les a progressivement imposées dans l'espace social. Avec plus de 31% (France : un peu plus de 18%) nos députées ont de quoi faire peser, par-delà les chapelles partisanes, la spécificité de leurs préoccupations, dont celle de sortir de la situation de mineure. Le pourront-elles ? A elles de le démontrer. Il reste toutefois certain que ce score va bousculer pas mal de choses dans les mentalités. A propos des détracteurs du « printemps algérien», Halfaoui trouve qu'il n'est pas du goût de certains, ici et là-bas. Un «spécialiste» du monde arabe, Antoine Basbous, pour justifier le fait que notre pays ne se soit pas embrasé, comme il était écrit quelque part dans les cieux de sa destinée «arabe», nous a expliqué que cela était dû à une volonté des grandes puissances de le stabiliser. Comprenne qui pourra. A observer sa déception, on peut sans grand risque de se tromper, croire qu'il s'était peut-être préparé à un contrat de consultant au service de la propagande préparatoire à une hypothétique ingérence. A la question : « Et qu'en est-il, à votre avis, du degré de fraude ?» La réponse fut : « Concernant les islamistes, ils ont fait de ce thème, le principal axe de leur campagne. Ils ont même prévenu que s'ils n'auraient pas la majorité ce serait dû à la fraude. Ils n'ont donc pas surpris. Il n'en demeure pas moins qu'on ressent un certain malaise devant les réactions des perdants, surtout que les dénonciations ne sont pas assorties de preuves et qu'elles semblent compter sur le seul discrédit du «système» en la matière. Il n'en demeure pas moins que le mode de répartition des voix lors des dépouillements peut être sujet à caution. Concernant le mode de scrutin, le poids réel des formations en lice reste soit surestimé soit sous-estimé, quand on sait que seule la proportionnelle intégrale peut le donner avec exactitude.»