L'équation est simple, elle réside dans le facteur humain. Ils sont quelques dizaines à renouveler l'aventure, chaque année, chaque été. Ils s'appellent Hacène Métref, Denis Martinez, Jorus, Dominique, Michel, Djamel, Doudouche, Djazia, H'nifa, Keltoum, Camélia...Arpentant d'année en année les villages de Kabylie, baladins artistes, ils sont comme les anciennes troupes de cirque des saltimbanques d'un genre nouveau. Apportant là où ils passent quelques couleurs, de la musique, des contes...dans un esprit bon enfant où l'humanisme le partage à la générosité. Du 8 au 15 juillet, le festival itinérant «Raconte-Art» a choisi de bivouaquer à Djemâa Saharidj, dans la commune de Mekla. Une ville d'eau qui a donné l'intitulé «Sur le chemin des sources se racontent les arts» (Nteddu deg ubrid n tala, a d-nagwem awal d asefru). Le tout sous l'égide de l'APW de Tizi-Ouzou, avec la LACD de Tizi-Ouzou, l'Apc de Mekla et la maison de jeune et comités de quartier de Djemâa Saharidj. Cette 9ème édition fait suite à celle de l'année dernière réalisée au sein du village Taourit Amokrane, près de Larbâa Nath Irathen du 9 au 15 juillet 2011 avec une spéciale dédicace à Salah Silem disparu, en août 2010 un des précieux animateurs de cette grand messe culturelle qui sort des sentiers battus pour rejoindre les sentiers hors normes de la fête sans a priori avec des artistes venus des quatre coins de l'Algérie et de quelques parties de la terre. Le concept de «Raconte-Art» mérite d'être rappelé chaque année car il constitue une marque initiatique qui choisit la culture alternative pour aller droit au but chez les gens. Il n'est pas gratuit et innocent que Hacène Métref opérateur culturel au cv éloquent en compagnie de Denis Martinez plasticien baladeur laissent leurs marques chaque année dans un village enclavé différent. Les fêtes de mariage et les quelques galas ramadhanesques sont loin de suffire sachant que chaque année avec ses dizaines de musiciens alternatifs, ses magiciens, les artistes et écrivains venus du sud algérien, de l'ouest, de Marseille ou d'Amérique Latine qui se pressent dans les ruelles méandreuses de tous ces villages entrepris ne sont pas là pour épater la galerie, mais plutôt pour partager leur art avec plaisir dans une sorte de contamination positive qui ne manque pas pour la plupart des gens de déclencher des vocations. Cette année, le démarrage s'est fait très doucement, la population locale étant aux débuts très peu sensible à ces aréopages d'artistes bizarres venus dessiner, chanter, faire de la magie ou signer des livres en plein centre de Djemaâ Saharidj. Mais l'alchimie des eaux a opéré délicatement et s'en est suivie une semaine culturelle avec le délicat magicien Kaki, fils des lieux habitant ailleurs et venu redécouvrir ses origines, Denis Martinez le maître des points et des lignes brisées, faisant des tajmaât son terrain de prédilection avec des interventions peintes réalisées in-situ, Bahaz et son diwane gnaoui, le surprenant Akli D venu égayer les sourciers du crû par ses mélodies bien senties. Ichenwiyen » n'étaient pas en reste, tous les soirs un concert de musique original regroupant plusieurs énergies créatrices au service de cette idée d'aller avec armes et bagages donner quelques indices culturels dans des lieux très difficile à toucher et qui ne bénéficient pas «naturellement» d'initiatives culturelles. Les ateliers sont nombreux, entre vidéo pour jeunes adultes, écriture pour les férus de mots, avec en sus un journal du festival quotidien animé par A.Djoudi, Ghenas, Michel.Terral, Doudouche avec aussi la présence d'anciens des beaux arts venus d'Alger et de Mostaganem. Un atelier Beatbox (boîte à rythme vocale) animé par les marseillais Mathieu Jacinto. Les masques Ayred ont fini par prendre place dans ce festival à travers le talent de Djamel Ousmer très au fait des mimiques déclinées en papier mâché et colles en tous genres. Ils étaient foncièrement nombreux et difficile à citer mais l'esprit était là, la rencontre aussi avec des écrivains comme Oulebsir, Staali, Mati et de nombreux autres pour des rencontres in vivo avec les auteurs, une initiative de plus qui laisse le champ libre en juillet prochain aux Ath-Yenni pour une décennie d'action culturelle dont on ne dira pas qu'elle ne se fait pas sans tambours ni trompettes, mais plus judicieusement sans grands moyens notables, faut-il sans étonner !? Cela ne semble pas atténuer la portée de cet évènement annuel à l'efficacité avérée, le rendez-vous de l'année prochaine promet de bien belles images et probablement un livre qui retracera les dix ans de cette aventure artistique fabuleuse dans tous les sens du terme. Le cirque s'est refermé sur cette ville des eaux, et les baladins se sont évaporés dans la nature après une semaine festive, cependant leur souvenir reste vivace, n'est-ce pas là le principal...