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L'amendement de la loi algérienne sur les hydrocarbures face aux mutations énergétiques mondiales
Publié dans La Nouvelle République le 03 - 08 - 2012

Il est prévu en principe, très prochainement, un conseil du gouvernement qui étudiera, entre autres, la loi de finances 2013, la loi sur le règlement budgétaire 2010 et l'amendement de la loi sur les hydrocarbures, objet de cette contribution. L'ordonnance n°06-10 du 29 juillet 2006 modifiant et complétant la loi n°05-07 du 28 avril 2005 relative aux hydrocarbures est-elle toujours opérante?
La loi du 29 juillet 2006 et les échecs des avis d'appel d'offres 2007/2010 Je rappelle que depuis la loi d'avril 2005, ce n'est plus à Sonatrach d'attribuer les permis de prospection pour de nouveaux gisements. Mais elle reste propriétaire de tous ses domaines miniers, et pour les nouvelles superficies non exploitées, c'est à l'institution Alnaft, dépendant du ministère de l'Energie, de les attribuer. Le constat est que les trois derniers appels d'offres entre 2008 et 2011 se sont avérés un véritable échec n'ayant attiré que des compagnies marginales, n'ayant pas de savoir technologique et comptant sur Sonatrach pour supporter la majorité des coûts, les grandes compagnies n'ayant pas soumissionné. Sonatrach depuis des années n'a pas découvert de réserves rentables substantielles tant du pétrole et du gaz importants, malgré certaines déclarations fracassantes. L'on peut découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement. Sonatrach n'a pas les capacités technologiques, bon nombre de cadres compétents ayant depuis des années quitté cette compagnie, surtout avec l'erreur que j'ai dénoncée à maintes reprises de mettre les cadres à la retraite à partir de 60 ans sans préparer la relève. Comme il y a lieu de signaler que le taux de profit dans les canalisations est inférieur de 30% en moyenne par rapport aux grands gisements de l'amont. La taxation des superprofits au-delà de 30 dollars dans l'actuelle loi ne répond pas à la situation actuelle du marché où le cours dépasse les 90/100 dollars depuis plus d'une année, tout en précisant que dans le droit international une loi n'est jamais rétroactive sauf si elle améliore la précédente, expliquant les litiges au niveau des tribunaux internationaux entre Sonatrach et des compagnies installées avant la promulgation de cette loi. Cela explique que Sonatrach courant 2011 a eu recours à un règlement à l'amiable de son conflit avec ses partenaires, notamment de son différend son différend avec Anadarko et Maersk, qui portait sur la taxe sur les superprofits. Sonatrach a dû verser à la firme américaine l'équivalent de 4,4 milliards de dollars d'hydrocarbures et au groupe danois 920 millions de dollars, et d'autres compagnies ont demandé à bénéficier de cette procédure, ce qui porterait le montant supérieur à 6 milliards de dollars. Dans ce cadre, un assouplissement fiscal est nécessaire, car l'Algérie n'est pas seule sur le marché mondial face aux importantes mutations énergétiques qui s'annoncent, mais des concurrents qui veulent attirer les compagnies. Durée des réserves de pétrole et du gaz conventionnel Les réserves se calculant par rapport au vecteur prix international, évolution des coûts et de la concurrence des énergies substituables, selon les revues internationales (données de 2007), dans 15/16 ans, à partir de cette période, en cas de non-découvertes substantielles, l'Algérie sera importateur net de pétrole (cela a été le cas de l'Indonésie), ayant 1% des réserves mondiales. Pour le gaz non conventionnel, l'AIE dans son rapport de 2011 estime les réserves algériennes à 6 500 milliards de mètres cubes gazeux, loin, très loin des USA arrivant à la huitième position sachant qu'il faut maîtriser la technologie, nécessitant beaucoup d'eau douce et que la durée de vie d'un gisement ne dépasse pas cinq années avec toutes les conséquences écologiques négatives (pollution des nappes d'eau) en cas de non-maîtrise technologique. Pour le gaz conventionnel, il y a lieu de tenir compte de la forte consommation intérieure selon les extrapolations de l'organisme de régulation CREG (entre 50/60 milliards de mètres cubes gazeux), incompressible si l'on veut un réel développement intérieur, et du volume exportable extrapolé tant à travers les canalisations que pour le GNL, 85 milliards de mètres cubes gazeux alors qu'elle peine actuellement à atteindre 55/60 milliards de mètres cubes gazeux, donc perdant des parts de marché, selon les statistiques internationales de 2011, malgré les déclarations se voulant rassurantes des responsables de l'énergie. Avec 4 500 milliards de mètres cubes gazeux (2,37% des réserves mondiales prouvées de gaz naturel, données de 2008), toujours à partir de cette période, la durée de vie pour un prix de cession moyen de 10 dollars le MBTU pour les canalisations et 13/14 dollars pour le GNL supposant des coûts constants, serait de 25 ans. Et l'erreur de certains est d'ignorer la consommation intérieure en donnant une durée de vie des réserves de 40 ans en ne prenant en compte que les exportations. Or, selon la revue financière Gasoil, l'Algérie a pompé entre 1962 et 2006 plus de 15 milliards de barils de pétrole, soit plus que les réserves actuelles, mais récemment avec des coûts supérieurs à la moyenne des grands pays pétroliers. Face à ce constat, de l'importation massive de gasoil et de l'essence super sans plomb pour plusieurs centaines de millions de dollars entre 2007/2011, (paradoxe d'un pays pétrolier), les plus hautes autorités du pays et sur rapport du ministère de l'Energie, ont décidé de revoir la loi sur les hydrocarbures, décision annoncée le 6 décembre 2011 par le ministre de l'Energie lui-même. Quelles modifications souhaitables selon mon point de vue ? Les conditions pour l'efficacité des nouveaux amendements : un nouveau modèle de consommation tenant compte des nouvelles mutations énergétiques mondiales Si pour l'amont gazier et pétrolier pour les grands gisements, la règle des 49/51% peut être applicable, pour les gisements marginaux, cette règle risque de n'attirer que peu d'investisseurs sérieux. Le départ de la Chine d'Adrar qui avait misé sur un gisement marginal obligeant Sonatrach à prendre seule la relève doit être pris au sérieux. Il en est de même pour la prospection dans l'offshore et surtout le gaz non conventionnel qui requiert des techniques de pointe à travers le forage horizontal maîtrisé par quelques firmes, les recherches actuelles se concentrant sur les techniques anti-pollution. A quel coût l'Algérie acquerra ces brevets et a-t-elle déjà prévu la formation adéquate ? Pour les énergies renouvelables, cette règle risque également d'être inopérante posant toujours le problème de la formation. En effet, selon les données du ministère de l'Energie, l'Algérie devrait choisir en 2013 un fournisseur de technologie qui mettra à exécution le programme d'énergies renouvelables pour un montant estimé à 60 milliards de dollars. Ce programme vise à produire, à l'horizon 2030, 40% de l'électricité à partir des énergies renouvelables devant se traduire par l'installation d'une puissance de 12 000 mégawatts en solaire et en éolien. Le mémorandum d'entente dans le domaine des énergies renouvelables signé le 9 décembre 2011 entre la Société algérienne d'électricité et de gaz Sonelgaz et l'entreprise allemande Desertec aboutira-t-il à du concret ? La règle des 49/51% dans ce contexte est-elle opératoire ? Quant à l'investissement dans la pétrochimie dont la commercialisation est contrôlée par quelques firmes au niveau mondial (structure oligopolistique) et d'une manière générale à l'aval, dont les produits obéissent aux règles de l'organisation mondiale, cette règle juridique de la dominance de Sonatrach dans le capital social est inopérante. L'investissement sera limité, pour ne pas dire nul, car nécessitant de très grosses capacités, devant souligner que la pétrochimie actuellement connaît au niveau mondial des crises de surproduction. A moins comme cela se passe pour bon nombre d'entreprises publiques qui ont nécessité entre 1971/2011 plus de 50 milliards de dollars d'assainissement supportés par le Trésor public, 70% étant revenues à la case départ, si Sonatrach prend le risque toute seule, commercialiser seule, notamment avec toutes les conséquences financières, donc supportant les surcoûts. Alors qu'il serait souhaitable d'avoir d'autres critères, balance devises excédentaire au profit de l'Algérie, l'apport technologique et managérial et un partage des risques face à un marché mondial fluctuant du fait que la rentabilité nécessite de grandes capacités, sans compter que les pays du Golfe ont déjà amorti les installations, l'Algérie partant avec un handicap des coûts d'amortissement élevés et un marché forcément limité. Il ne faut pas se faire d'illusions. La superficie n'est pas une condition sine qua non d'importants gisements d'hydrocarbures entendu rentables financièrement. La nouvelle loi sera de peu de portée, pour attirer des investisseurs potentiels sans la prise en compte des nouvelles mutations énergétiques mondiales. Les USA deviendront exportateurs net de gaz grâce au gaz non conventionnel entre 2017/2020, les différents contrats de gaz envers ce pays devant être annulés. Comme il y a urgence de la prise en compte de l'entrée de la Libye, concurrent de l'Algérie en pétrole léger, et dont les réserves importantes de gaz sont à peine exploitées, la stratégie offensive du géant russe Gazprom à travers le Nord et le South Stream devant approvisionner l'Europe du Nord et du Sud pour plus de 100 milliards de mètres cubes gazeux, de nouveaux concurrents, de l'arrivée à terme des contrats à moyen terme de l'Algérie entre 2013/2014 avec ses partenaires, qui impliquera une révision des prix à la baisse en cas de persistance de la bulle gazière et également le nouveau défi écologique avec des segments nouveaux à valeur ajoutée. Le problème central qui se pose à l'Algérie est donc l'urgence d'imaginer un nouveau modèle de consommation énergétique inexistant à l'heure actuelle. Après 50 ans d'indépendance politique, une économie totalement rentière Force est de constater après 50 années d'indépendance politique que depuis l'indépendance politique à ce jour en décembre 2011, l'économie algérienne est dépendante de la rente pour plus de 98% de ses recettes en devises et importe 70/75% de ses besoins, étant en plein syndrome hollandais. Le dépassement de cette entropie implique forcément une gouvernance renouvelée, de
profondes réformes politiques et économiques solidaires, la valorisation de l'entreprise et son support, la ressource humaine, richesse bien plus importante que toutes les ressources des hydrocarbures. Du fait de la faiblesse de ses capacités d'absorption, la question qui se pose est la suivante : pourquoi continuer à pomper les hydrocarbures pour placer cet argent à l'étranger à des rendements faibles, voire négatifs, actuellement 83% selon les données de la Banque d'Algérie pour 2011 sur les 190 milliards de dollars des réserves de change au 1 juillet 2012 ? L'objectif stratégique n'est-il pas pour l'Algérie d'opérer la transition rapide d'une économie de rente à une économie hors hydrocarbures, supposant également une nouvelle transition énergétique en utilisant au mieux cette ressource éphémère ? Posant la problématique de la sécurité nationale, Sonatrach étant l'Algérie et l'Algérie étant Sonatrach, il me semble afin d'éviter les erreurs du passé, d'ouvrir un large débat national sur ces amendements.


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