La dépendance aux hydrocarbures se répercutera de manière négative sur l'économie algérienne au cours des deux prochaines décennies, a affirmé l'expert économiste, Rafik Bouklia, lors d'une conférence animée à Oran. «Le souci d'efficacité ne doit plus être concentré sur le prix du baril, mais sur la structure de fonctionnement de l'économie nationale», a estimé M. Bouklia dans sa communication intitulée «Les défis de l'économie algérienne : une prospective à l'horizon 2030», cosignée avec un autre expert, Youcef Benabdellah. «La dépendance aux hydrocarbures est une source d'instabilité pour l'économie du pays», a-t-il prévenu en se rapportant aux résultats de son étude élaborée pourtant sur la base d'un cours pétrolier a priori favorable, au seuil de 100 dollars le baril. La balance commerciale du pays a été abordée dans une large mesure par M. Bouklia qui, à l'appui de ses projections, assure que les importations, utiles à la croissance, seront multipliées par quatre dans le cas le plus favorable. Par contre, les exportations n'obéissent pas à la même logique, «étant basées sur les hydrocarbures, elles ne suivent pas l'activité économique mais le rythme d'extraction», a-t-il expliqué. «Pour peu que les ressources naturelles soient saturées, les exportations vont stagner, d'où l'explication profonde des difficultés que connaîtra le pays au cours des prochaines années, avec une hypothèse de croissance des exportations hydrocarbures de 2%», a ajouté l'expert. Selon lui, les exportations hors hydrocarbures peuvent croître aussi, mais leur niveau est «trop faible, insuffisant pour infléchir la balance commerciale». A partir de l'évolution de ces trois éléments (importations, exportations globales et exportations hors hydrocarbures), M. Bouklia prévoit qu'en 2014 ou 2015, le solde de la balance commerciale sera négatif. En d'autres termes, a-t-il poursuivi, «les importations vont l'emporter sur les exportations et ce ne sera pas dû à un choc externe défavorable comme ce fut le cas en 1986 quand surgit la crise de la balance de paiement, parce que le prix du baril de pétrole avait chuté à moins de 10 dollars, entraînant l'effondrement du solde commercial». L'étude présentée par l'expert a retenu un prix de 100 dollars sur les 20 années à venir, donnant ainsi à observer que c'est «la situation structurelle de l'économie algérienne qui fait que la balance commerciale sera déficitaire dans les trois prochaines années». En guise de compensation, il recommandera de «booster la dynamique des exportations hors hydrocarbures du taux actuel de 1% à 15% des exportations globales pour les prochaines années». Il insistera encore sur ce volet pour prédire «qu'une persistance de solde négatif ne permettra pas de financer l'économie». Dans ce cas de figure, M. Bouklia prévient que «même les réserves de changes constitueront une ressource provisoire seulement, étant elles aussi amenées à diminuer si les importations l'emportent sur les exportations». D'après ses explications, l'épuisement des réserves de changes induira ensuite l'obligation de recourir à l'endettement externe dont le montant atteindra 280 milliards de dollars à l'horizon 2030. Dans ses recommandations, M. Bouklia a mis notamment l'accent sur la consolidation des politiques d'emploi, d'innovation et de productivité. Selon cet expert, également professeur à l'université d'Oran, davantage d'effort doit être consenti par le secteur privé afin d'assurer la substitution à l'investissement public, observant dans ce contexte que «85% des investissements proviennent actuellement du secteur public». Le rôle prépondérant de l'Etat a été mis en exergue par M. Bouklia, faisant valoir à titre d'exemple que «sans les dispositifs d'aides à l'emploi, le taux de chômage serait plus élevé, soit autour de 17% au lieu du taux actuel de 10%». Cet économiste a plaidé en outre pour la mise en œuvre de mécanismes d'incitations à même d'amener le secteur privé à s'inscrire dans la dynamique sociale et la performance ciblée. De son côté, l'économiste Mohamed Bahloul a souligné que la performance d'une entreprise, qu'elle soit publique ou privée, exige la réunion de quatre attributs. Il s'agit, a-t-il précisé, de «la capacité à fabriquer de la stratégie (organisation autonome), le calcul économique (opportunités et projections d'investissement dans le futur), la capacité à fabriquer des systèmes d'organisation (se différencier, innover), et la capacité à mettre au travail (création d'emploi, de rapport salarial)». Cette rencontre s'est tenue jeudi soir à l'Institut de développement des ressources humaines (IDRH) de Haï El-Menzah (ex-Canastel) dans le cadre du programme culturel élaboré par la direction de cet établissement à l'occasion du mois de Ramadhan, intitulé pour cette édition 2012 «Les Nuits du cinquantenaire de l'indépendance nationale».