Face à la recrudescence de la violence en Syrie, la commission d'enquête de l'ONU a recommandé au Conseil de sécurité de prendre «les mesures appropriées», relançant le débat au Conseil des droits de l'Homme à Genève sur une éventuelle saisine de la Cour pénale internationale (CPI). «Nous avons recommandé à ce que notre rapport soit transmis au Conseil de sécurité [...] pour prendre les mesures appropriées au vu de la gravité des violations, abus et crimes perpétrés par les forces gouvernementales, les chabiha et par des groupes antigouvernementaux», a déclaré le président de la commission d'enquête de l'ONU sur la Syrie, Paulo Pinheiro, face à la hausse en «nombre, rythme et échelle» des violations des droits de l'Homme. M. Pinheiro a toutefois évité de mentionner dans son intervention la CPI, qui ne peut être saisie que par le Conseil de sécurité. Il n'y a pas de consensus quant à une éventuelle saisine de la CPI, souligne une source diplomatique occidentale. L'ambassadeur suisse auprès des Nations unies à Genève, Dante Martinelli, a rappelé que plusieurs pays songeaient à envoyer un courrier au Conseil de sécurité et a relevé que «toutes les allégations de violations doivent faire l'objet d'une enquête en vue de poursuivre les responsables de tels actes». «Par conséquent, la Suisse, avec l'appui d'un groupe d'Etats, envisage l'envoi d'une lettre au Conseil de sécurité lui demandant de déférer la situation en Syrie à la Cour [pénale internationale]. Elle invite tous les Etats parties ou non parties au statut de Rome à soutenir cette initiative», a poursuivi M. Dante. L'ambassadeur français, Nicolas Niemtchinow, a aussi dénoncé «des crimes relevant d'une politique d'Etat, contre tout un peuple». «Nous devons trouver ensemble les conditions pour une saisine de la Cour pénale internationale. Les crimes commis sont immenses, a-t-il déploré. La commission d'enquête a établi clairement la responsabilité du régime pour le massacre d'Al-Houla, où femmes et enfants ont péri.» Sur ce point, la représentante russe, Maria Khodynskaya-Golenischva, a estimé que les conclusions de la commission sur Al-Houla auraient été différentes si les experts avaient pu entrer en Syrie. Le représentant syrien au Conseil, Faysal Khabbaz Hamouia, a pour sa part qualifié le rapport d'«inexact», accusant «tous ceux qui soutiennent le bain de sang du peuple syrien». Il a affirmé que 17 pays envoient des «terroristes djihadistes» en vue «de la fragmentation du Moyen-Orient en émirats islamistes». Les enquêteurs de l'ONU disent avoir rassemblé un ensemble «remarquable et extraordinaire» de preuves à l'appui de leurs accusations et ont dressé une nouvelle liste d'individus et de groupes susceptibles d'être poursuivis. Paulo Pinheiro a déclaré que des extrémistes islamistes se trouvaient en Syrie, où ils agissent soit aux côtés des rebelles soit de manière indépendante. Leur présence tend à radicaliser les insurgés, a estimé le président de la commission d'enquête. Bien loin de toutes ces tractations diplomatiques, les combats se poursuivent lundi en Syrie. L'aviation syrienne a bombardé à l'aube des zones frontalières avec l'est du Liban, sans atteindre le territoire libanais, a affirmé un porte-parole militaire. Des habitants de la région libanaise de Aarsal ont indiqué avoir vu des avions syriens survolant la zone. «Il y a eu des bombardements en territoire syrien, pas en territoire libanais», a indiqué le porte-parole de l'armée libanaise. Dans la nuit de dimanche à lundi, de violents combats ont opposé l'armée syrienne aux combattants rebelles dans l'ouest d'Alep, deuxième ville de Syrie et théâtre de combats incessants depuis huit semaines, rapporte l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Des combats ont eu lieu après minuit autour des bâtiments des renseignements et des recherches scientifiques dans le secteur du nouvel Alep, dans l'ouest de la métropole, selon l'OSDH. «Des flammes se sont dégagées de l'édifice des recherches scientifiques et des avions survolaient le secteur», alors que les rebelles ont lancé une attaque contre le barrage Al-Mansoura dans ce même secteur, a ajouté l'ONG. Dans cette grande métropole du Nord, les affrontements ont repris dans la nuit dans le quartier stratégique de Midane (centre), les rebelles s'y infiltrant de nouveau après l'annonce de sa reprise par l'armée, selon des habitants.