Si l'on s'en tient aux dispositions de la loi sur la réconciliation nationale, le dossier des disparus est clos, estime Me Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de protection et de promotion des droits de l'Homme, dans un entretien accordé à la Chaîne III de la Radio nationale dont il était l'invité de la rédaction. Il reconnaît toutefois que des dispositions supplémentaires devraient être amenées à la loi, notamment pour la réhabilitation des disparus qui ne doivent pas être confondus avec les terroristes. C'est, dit-il, une revendication des familles des disparus. Il pense également qu'il faut un statut pour les disparus voire même une journée nationale. Il rappelle que plus de 95% des familles des disparus ont approuvé le principe de l'indemnisation et ont été indemnisées et au principe corollaire de tourner la page et elles ont tourné la page, dit-il. Concernant le nombre de disparus, il rappelle que le nombre exact est de 7 200, recensés par les services de gendarmerie dans les 48 wilayas du pays. Au niveau de la Commission, il fait savoir que 6 146 dossiers ont été recensés. Il met au défi ceux qui prétendent que le nombre est plus élevé, de fournir des noms et des dossiers. Me Farouk Ksentini tient à souligner que les disparitions se sont produites dans le contexte de la lutte anti terroriste menée par l'Algérie et qu'elles résultent non pas d'une politique délibérée de l'Etat mais de comportements illicites d'agents de l'Etat dans le cadre de ce combat anti terroriste. Il reprend la formule qu'il a déjà utilisée : dans les disparitions, l'Etat est responsable et non coupable. Quant aux «déportés du sud», ils méritent, selon lui, réparation. Abordant la question de la justice, il revient sur l'exigence d'une justice de qualité réclamée par les citoyens. A ce propos, il constate qu'aucune des suggestions de la Commission Issad n'a été retenue et encore moins appliquée. Il faut revenir au rapport de la Commission de la réforme de la justice dont les travaux avaient été dirigés par le regretté le Pr Mohand-Issad, souligne Me Farouk Ksentini. La justice algérienne n'a pas progressé dans les proportions souhaitées, selon lui. Il illustre son propos par le nombre de pourvois en cassation devant la Cour suprême, en moyenne, chaque année, entre 17 000 et 18 000. Ce n'est pas normal, dit-il. Si la justice était de meilleure qualité, il n'y aurait pas eu autant de recours. Il donne en comparaison le nombre de cas analogues en France : 2 500 pourvois en cassation par an. Pour Me Farouk Ksentini, la formation des juges est insuffisante. Il faut, estime-t-il, au moins dix ans pour former un bon juge. Il appelle à corriger cette situation de fond en comble en améliorant la formation professionnelle des juges et des avocats. Le Code de procédures est d'une rare absurdité, dit-il, et totalement incohérent. Sur le problème de la détention préventive, il évalue à 35% la proportion du nombre de détenus en détention provisoire, d'où la surpopulation des prisons.