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Exposition de Fayçal Boumaza à la galerie Racim
Publié dans La Nouvelle République le 06 - 10 - 2012

La galerie Racim révèle un talent prometteur en montrant le travail d'un artiste inconnu des radars de la scène artistique algérienne, Faïçal Boumaza, autodidacte venu de l'intérieur du pays (Khenchela) nous surprendre par l'insolite originalité et l'authenticité d'un corpus d'une quarantaine de tableaux de moyenne dimension (80x60 cm à 160 x 120 cm) déclinés dans un langage qui a su déserter les sentiers battus tant en ce qui concerne la thématique et l'iconographie que la syntaxe.
Pour nous séduire aussi par un travail qu'il a patiemment affiné à la manière d'un artiste-artisan en quête de «terroirité», néologisme que nous osons pour signifier la profondeur du terroir, des terroirs car le pays d'où il vient est unique et multiple, aussi multiple que les artistes qu'il a souvent couvés pour, un jour, les laisser éclore et s'épanouir comme s'épanouissent les fleurons des abysses de ces monts chargés d'histoire et de discours. Une expression minérale et pariétale Les œuvres exposées charrient toute la minéralité de ces monts, elle nous invitent dans une monodie de l'étrange à suivre notre artiste sur les sentes de ses pérégrinations picturales et à apprécier un dialecte pariétal d'une surprenante authenticité. L'iconographie revêt les formes humanoïdes d'êtres occupant toutes les surfaces et s'entremêlant dans un imbroglio graphique plein de liberté et de fantaisie. Des femmes callipyges occupant par leur démesure l'espace de certains tableaux laissent échapper de leur corpulence de multiples membrures tentaculaires et improbables qui semblent les impliquer dans un embrouillamini plastique d'une incroyable audace. D'autres se contentent d'engendrer des moignons dérisoires qui leur donnent une allure fusiforme qui rappelle étrangement la silhouette d'un phoque ou d'un morse. Des portraits surréalistes de personnages sans oreilles et monoculaires semblent représenter l'autisme qui sévit dans une société où certains s'approprient sans vergogne tout ce qui tombe sous leur corpulente présence. Des membres adventifs poussant de manière invraisemblable de toutes parts sur certains corps s'insèrent audacieusement dans la gesticulation ambiante qui semble marquer la désarticulation généralisée rythmant la gouvernance désordonnée d'un monde étrange, excentrique, implacablement déserté par la logique. Ces œuvres sans souci de cohésion illustrative et exécutées dans leur ensemble dans une matité chromatique significative charrient la mélancolie d'un cantabile de l'incohérence sociétale. Un judicieux syncrétisme technique La facture, surprenante par sa maîtrise et la méticulosité qui a présidé à son exécution, est à base de colle, de pigments naturels et de sable, ce qui lui confère un caractère prononcé d'exotisme et d'étrangeté. Elle illustre un certain éclectisme, voire même un syncrétisme technique évident qui rappelle les fondamentaux de certains langages remarquables par leur originalité et leur caractère insolite tels l'art tribal d'Afrique, l'art pariétal et rupestre, l'art ancien d'Amérique latine, l'art de médiums, celui des handicapés, des enfants, l'art primitif, l'art paysan d'Europe, l'art naïf, les graffitis, l'art brut, le folk art et l'art outsider américains... toute la série des arts marginaux mis en exergue, notamment durant les dernières décennies du XXe siècle. A part la composition mue par des motifs esthétiques, fantasmagoriques, la nature des matériaux utilisés s'apparente à celle des mandalas qui sont à rapprocher de l'art aborigène d'Australie et de celui des Navajo (peuple amérindien du sud-ouest des Etats-Unis, branche du peuple apache sédentarisé dans une réserve de l'Arizona) avec cette objection que ces langages étaient à l'origine éphémères et qu'ils ont été pérennisés par des artistes-artisans qui les ont adaptés à la marchandisation et recyclés dans le malstrom de l'art mondialisé des dernières décades du siècle dernier. On peut rappeler dans ce cadre l'exemple de Fred Stevens, issu du peuple navajo dont il était un des éminents «homme-médecine» (thérapeute) qui, pour des raisons de conservation mais surtout mercantiles et lucratives (tourisme) a su fixer sur du contreplaqué ces poudres et ces sables aléatoires avec un mélange de pâte à bois, de colle à ciment et de laque, succédant ainsi à Franc Newcomb, une femme artiste-artisane qui l'avait précédé en utilisant l'aquarelle. Un dialecte artistique syncrétique Devant ces œuvres aussi insolites qu'attachantes, nous ne pouvons nous soustraire à la lancinante invite à scruter ces morceaux de maîtrise technique et esthétique de choix tout droit advenus des canyons des Aurès dans la besace inspirée d'un barde provincial qui a su écumer et offrir à notre délectation des scansions pleines de bravoure picturale. Le casting de M. Abdelhamid Aroussi (président de l'UNAC) pour conférer à Faïçal Boumaza la visibilité qu'il mérite, ne pouvait être on ne peut plus judicieux. Quant à notre artiste, il s'est fait avec cette exposition, une certaine identité. Remarquable.

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