La Syrie a accusé la Turquie de piraterie aérienne et Moscou a demandé des explications à Ankara après l'interception d'un avion de ligne syrien par des chasseurs turcs, nouvel accroc entre les deux voisins après une semaine d'incidents frontaliers. Sur la foi de ses services de renseignement soupçonnant l'appareil de transporter une cargaison «non civile», la Turquie a contraint l'Airbus A320 de Syrian Arab Airlines à rester plusieurs heures au sol à l'aéroport d'Ankara dans la nuit de mercredi à jeudi avant de le laisser redécoller. Une partie du chargement a été saisie par les autorités turques, qui n'en ont pas précisé la nature. Selon la presse, il s'agirait d'équipement non létal tel que du matériel radio. Le ministre syrien des Transports, Mahmoud Saïd, a estimé qu'Ankara s'était livré à un acte «de piraterie aérienne violant les traités de l'aviation civile», selon la chaîne de télévision libanaise Al Manar, la station du Hezbollah, allié de Damas. La directrice de Syrian Arab Airlines, Ghaïda Abdoulatif, a déclaré à des journalistes à Damas que l'avion ne transportait «aucun matériel illégal». «Quand l'avion a été inspecté, il a été clairement établi qu'il y avait [...] des paquets civils avec de l'équipement électrique qui étaient habilités à être transportés et avaient été officiellement enregistrés.» L'agence d'exportation d'armes russe a assuré qu'aucune arme ne se trouvait à bord de l'appareil, qui transportait une trentaine de passagers de Moscou à Damas en traversant l'espace aérien turc. «Nous livrons nos armes en respectant totalement les normes internationales», a déclaré le porte-parole de Rosoboronexport, Viatcheslav Davidenko. «Si nous avions besoin d'envoyer des équipements militaro-techniques ou des armes, ce serait fait proprement et non par des moyens illégaux, certainement pas dans un avion civil», a encore indiqué un responsable de l'agence. La Russie, alliée fidèle de Damas, ne cache pas qu'elle exporte toujours des armes à la Syrie, mais en juin dernier, le président Vladimir Poutine a assuré que Moscou ne lui vendait pas d'armes pouvant être utilisées dans un conflit civil. Moscou a demandé des explications à la Turquie, pays membre de l'Otan, qui a dit n'avoir reçu aucune notification officielle. Le ministère russe des Affaires étrangères s'est plaint que le personnel diplomatique russe se soit vu refuser d'assister les 17 passagers russes pendant les huit heures de l'escale forcée. «La Russie insiste pour obtenir une explication sur les motifs d'une telle attitude de la part des autorités turques», dit un communiqué du ministère, qui juge que «les vies et la sécurité des passagers ont été mises en danger au cours de cet incident». Ankara a justifié l'interception et l'immobilisation de l'appareil par des informations selon lesquelles il transportait une cargaison «non civile». «Nous sommes déterminés à contrôler les transferts d'armement vers un régime qui commet de tels massacres parmi les civils. Il est inacceptable qu'un tel trafic passe par notre espace aérien», a déclaré dans la soirée à la télévision le ministre des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu. «Nous avons reçu aujourd'hui l'information que cet avion transportait une cargaison d'une nature qui pouvait ne pas être conforme aux règles de l'aviation», a-t-il poursuivi. Ankara juge en outre que l'espace aérien syrien ne présente plus les garanties de sécurité nécessaires et invite les compagnies aériennes à ne plus l'emprunter, a dit le ministre. Un correspondant de Reuters à la frontière a vu un avion faire demi-tour vers la Turquie à l'approche de la frontière syrienne. La tension ne cesse de monter entre Ankara et Damas. L'armée turque a accru sa présence le long des 900 km de la frontière et l'artillerie a bombardé au cours de la semaine écoulée plusieurs positions de l'armée syrienne après des tirs de mortier venant de Syrie, dont l'un a coûté la vie à cinq civils le 3 octobre. Elle ripostera avec davantage de force à tout nouveau bombardement en provenance du territoire syrien, a averti le chef d'état-major de l'armée turque, le général Necdet Ozel.