A 16 ans, Yacine Zerrouki, un non-voyant, est admis en 1re année secondaire sciences en se classant premier au BEM à l'échelle nationale. Yacine Zerrouki ne passe pas inaperçu avec ses lunettes aux verres considérablement foncés. Né non-voyant, il n'a aucune vision sauf celle du cœur et de l'esprit. Cela ne l'a pas empêché de suivre une scolarité normale, ponctuée d'aménagements lui permettant d'acquérir la connaissance du braille et d'autres outils utiles à un jeune aveugle : «La scolarité était importante pour moi, l'intégration essentielle.» Mais de là à entrer en classe de secondaire scientifique. «Cette filière m'intéresse, j'y ai réfléchi en 4e année moyenne. C'est la science au sens large du mot que je veux découvrir.» Yacine Zerrouki estime avoir eu la chance d'habiter la ville de Bordj Bou Arréridj jusqu'à la fin du palier moyen. Mais maintenant, avec le choix de cette filière, il a besoin d'autres horizons pour lui permettre de bénéficier de davantage de facilités pour poursuivre sa scolarité et accéder aux études supérieures. «Les non-voyants sont généralement orientés vers des filières littéraires sous prétexte qu'ils sont infirmes et qu'ils ne pourraient pas percer dans ce domaine très complexe, ce qui a modifié le cours des carrières de plusieurs personnes non-voyantes qui auraient pu être un peu différentes. Désorientés et las de cette bataille sans issue, ils abandonnent le lycée», dira un avocat non-voyant qui a toujours voulu être un scientifique dans l'électronique. Yacine, aveugle de naissance, est loin d'être diminué psychologiquement, l'infirmité l'a poussé à se prendre en charge très tôt dans la vie. S'il choisit bien son secteur, un jeune handicapé ne devrait pas avoir de difficultés à intégrer le marché du travail. «Beaucoup de filières comme l'histoire, le droit, la sociologie ou la psychologie, n'intéressent plus certaines entreprises. En revanche, si vous faites de la comptabilité, de la finance, de l'audit ou de l'informatique, votre profil devient intéressant», explique-t-il. Pour Yacine, le moteur, c'est l'étudiant. «Il est hors de question que ce soient les entreprises ou les associations qui disent à ces jeunes quel métier leur convient. C'est à eux de découvrir les professions et les formations pour pouvoir apprécier les conditions d'exercice du travail et vérifier qu'elles sont compatibles avec leur handicap, et ce, grâce à une simple stratégie : la rencontre.» Stages, jobs d'été, contrats d'alternance, tous les moyens sont bons pour que ces deux mondes apprennent à se connaître. La nature l'a privé du sens de la vue, mais une excuse pour lui. Yacine avance dans la vie et son moteur, ce sont les études. «Cela me fait du bien, quand j'apprends ou j'étudie quelque chose», confie le jeune adolescent. Son handicap est vécu comme normal, il peut s'épanouir doucement et la rigueur imposée par l'enseignement d'alors lui donne les bases et la force de continuer dans les études. Le jeune Yacine est le premier de sa classe, et son handicap, il en a même fait une force, car il a développé un sens de l'écoute et une intelligence hors du commun. Depuis 2002, jusqu'à l'examen du BEM qu'il a obtenu avec une moyenne de 18,10, il est toujours le premier. Connaître ses limites permet de les dépasser Ce jeune adolescent s'est découvert une passion enfouie en son for intérieur : le sport. Un talent qu'il veut bien aiguiser. Au menu, on y trouve du goal-ball, athlétisme, et surtout la natation. Pour cette dernière activité, Yacine Zerrouki est trois fois champion d'Algérie : 2010, 2011 et 2012 dans les 50 mètres nage libre et 50 mètres brasse. En plus d'être talentueux, le jeune garçon est un boute-en-train. Dans sa chambre qu'il appelle son studio, Yacine aime jouer et se donner en spectacle. Plus tard, il aimerait être présentateur du journal télévisé ou animateur radio. Il n'hésite pas à se créer son propre univers en s'entraînant avec les moyens du bord : l'Internet. Il a crée des liens sur la toile et les réseaux sociaux. Il n'a jamais été seul. Yacine c'est 1m65 d'énergie et de joie de vivre, qui fait la fierté de sa famille. Mais à la maison, il est élevé au même titre que ses frères. «Nous, on ne le considère pas comme un handicapé», raconte son père. Pour ses professeurs, Yacine est un petit prodige. «Il capte très vite et c'est un vrai bonheur d'enseigner avec ce type d'élèves.» On dit souvent que les enfants ont peur du noir, mais même dans la pénombre, Yacine Zerrouki trace son chemin.