Les jeunes et les ados d�un quartier populaire dont je vous ai parl� hier ne furent pas les seuls � r�agir � l��lection de Sarkozy. D�un point de vue plus savant, des enseignants de l�universit� m�ont parl� de la fin d�une certaine France. Pour eux, la victoire de Sarkozy signifie qu�a v�cu le vieux tissu �conomique, social, culturel construit dans la fureur des luttes de classes entre bourgeoisie traditionnelle et classe ouvri�re. En proclamant la fin de Mai 68, Sarkozy enterrait symboliquement 1936, point culminant des tr�s anciennes luttes de classes en France avec leurs moments de fureur et d�horreur comme en 1871 avec la Commune de Paris ou de conqu�tes sociales comme en 1936 avec le Front populaire. Dire que cette France a v�cu, c�est signaler que la France bourgeoise au sens culturel et politique a enfant� la France culturellement et politiquement lib�rale. Pour faire bref, Sarkozy, c�est la mort politique de De Gaulle, le passage d�une bourgeoisie lest�e par le compagnonnage des philosophes des lumi�res et d�une culture humaniste multiforme � un capitalisme financier sans complexes pour ne pas dire sans scrupules, affichant ouvertement l�interp�n�tration des pouvoirs politiques, �conomiques, m�diatiques comme cela est d�j� clair aux USA o� les anciens patrons des compagnies p�troli�res occupent les postes les plus �lev�s de l�administration. Ce capitalisme local, r�gional, familial a laiss� place � un capitalisme d�ploy� sur l�ensemble de la plan�te et qui r�alise le meilleur de ses profits hors de France, sur les terres de moindre co�t du travail. C�est, en somme, la victoire du CAC 40 sur la vieille bourgeoisie du textile qui n�existe plus ou n�existe qu�� l��tat de m�moire. Sarkozy se tromperait en parlant de la mort de Mai 68. Ce serait au contraire son accomplissement, c�t� capitaliste, en d�blayant tous les h�ritages encombrants au plan moral. La France doit passer au lib�ralisme pur et dur, liquider directement ou par ruse le code du travail, les retraites confortables, r�tr�cir les acc�s aux soins, brider le droit de gr�ve, g�n�raliser et ancrer l�id�e du m�rite et de la comp�tition dans la relation au travail, remplacer l�id�e que les gens ont des droits par l�id�e qu�ils ne peuvent plus opposer que le droit, c'est-�-dire passer par les tribunaux plut�t que par la lutte sociale, etc. L�un de ces universitaires a r�sum� par cette formule : �Nous aurons une France du Bronx sous les feux d�une France de Walt Street.� Aura-t-elle avec un Faulkner ou une Mahalia Jackson, une Ang�la Davis ou un Noam Chomsky ? A moins que leur temps aussi appartienne au pass�.