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Une sacrée monnaie d'échange
Publié dans La Nouvelle République le 30 - 01 - 2013

Le Qatar se déchaîne. Tout ce qui fait sport l'intéresse. Les conditions, l'art, la manière ou encore le comment ne le gênent pas. Doha n'aurait pas lésiné sur les moyens pour décrocher sa Coupe du monde. La diplomatie par le sport de l'état gazier a peut-être dépassé les limites, écrivait un journaliste.
Ainsi le choix du Mondial-2022 ne serait pas un choix fait dans les règles de l'art. Le grand journal français «France Football» soulève le couvercle de la marmite dans sa dernière livraison et enfonce sa fourchette dans le cœur de la FIFA. Sans ingrédients ni bonne recette, le carnet «rose» révèle qu'en décembre 2010, ce vote qui fait élire ce petit pays «dégage une odeur de scandale qui oblige à se poser la seule question qui vaille : comment a-t-on réussi ce tour de magie pour qu'il soit le pays organisateur (14 voix sur 22 et ce, au quatrième tour du scrutin face aux Etats-Unis), avait été accueilli à la surprise générale, alors que cinq pays avaient présenté leur candidature pour accueillir l'édition 2022 de la compétition reine : l'Australie, la République de Corée, le Qatar, le Japon et les Etats-Unis d'Amérique. Trois d'entre eux, les Etats-Unis d'Amérique, le Japon et la République de Corée avaient déjà organisé une Coupe du monde de la FIFA : le Japon et la Corée étaient les pays hôtes du tournoi en 2002 et les Etats-Unis en 1994. Le président Blatter avait ce jour félicité la fédération du Qatar et remercié tous les candidats pour 2022. «Merci au Comité exécutif de la FIFA grâce auquel, la Coupe du monde explorera de nouvelles terres. L'Europe de l'Est et le Moyen-Orient nous attendent. Je suis un président heureux !» A la tête de la délégation qatarie qui est montée sur scène pour recevoir les félicitations du président, Sheikh Mohammed bin Hamad Al-Thani, président du comité de candidature Qatar 2022, a tenu lui aussi, à remercier les votants de leur confiance : «Merci d'avoir donné au Qatar cette chance. Je suis fier et je vous promets que vous serez fiers de nous.» Et pourtant Platini était le premier à dénoncer ce choix au regard des conditions météorologiques, malgré des problèmes liés aux infrastructures et aux conditions météorologiques, sa candidature l'avait emporté. Mais le débat né à l'époque n'est pas prêt de s'arrêter. France Football qui publie un dossier de plusieurs pages, évoque des «actes de collusion et de corruption». Le Qatar se serait ainsi appuyé sur des personnalités d'un monde puissant comme le président de la Fédération asiatique Mohammed Bin Hammam, définitivement radié à vie en décembre dernier, le président de la Fédération argentine et vice-président de la Fifa Julio Grondona ou l'ex-président de la Fédération brésilienne (CBF) Ricardo Texeira, qui a démissionné en mars du comité de la Fifa et de la CBF sur fond d'accusations de corruption. Selon le journal FF, un rapport du Tribunal Arbitral du Sport dénonce un nombre d'enveloppes contenant chacune 40 000 dollars (environ 29 700 euros) qui ont été distribuées aux délégués de l'union caribéenne de football lors d'une réunion organisée à Trinité-et-Tobago les 10 et 11 mai 2011. Pour convaincre ses écrits ou ses déclarations, le journal fait référence à un mail interne à la Fifa dans lequel le secrétaire général de la Fédération internationale de football Jérôme Valcke déclare : «ils ont acheté le Mondial-2022». M. Valcke a par la suite plaidé la méprise et assuré que le ton de son mail était «léger». L'hebdomadaire cite aussi, le Suisse Guido Tognoni, exclu de la Fifa en 2003, qui estime qu'il «existe de forts soupçons de compromissions» au sein de Fédération internationale qui ont voté le 2 décembre 2010 pour le Qatar, dont la candidature était portée par un budget de 33,75 millions d'euros. La France serait, elle aussi, des invités du Qatar et donc au cœur du scandale. France Football évoque «une réunion secrète» pas n'importe où, au Palais de l'Elysée, le 23 novembre 2010, soit une dizaine de jours avant le vote de la Fifa, entre le président de la République Nicolas Sarkozy, le prince du Qatar, Tamin bin Hamad al-Thani, Michel Platini, président de l'UEFA, et Sébastien Bazin, représentant de Colony Capital, propriétaire du Paris SG, (alors) en proie à de grosses difficultés financières. «Au cours de cette réunion, écrit le journal, il a tour à tour été question du rachat du PSG par les Qataris (ndlr : effectif en juin 2011), d'une montée de leur actionnariat au sein du groupe Lagardère, de la création d'une chaîne de sport (la future BeIn sport) pour concurrencer Canal+ – que Sarkozy voulait fragiliser –, le tout en échange d'une promesse : que Platini (président de l'UEFA) ne donne pas sa voix aux Etats-Unis, comme il l'avait envisagé, mais au Qatar». L'on pourra lire dans l'une de ses pages que l'instance internationale du football s'est amusée à ouvrir en juillet 2010 une enquête qu'elle avait confiée à un ancien procureur fédéral de New York en la personne de Michael Garcia à la tête de la commission d'éthique. Selon FF, cette commission, aidée par des anciens du FBI et de la CIA, a pu mettre à jour «l'architecture mondiale de toutes les faveurs d'après-scrutin». Toujours selon FF, la FIFA pond un communiqué dans lequel cette instance reconnaît «une crédibilité à toute allégation de mauvaise conduite individuelle». Le Qatar assure pour sa part, avoir respecté «les plus hauts standards d'éthique et de morale tels qu'ils étaient définis dans les règlements et le cahier des charges.» Quel sale dossier collé à la peau de personnalité de haut rang. Le football est devenu un jeu presque de hasard qui touche le plus petit comme le plus «gros». Que se passera-t-il demain si les faits de corruption étaient toutefois avérées ? Sauf que ce n'est ce n'est pas la première fois qu'un scandale éclabousse les conditions d'attributions d'un évènement sportif planétaire (Mondial-2006 en Allemagne, jeux olympiques d'hiver de Salt Lake City...). «Les Qataris n'ont fait qu'appliquer des méthodes historiques dans ce milieu. Je ne dis pas que je cautionne, mais si l'on critique cette décision, qu'on élargisse le débat et qu'on ne cible pas sans cesse le Qatar», explique à France Football Luc Dayan, président du RC Lens et fin connaisseur des milieux qataris. Nabil Ennasri, chercheur et auteur de «L'Enigme Qatar» (sortie le 6 mars), se pose un peu la même question : «Pourquoi ça sort maintenant ? Si le Qatar a corrompu, c'est d'abord parce que la Fifa est corruptible». Car si les faits reprochés à l'Emirat son évidemment graves, ils prennent encore plus de résonance avec le profil du coupable. «Si c'était le fait d'un état occidental, je ne sais pas si on aurait eu la même charge symbolique, poursuit Ennasri. Le Qatar devient cristallisant et clivant dans la société française, parce qu'on a toujours du mal à parler de manière sereine avec tout ce qui se rapporte à l'Islam ou au monde musulman», devait-il conclure.

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