La conjoncture malienne n'est pas aussi complexe que l'on voudrait nous le laisser imaginer. Quels sont les ingrédients et la recette de cette bouillabaisse françafrique ? Voici que l'armée malienne de service, ses généraux trafiquants et son capitaine gourmand avaient besoin du soutien de la «mère patrie» pour rétablir l'autorité impérialiste sur leur pays failli. Aussi, une coalition de circonstance fut vite rameutée par la CEDEAO sous la houlette de M. Ouattara, le présidentié reconnaissant, coprésidé par Compaoré, le dictateur avéré et gracié. Hollande, fier de son blanc-seing, lança ses hordes meurtrières, bombardiers, blindés motorisés, bombes à fragmentation et drones nouvellement équipés aux trousses des populations désarmées et des mercenaires déglingués et des Touareg révoltés (MNLA et Ansar Dine) et surtout à la reconquête française des mines d'or maliennes de la Françafrique. Les «islamistes» de service, comprenant enfin le message de leur ex-employeur et futur créancier, se retranchèrent dans les montagnes de l'Adrar et de Gouma où ils seront peut-être contenus si les soldats de la force d'intervention africaine se résignent à compléter leur formation et à se présenter au front afin de défendre l'impérialisme français au Mali. Les meurtriers motorisés d'hier, aujourd'hui retranchés dans les montagnes du Sahel, seront probablement bombardés par les Rafales de la Françafrique, histoire de leur faire observer qu'ils n'ont pas mission d'occuper ou d'administrer les populations et les mines d'or des néo-colonies faillies. Ces tâches bancales sont assignées aux marionnettes désignées et à leurs armées subventionnées après élections truquées, où l'Elysée tranche qui est élu et qui est battu. Que ces mercenaires poltrons «terroristes-islamistes» de service attendent patiemment leur prochain ordre de mission pour attaquer le Niger, le Tchad, la Mauritanie ou, qui sait, l'Algérie, que l'OTAN ou la France leur assigneront en temps voulu. Pour ce qui a trait aux révoltés touaregs, ils peuvent se maintenir sur leurs terres ancestrales s'ils sont obéissants-repentants et à condition qu'ils n'embêtent personne et surtout pas les minières (or et uranium) monopolistes qui exploitent la force de travail local et spolient les ressources nationales. De quel côté se ranger ? Au milieu de ce salmigondis, l'intellectuel Samir Amin se défend d'appuyer l'impérialisme français mais se prononce en faveur de l'intervention des impérialistes français qui ont bien raison, dit-il, de réprimander leurs terroristes au chômage et de reprendre le contrôle de leur néo-colonie faillie, mais sans la maintenir comme un Etat client dominé et exploité. Mais, pourrait-on rétorquer, c'est exactement le but recherché : replacer la néo-colonie en Etat de marche en tant que courroie de transmission entre les puits de mine et les usines en France métropolitaine. Deux intellectuels protestent, outrés contre leur ami Samir Amin qu'ils réprimandent vertement. Au nom de la «souveraineté» malienne – inexistante comme nous venons de le constater – et au nom de la fraternité entre la bourgeoisie malienne dominée et les capitalistes monopolistes français dominants et occupants, ils écrivent : «(...) et si ces sommes considérables (30 millions d'euros d'effort de guerre français au Mali, Ndlr) étaient affectées au développement et à la coopération réelle du Mali avec la France, que resterait-il aux fameux «islamistes» ou aux séparatistes touaregs, ou à leurs alliés du Qatar et d'ailleurs, comme espace politique pour intervenir ?» Deux questions confrontent ces internationalistes. Pourquoi dénoncer la lutte de libération nationale que mène la bourgeoisie touarègue de l'Azawad et pourquoi dans ce conflit, prendre parti en faveur de la bourgeoisie malienne compradore du Sud contre celle du Nord ? Question encore plus importante : que resterait-il comme espace aux impérialistes français pour spolier la plus-value des ouvriers, la rente foncière des paysans, le profit des artisans et les ressources naturelles du Mali si la France se mettait tout à coup à affecter les crédits de l'Etat bourgeois français au développement et à la coopération fraternelle ? L'Etat français bourgeois ne verse pas le sang de ses soldats et ne débourse pas de tels montants pour aider le Mali à devenir prospère et indépendant. Si c'était le cas, il lui suffirait de se retirer du Mali et d'abandonner à son sort la bourgeoisie compradore qu'elle y a implantée et de cesser d'armer ses flibustiers. Comme vous le comprenez, cette guerre de la diplomatie de la canonnière Françafrique au Mali est une querelle de famille entre petits et grands bandits et leurs thuriféraires, tous divisés sur les modalités de sujétion du peuple malien. L'islam, la souveraineté nationale, la coopération équitable et fraternelle, la démocratie, l'emploi, le développement social, la croissance économique, le prix des produits agricoles et le peuple malien ne comptent pour rien dans cette échauffourée entre vauriens. Les progressistes et les internationalistes du monde entier n'ont qu'à se ranger du côté des paysans, des artisans et des ouvriers du Mali et de leurs familles, la grande majorité de la population malienne qui ne veut pas de cette guerre, ni de l'arbitraire. Souhaitons que les différents peuples regroupés dans cette fédération hétéroclite, appelée Mali sauront s'unir et s'armer et, comme l'immense peuple algérien en 1962, chasser la puissance néocoloniale, ses terroristes-islamistes sous-traitants et les larbins nationaux stipendiés. La France hors du Mali ! (Suite et fin)