A l'initiative de l'association Médracen que préside l'éditeur Azzedine Guerfi (Dar chihab), une rencontre culturelle – la deuxième après celle de l'historique Méchati – a été organisée samedi dans la salle de conférences du Centre de recherches universitaires de Batna où la vedette a été le cinéaste Ahmed Bedjaoui. C'est en présence d'une assistance modeste mais de qualité dont M. Hamouda Abderrazak, le fils du chahid Si El Haouès et également professeur à l'université, que M. Ahmed Bedjaoui a évoqué le parcours du cinéma algérien en 50 années d'indépendance. Auparavant, le recteur de l'université de Batna, le professeur Tahar Benabid a tenu à souhaiter la bienvenue au cinéaste et ce, au nom de la famille universitaire de Batna. Le recteur a déclaré que Batna reçoit en fait une «école» et souhaita que la visite puisse inaugurer une amitié longue et fructueuse entre l'université de Batna et M. Bedjaoui. Pour sa part, Kamel Guerfi, de l'association Médracen, salua en Bedjaoui, un des pionniers du cinéma algérien, l'ex-présentateur du télécinéclub à l'ENTV, le maître de conférences à l'université III d'Alger (audio-visuel) et le producteur de soixante-dix films longs métrages et une centaine de courts métrages. Rien ne s'obtient sans la communication Ahmed Bedjaoui, cinéaste depuis 1966 après sa sortie de l'institut du cinéma de Paris (IDEHC), a lancé à l'assistance qu'il n'aimait pas regarder dans le rétroviseur mais plutôt scruter l'avenir. Il a rappelé que la lutte armée du peuple algérien s'était déroulée de 1954 à 1958 en accusant un déficit total en communication. Les politiques algériens (il a cité entre autres M'hammed Yazid, Rédha Malek et Pierre Chaulet) comprirent le besoin crucial de cet outil de propagande pour faire triompher la cause algérienne sur la scène internationale. «Les grandes victoires militaires ne servent à rien si elles ne sont pas relayées par l'information ou la propagande», insista-t-il. La première œuvre est, selon le conférencier, celle de Djamel Chanderli et Tahar Hanèche, produite six mois avant le déclenchement de la lutte armée. Plus tard, René Vautier puis René Clément et d'autres dont des Algériens réussiront à réaliser dans le feu de l'action, des films sur le combat des Algériens, et même à faire passer en un temps record des reportages filmés, le jour même de certaines actions militaires, sur la chaîne TV américaine CBS. Le monde prenait ainsi, conscience de la cause algérienne, un peuple qui luttait contre l'abjecte colonisation. C'est grâce au film «Yasmina», dira Bedjaoui, que le président américain John Fitzgerald Kennedy adhéra à la cause algérienne. Esquissant les contours du cinéma algérien, en 50 années d'indépendance, Bedjaoui s'est remémoré certaines œuvres de la filmographie nationale avec des données et analyse pertinente à l'appui. Il est d'avis que le cinéma algérien n'a pas encore traité avec d'autres approches, la révolution à l'écran. Comme porté vers l'avenir, Ahmed Bedjaoui mettra en exergue, la qualité et la thématique des jeunes réalisateurs de la nouvelle génération dont il soulignera qu'ils ont produit du «sens». Pèle mêle, il citera Bouchareb (5 fois nominé), Amar Hakkar de Khenchela (détenteur de 10 prix), Yanis Koussim, le Sétifien et d'autres. Ceci, sans oublier de rappeler la palme d'or du festival de Cannes, attribuée au film «Chroniques des années de braise» de Lakhdar Hamina. La propension des Algériens au sentiment nationaliste a été démontrée par Bedjaoui à travers le cas d'un film, celui de l'Algérien né en France Ounoughi «Mon oncle, ce héros». La famille de ce jeune ayant quitté l'Algérie pour la France en 1945, probablement après les massacres coloniaux. Dans son film présenté au festival d'Alger, Ounoughi a pu raconter son présent qui n'a pas de lien avec l'Algérien par le passé de son oncle, un ancien militant de la Fédération de France du FLN. Comme quoi, il y a mille et une manières de raconter une histoire, un lien, une reconnaissance ou un sentiment, comme dira le conférencier. Quel cinéma algérien pour l'avenir ? Malgré le scepticisme qui ronge les gens du métier, anciens et nouveaux, Bedjaoui conserve lui de la verve et de l'espoir. Celui de voir l'Etat algérien lever toutes les contraintes bloquant chez nous l'activité cinématographique. Au passage, il regrette que les salles de cinéma aient été soustraites à l'industrie cinématographique d'où l'effondrement de l'industrie algérienne du cinéma. «Aussi bien pour les professionnels que pour les amateurs, il faut des salles et des producteurs. Et quand on a des salles l'on a le public», assurera-t-il avec conviction. Pour lui, nous assistons actuellement à certains débuts de solutions, saluant le Premier ministre Abdelmalek Sellal et sa visite à Annaba où il aurait été question entre autres de la réouverture des salles de cinéma et de confier leur exploitation à des jeunes promoteurs de l'ANSEJ. Restera l'ENTV qui ne diffuse pas assez de films de jeunes réalisateurs, ancienne et nouvelle vagues. Nedjai Mohamed Salah, membre de l'association Médracen, modérateur du Forum et professeur à l'université, a eu bien raison de dire «qu'il y a lieu de désenclaver le cinéma et la culture». Tout un programme. Signalons qu'Ahmed Bedjaoui a signé et dédicacé son livre «Images et visages/Au cœur de la bataille de Tlemcen» dont les illustrations ont été réalisées par son ami l'artiste Denis Martinez. Bedjaoui a promis de revenir à Batna.