La justice allemande examine à partir de mercredi la plainte de proches de civils tués par un raid aérien en Afghanistan ordonné par le commandement allemand de l'Otan, qui réclament quelque 3,3 millions d'euros à l'Allemagne. Ce bombardement qui a fait des dizaines de morts le 4 septembre 2009 près de Kunduz, dans le nord-est du pays, a été présenté par le Bundestag, la chambre des députés allemands, comme «l'un des plus graves incidents impliquant l'armée allemande depuis la Seconde guerre mondiale» et les crimes de la Wehrmacht. L'affaire avait tourné au scandale politique, provoquant la démission du ministre de la Défense et de hauts gradés. Le tribunal de grande instance de Bonn (ouest) va se pencher dans un premier temps sur deux plaintes déposées par des parents de personnes tuées lors du raid. Un père de famille réclame 40 000 euros de compensations après la mort de deux de ses enfants dans cette frappe aérienne, tandis qu'une veuve et mère de six enfants réclame 50 000 euros à l'Etat allemand. Au total, 79 familles sont impliquées dans cette procédure. L'Allemagne a annoncé qu'elle allait demander un rejet de la plainte, selon un communiqué du tribunal de Bonn, où sera jugée cette affaire car le ministère de la Défense a toujours son siège dans l'ancienne capitale. Nil les plaignants, ni les éventuels témoins n'ont été invités à l'audience de mercredi. «Il ne faut pas non plus tabler sur une décision de la Chambre dès la fin de cette audience», selon la même source. Aux Etats-Unis de tels procès de civils contre des actions militaires ont déjà eu lieu, mais la démarche apparaît inédite en Allemagne. La frappe à Kunduz, dans une région où la Bundeswehr est engagée depuis 2003, a fait plus de 90 morts et des blessés mais le nombre de civils tués reste incertain. L'avocat des victimes en Allemagne, Karim Popal, avance le nombre de 137 civils tués mais Berlin n'a jamais confirmé. «A cause de ce crime barbare, de nombreux orphelins et veuves ont perdu celui qui les nourrissait et beaucoup de mères ont perdu leurs enfants», estime Me Popal, un Germano-Afghan installé à Brême (nord). A la demande du commandement allemand dans le nord de l'Afghanistan, où étaient alors déployés 4 500 soldats de la Bundeswehr, des avions américains de l'Otan avaient bombardé deux camions-citernes volés par des talibans. Le colonel allemand Georg Klein, à l'origine de la frappe, craignait que les insurgés n'en fassent des bombes roulantes. Berlin avait tenté de minimiser l'affaire devenue très vite politique avant de tourner au scandale entraînant la démission du ministre de la Défense de l'époque, Franz Josef Jung, du chef d'état-major et d'un secrétaire d'Etat à la Défense. Une commission d'enquête parlementaire avait été créée et la chancelière Angela Merkel avait dû témoigner.