Jusqu'à 90 morts et de nombreux blessés ont été recensés. Les questions hier tournaient sur le nombre de civils tués alors que l'Otan affirme que les morts sont des taliban. Jusqu'à 90 personnes ont été tuées hier dans le nord de l'Afghanistan dans le bombardement de citernes de carburant par les forces internationales, le nombre encore incertain de civils parmi les victimes poussent l'ONU, l'Otan et Kaboul à promettre des enquêtes. L'armée allemande, qui dirige les opérations militaires de l'Otan dans cette province de Kunduz, avait d'abord assuré que le bombardement, qui visait deux camions citernes volés par les taliban, n'avait tué que des insurgés et aucun civil. Puis un de ses porte-parole, à Berlin a tempéré en précisant que la Bundeswehr n'en n'était pas sûre à «100%». A la mi-journée, Mahbubullah Sayedi, le porte-parole du gouvernement de la province de Kunduz, où a eu lieu le bombardement, a assuré qu' «environ 90 personnes» avaient été tuées, «des taliban pour la plupart». Le porte-parole du gouvernement fédéral, Zemaraï Bashary, a, lui, évoqué la mort de «50 à 55 taliban armés» ainsi que de «quelques civils», ajoutant que Kaboul envoyait une équipe pour enquêter. Peu après le bombardement, un responsable de la police locale, mais aussi le porte-parole du ministère afghan de la Santé, avaient laissé entendre que le nombre des civils «tués ou blessés» était important, les taliban ayant invité des villageois à venir se servir en carburant quand l'un des camions, dont ils s'étaient emparés la veille s'est embourbé dans le lit d'une rivière. Entre 200 et 250 villageois s'étaient massés autour de la citerne au moment de la frappe, assurait à Kaboul le porte-parole du ministère de la Santé, Farid Rahil. «Hélas, un grand nombre de civils ont été tués et blessés», ajoutait-il. Ces déclarations contradictoires illustrent le malaise provoqué par cette frappe aérienne en plein processus de dépouillement de l'élection présidentielle du 20 août. Le sortant Hamid Karzaï, qui bénéficie du soutien de la communauté internationale depuis qu'elle l'a installé au pouvoir fin 2001, est le grand favori mais il est accusé de fraudes massives par ses adversaires. Or M.Karzaï avait vitupéré ces derniers mois contre les forces internationales, essentiellement américaines, après une série de bombardements sans discrimination qui avaient fait de nombreuses victimes civiles. La Force internationale d'assistance à la sécurité (Isaf) de l'Otan a été la première a annoncer une enquête hier. Puis l'ONU, par la voix du numéro 2 de sa représentation en Afghanistan, Peter Galbraith, l'a réclamée avec insistance et a dépêché une équipe sur place. «Tout doit être entrepris pour examiner ce qui s'est passé et pour savoir pourquoi on a recours à une frappe aérienne dans des circonstances dans lesquelles il est difficile de déterminer avec certitude s'il n'y a pas de civils sur les lieux», a-t-il dit dans un communiqué. Puis, depuis Bruxelles, le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, a promis une enquête «immédiate et complète». Et enfin, Londres, dont les soldats sont le 2e contingent des forces internationales en Afghanistan, loin derrière les Etats-Unis, a réclamé des investigations «urgentes» pour ne pas saper la confiance de la population dans la présence internationale. Ce bombardement survient au moment où les Etats-Unis confirment le changement de stratégie annoncé par le président Barack Obama dès son élection, avec pour objectif de gagner la confiance des populations. Lundi, le nouveau chef des forces américaines et de l'Otan en Afghanistan, le général Stanley McChrystal, avait ainsi recommandé dans un rapport de «revoir la stratégie» des troupes internationales après huit années de conflit. Son prédécesseur avait été écarté par Washington après la multiplication de bombardements meurtriers pour les civils.