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Football, acteurs et vices
Publié dans La Nouvelle République le 16 - 04 - 2013

Vivre le football en direct provoque et conforte à la fois. Sur le terrain, ce sont des joueurs professionnels qui évoluent et qui se distinguent par des comportements sportifs mais aussi par des actes qui relèvent du théâtre.
Du coup, l'on regrette d'avoir acheté un ticket pour aller passer 90' dans un stade où le jeu n'est pas le jeu espéré. Les dernières confrontations rentrant dans le cadre des éliminatoires de la coupe d'Algérie, censées être la référence de notre football par de très belles affiches et un spectacle de haut niveau, sont malheureusement passées à côté de la barre. L'on a eu droit plutôt à un autre art qui déçoit celui conjugué par quelques différents acteurs dont des gardiens, joueurs et arbitres. Les premiers ralentissent le jeu et ne se relevant qu'après 15'' dans une partie de football qui a atteint sa vitesse de croisière. Les seconds brisent cet élan qui aurait pu donner la meilleure impression de la partie. Le troisième par ces quelques erreurs fausse le jeu, ce qui soulève la colère des joueurs, supporters et même des entraîneurs. Ces directeurs de jeu qui se trompent ne sont heureusement pas nombreux, il y a ceux qui honorent notre arbitrage et ils arbitrent des rencontres à l'échelle africaine. Enfin, la saison s'efface et l'on ne gardera encore comme souvenir que ces manières qui froissent le sport. Il y a certes des rencontres que l'on aimerait voir et revoir souvent grâce aux comportements exemplaires de la majorité des joueurs qui créent du beau spectacle relevé par un excellent niveau d'arbitrage, malheureusement souvent ce beau spectacle disparaît de nos écrans pour laisser place à la tromperie, à un arbitrage moyen, à de la comédie et à l'énervement qui ne se justifie pas mais qui rentre dans le cadre du théâtre. Des tableaux que l'on a tendance à mépriser, souvent lorsque l'on en est la victime. Sur ce point précis, lorsque l'arbitre maîtrise la rencontre, il est pris en sandwich par des joueurs, pourtant expérimentés, ceux là même qui n'admettent pas la faute ou le but. Il s'agit du vice qui permet de tenter de tromper l'arbitre à son avantage et de condamner l'adversaire à un rôle de spectateur, victime impuissante. «Le vice dans le football, c'est l'art de tromper de manière spontanée», reconnaissent les experts de la balle ronde. «Tromper en utilisant le vice serait moins flatteur car cette tactique ne récompense pas un esprit d'initiative tandis qu'elle gratifie la transgression. Cependant, cette filouterie est souvent une prise de risque. Proche du bluff, elle peut être sanctionnée et le défenseur pourra, par exemple, prendre sur lui la possibilité d'être exclu plutôt que de laisser un attaquant marquer.» Dans ce cinéma et outre le dévouement dont il témoigne, l'acteur possède la bravoure de celui qui n'hésite pas à remettre son destin à l'appréciation de l'arbitre. Un rédacteur explique dans une étude que «lorsque l'on n'est pas assez grand pour reprendre un ballon de la tête, on décide de placer la main. C'est aussi le cas lorsque l'attaquant est plus rapide que le défenseur et que ce dernier, après avoir analysé la position de l'arbitre, décide d'effectuer une manchette de volleyeur pour empêcher l'attaquant de profiter d'une longue ouverture». C'est reconnaître que l'idée de défendre à armes égales est souvent abandonnée, mais l'aspiration à tirer profit de la situation n'a jamais été aussi aiguë. Enfin, le dernier exemple, le dernier match MCA –ESS, montre comment un arbitre peut être aveuglé par une pression que personne ne peut expliquer. Le penalty accordé par le directeur du jeu n'était pas correct, le défenseur avait tendu la jambe lors d'un duel dans la surface, même si il n'y a pas de contact, il s'est placé dans les conditions d'être sanctionné par l'arbitre. De fait, le trompeur maximise une situation en sa faveur. Indéniablement, c'est une forme que nous qualifierons d'intelligence. Elle ne couronne certes pas la maîtrise d'un geste technique mais elle immortalise la fascinante intuition, l'intelligence sauvage d'un joueur habile à mettre en relation un ensemble de paramètres afin d'en tirer parti. C'est dire que dans le cas d'une simulation, ce n'est pas l'adversaire que l'on s'évertue d'abuser mais la perception de l'arbitre. C'est pourquoi le joueur sanctionné ressent une telle amertume au moment de la décision de l'homme en noir. Il enrage parce que l'autre n'a pas rivalisé avec lui. Le malicieux a engagé un rapport de force avec un acteur extérieur mais dont l'influence sur le déroulement d'un match est tout aussi notable. Ainsi, celui qui fait preuve d'une telle facétie nie la conscience de son opposant. Effectivement, «l'adversité procède d'un premier degré de reconnaissance, comme en témoigne la poignée de main protocolaire échangée entre les deux équipes juste avant le match», relate Mathias Roux lorsqu'il ambitionne d'illustrer le concept philosophique d'Autrui dans Socrate en crampons. Par conséquent, la lutte sportive fait de l'antagonisme la condition même de la reconnaissance des consciences. L'affrontement dans le jeu répond au besoin d'un alter-ego qui manifeste sa reconnaissance par la résistance qu'il exprime, par une lutte qui témoigne qu'autrui et moi sommes l'un envers l'autre dans la même disposition. Quand l'un ne résiste pas en agissant dans les mêmes conditions que l'autre, la relation se brise. Pour autant, ce défilement est-il à pourfendre ? «Je suis homme et rien de ce qui est humain ne m'est étranger», écrivait Térence. Et d'ajouter à juste titre «regretter ou condamner l'existence de ces agissements équivaut à nier les zones d'ombres dont tirent bénéfice les joueurs : l'appréciation de l'arbitre, les angles morts dont il peut souffrir, sa distance par rapport à l'action, etc. Des marges d'erreur qui confèrent au football son humanité dont les acteurs de ce sport auraient tort de se priver. Car tout comme le défenseur prend le risque d'être expulsé plutôt que de laisser un attaquant filer au but, celui qui utilise le vice régulièrement intègre la probabilité d'écorner son image, d'être dans le viseur des arbitres, d'être hué lors des déplacements de son équipe.» Par le biais de la question de la tromperie, le football démontre sa triangularité : beau, immonde et souvent absurde. Le football grandit, peut être la saison prochaine, il offrira du beau spectacle.

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