«En politique, rien n'arrive par hasard. Chaque fois qu'un événement survient on peut être certain qu'il avait été prévu pour se dérouler ainsi.» Franklin D. Roosevelt, 32e président des Etats-Unis Le modèle macro-économique de notre pays repose entièrement sur la fiscalité pétrolière qui génère 60 à 80 % du budget de l'état. Compte tenu des différents scandales qui ont occupé l'actualité et défrayé la chronique ces derniers mois, le mouvement de citoyenneté a décidé de se focaliser sur l'analyse du secteur énergétique et la politique économique qui le porte. Sachant l'importance des hydrocarbures pour l'Algérie qui représentent 97 à 98% des recettes à l'exportation et conditionnent donc si totalement son développement immédiat. Analyse qui nous a conduits à des conclusions effarantes qui vont bien au-delà de ce que nous annoncions déjà dans notre appel du 17 octobre 2012. «L'économie va mal, tant elle est basée sur la rente. Les exportations d'hydrocarbures couvrent 98% des entrées en devises malgré les efforts déclarés de sortir de la spirale de dépendance. Les activités stratégiques souvent mises sur pied au prix de grands sacrifices dans les premières années d'indépendance ont purement et simplement été bradées. Le recours à l'importation anarchique est devenu la règle. L'Algérie importe même des ouvriers alors que, comme chacun sait, une grande partie de sa jeunesse est au chômage, sans ressources, frustrée, désespérée». Etat et perspectives Tous les pays pétroliers n'échappent pas à la baisse inéluctable de la production qui survient après le «pic pétrolier». Tout comme les Etats-Unis en 1971, l'Indonésie et la Malaisie plus récemment, l'Algérie est passée par son pic pétrolier en 2006 et s'est engagée dans un processus de décroissance continue et inéluctable de la production en pétrole conventionnel (déplétion). Cependant, contrairement à l'Algérie, les autres pays disposent d'une économie diversifiée et d'un modèle macro-économique qui se projette sur le long terme avec la mise en place d'instruments de veille et de planification des ressources alternatives. Compte tenu des réserves dont elle disposait en 2006, soit 12,2 milliards de barils, l'Algérie avait une espérance d'environ 20 années de production de pétrole brut sur la base de la production annuelle actuelle. Mais bien moins de 20 années, dans une hypothèse de production «artificiellement» boostée, comme en 2001-2004. D'autre part, la consommation intérieure de pétrole, sous ses formes raffinées, a énormément augmenté. Le taux de croissance annuel de la consommation de 2000 à 2011 est supérieur à 7 %, ce qui entraînera un doublement de la consommation en 10 ans. Tout récemment, le directeur d'Alnaft a cité un taux de croissance de la consommation de 15 à 20%, soulignant ainsi son caractère exponentiel. En termes de tendance, par conséquent, les exportations de pétrole brut et de condensats baisseront selon un taux annuel moyen de l'ordre de 15 % du fait de la croissance de la consommation domestique et de la déplétion des gisements. Ainsi, la conjonction de la décroissance de la production, sous l'effet de la déplétion et du renouvellement insuffisant des réserves et de la croissance exponentielle de la consommation domestique de produits raffinés conduira inévitablement à la diminution progressive des exportations pétrolières, puis à leur cessation et, partant, au tarissement des sources de financement du budget de l'Etat et de soutien de la parité du dinar. Ce scénario catastrophe, plus que vraisemblable, serait marqué par : - un déficit énergétique avant 2020 - un déficit fiscal et un déficit de la balance des paiements avant 2016. Ce dernier déficit, qui aura pour conséquence directe la descente aux enfers programmée de ce modèle économico-financier, réclame l'attention des citoyens concernés par leur nation, leur Etat, leur sécurité nationale (budget défense), leur emploi, leur salaire, leur retraite, l'éducation de leurs enfants et petits-enfants (budget éducation), leur santé et celle de leur famille (budget santé), leur budget familial (prix et spirale inflationniste) et, enfin, la disponibilité des biens et services dans un pays où presque tout est importé en l'absence de production nationale substantielle et/ou compétitive. Cependant, même s'il paraît grave, ceci pourrait être encore aggravé en cas de chute durable des prix du pétrole, tel que mentionné dans les prévisions des organismes spécialisés et qui se fondent sur la volatilité des prix. Cette chute est possible en cas de découverte technologique qui viendrait réduire le coût des hydrocarbures marginaux, lesquels coûts évoluent actuellement entre 50 et 80 dollars le baril. Mais ce scénario d'effondrement des prix serait pire que la catastrophe économique de l'ajustement structurel de 1994 car, contrairement à 1994, l'Algérie de 2013 devra faire face au tarissement des ressources. De manière concrète et simplifiée, cela signifie qu'en l'absence de production pétrolière pourvoyeuse de fiscalité, l'Algérie connaîtra progressivement à partir de 2014 et sans l'ombre d'un doute une limitation drastique du financement des budgets de développement et de fonctionnement. Cela aura pour conséquence la grave situation suivante : fonctionnaires sans salaires licenciements massifs subventions supprimées (pain, sucre, huile, etc.) prix des carburants multipliés par 10 eau, électricité non accessibles (retour à la bougie et au charbon de bois ?) limitation drastique des importations avec les innombrables conséquences sur les coûts des biens, des services et le fonctionnement des PME compression, voire suppression des budgets santé, éducation, assistance sociale, moudjahidine, retraites, etc. La pauvreté va se généraliser et la misère populaire atteindra un seuil intolérable qui menacera l'unité du pays, sa sécurité et même son existence. Seul un véritable «plan de guerre» permettrait d'éviter ce scénario catastrophe, à condition, cependant, de «renverser totalement la vapeur» et d'agir dès aujourd'hui. Les causes L'Algérie sera confrontée à ce cauchemar pour plusieurs raisons ou causes concomitantes, dont : a) des erreurs stratégiques graves qui ont été à la base de la politique pétrolière algérienne de 1999 à 2013. b) l'absence totale de contrôle de la politique et de la gestion du secteur de l'énergie et gel des activités du Haut Conseil à l'énergie. c) la politique de «désertification humaine». Pourtant la complexité technique et économique de la gestion des gisements pétroliers requiert des cadres très compétents, patriotes et motivés. d) l'absence de vision stratégique à long terme visant l'émergence du pays et plaçant le citoyen algérien au centre des préoccupations. Mais l'analyse de ce cauchemar macro-économique a aussi permis d'identifier un nombre étonnant de «dossiers sensibles», caractérisés par des déviations hors normes par rapport aux usages dans le monde (coûts multipliés par 150 à 200 %, voire 300 %) et de projets stratégiques voués à l'absence totale et irréversible de rentabilité et de compétitivité, GNL en particulier. Quelques cas de dossiers sensibles Après 2005, année d'augmentation des prix et de la manne pétrolière, pratiquement tous les grands projets d'investissement constituaient une cible et une proie certaines pour les commissions et les surfacturations. La démonstration de cette gabegie repose sur l'évidence des surfacturations qui peuvent être aisément calculées par un tout expert qui dispose d'une base de données. Or, ces surfacturations ne peuvent être commises que s'il y a connivence du côté algérien, connivence mue et «récompensée» par le système de commissions. Ce système généralisé repose sur une mécanique simple : - gré à gré ou faux appels d'offres ; entente et oligopole entre quelques entreprises. système de sous-traitance - doublement, voire triplement du montant de l'investissement. - monopole de l'accès aux matières subventionnées (gaz naturel algérien) - financement en devises entièrement supporté par l'Algérie pour des projets supposés en partenariat. Les cas étant innombrables, nous ne concentrerons notre attention que sur quelques-uns. Projets de liquéfactions GNL. Investissement de 3 à 4 milliards de dollars au lieu de 1,5 : il s'agit des projets de GNL d'Arzew (avec Saipem) et de Skikda (avec KellogBrown&Root -Halliburton). La presse a suffisamment évoqué les travers du contrat GNL d'Arzew (Affaire Saipem). Dans le cas du contrat GNL de Skikda nous relevons les déviations suivantes : contrat attribué en gré à gré à KellogBrown&Root (Halliburton) montant initial du projet 2,5 milliards de dollars, réévalué à plus de 3 milliards. A titre de comparaison le montant du projet similaire en Guinée équatoriale est de 1,5 milliards de dollars. Même l'Agence Internationale de l'Energie (AIE), s'était inquiétée de cette dérive. Enfin, avec un tel coût (amortissement), le gaz naturel liquéfié de Skikda et d'Arzew ne sera pas compétitif par rapport à celui du Qatar, de l'Egypte et du Trinidad, et sera donc vendu à perte. Projets d'engrais en partenariat à environ 2,5 milliards de dollars au lieu de 700 à 800 millions. Il s'agit de deux contrats de construction et d'exploitation d'usines d'engrais «ammoniac-urée», l'un en partenariat avec Orascom et l'autre avec Suhail Bahwan Group Holding LLC (SBGH Oman). Les deux projets passés en gré à gré sont similaires quant aux surfacturations. (A suivre)