Deux journalistes du Monde ont été témoins de l'utilisation d'armes chimiques par l'armée de Bachar el-Assad contre les rebelles, en Syrie. Le quotidien publie un reportage fouillé de deux de ses envoyés spéciaux, Jean-Philippe Rémy et Laurent Van der Stockt, qui sont partis deux mois dans le pays, et racontent: «Une attaque chimique sur le front de Jobar, à l'entrée de la capitale syrienne, cela ne ressemble d'abord à rien. A rien de spectaculaire. A rien, surtout, de détectable. Tel est le but recherché: lorsque les combattants de l'Armée syrienne libre (ASL) les plus avancés dans Damas comprennent qu'ils viennent d'être exposés à des produits chimiques par les forces gouvernementales, il est trop tard. Quel que soit le gaz utilisé, il produit déjà ses effets, à quelques centaines de mètres seulement d'habitations de la capitale syrienne [...] Pas d'odeur, pas de fumée, pas même un sifflement indiquant l'éjection d'un gaz toxique. Puis sont apparus les symptômes. Les hommes toussent violemment. Les yeux brûlent, les pupilles se rétractent à l'extrême, la vision s'obscurcit. Bientôt, surviennent les difficultés respiratoires, parfois aiguës, les vomissements, les évanouissements. Il faut évacuer les combattants les plus touchés, avant qu'ils n'étouffent. De cela, les envoyés spéciaux du Monde ont été témoins plusieurs jours d'affilée dans ce quartier à la sortie de Damas, où la rébellion a pénétré en janvier.» Pour les journalistes, la gravité des cas, leur multiplication et la tactique d'emploi de ces armes montre qu'il ne s'agit pas simplement de gaz lacrymogènes, mais d'armes chimiques bien plus toxiques.