La pièce de théâtre Er'roukoue lith'thara (L'inclination à la terre) du théâtre régional d'El-Eulma, a été présentée jeudi, à Alger, au Théâtre national algérien (TNA), mettant en avant la détermination et l'opiniâtreté d'un homme, Larbi Ben M'hidi, à taire et préserver les desseins de la révolution face à ses bourreaux, aux méthodes de torture ignominieuses et inhumaines. Mis en scène par Aïssa Djekati sur un texte de Abdelhalim Boucheraki, le spectacle, dénonçant les supplices physiques infligés aux Algériens durant la Guerre de Libération, sonne tel une interpellation solennelle de l'Histoire autour du traitement infligé à Larbi Ben M'hidi lors des interrogatoires et des faits abominables et cruels qui ont conditionné sa mort. Dans une mise en situation d'une violence visuelle insoutenable, Larbi Ben M'hidi, joué par Hichem Guerguah, est arrêté et emmené dans un abattoir où des Algériens, ligotés et suspendus, le corps, sans force, mutilé et lacéré, gémissent de douleur. Devant le regard rogue et méprisant du général Marcel Bigeard qui a juré «pouvoir faire passer Larbi Ben M'hidi aux aveux, faute de quoi, il se jetterait à la Seine», le spectacle d'une densité palpable a redoublé d'intensité dans un rythme progressif à ascendance régulière. Le général Bigeard et son subordonné le colonel Robert ayant fait venir les journalistes et quelques amis, leur annoncent avec emphase, la nouvelle de la capture du premier homme de la révolution algérienne, promettant, verres de vin à la main, de «lui tirer les vers du nez». Se heurtant à la détermination de l'intrépide Si Larbi, le général commence à manifester des inquiétudes, et devant les injonctions du préfet Ronald, il perd patience et s'emballe dans la précipitation et l'incertitude transmettant son agitation et son affolement à son entourage. Des scènes de tortures témoignant de la haine et la colère des tortionnaires, humiliés devant leurs invités, ont suggéré l'atrocité et la barbarie affligées au héros de la révolution ensanglanté et meurtri. Les invités, manifestant leur position face à de telles pratiques étaient partagés : Karl, le journaliste-maison, et César, se cachant derrière leurs forfaitures instiguaient à la poursuite de l'interrogatoire alors que Rousseau, poète et invité du colonel Robert, admiratif devant le courage de Ben M'hidi fera savoir son mécontentement quant aux méthodes utilisées par les sanguinaires. Si Larbi, atrocement torturé avec des méthodes inhumaines contraires aux conventions internationales de respect des droits des prisonniers de guerre et des droits de l'Homme, résistera jusqu'à la mort. La scénographie, signée Mourad Bouchehir, a bien illustré le lieu des évènement avec ses atmosphères macabres renforcées par des passages au sous sol et des suggestions de cadavres suspendus par les pieds. Le réglage et le choix de l'éclairage étaient concluants donnant lieu à des ambiances lugubres qui ont aidé à la restitution des faits historiques en rapport avec les conditions de détention et la mort de Si Larbi Ben M'hidi. La musique, composée par Lamamra Hassen, était en adéquation avec la trame et faisait corps avec les situations de manière à servir de bon support aux humeurs et aux dialogues des comédiens. Dans un jeu crédible et juste, les comédiens se sont surpassé à porter le fil de la trame, transmettant de fortes émotions au public, venu nombreux qui était aux émois et a eu du répondant. Aïssa Djekati, a réussi son pari par une réalisation intelligente du spectacle, tenant compte d'un casting appréciable notamment celui concernant le choix de Hichem Guerguah qui, au delà de son talent de comédien, présente une ressemblance frappante avec le personnage qu'il a interprété. Er'roukoue lith'thara est en compétition au Festival national du théâtre professionnel qui se poursuit dans sa 8e édition jusqu'au 2 juin prochain, avec la programmation quotidienne de trois spectacles en moyenne.